Comment le gouvernement hongrois favorise « ses » médias

Par la publicité d’Etat, les annonceurs publics subventionnent indirectement et en abondance les journaux proches du Fidesz, qui sont aussi ceux qui ont le moins de lecteurs… Et les titres laissés pour compte tombent comme des mouches.

La presse traverse une profonde crise en Hongrie. Les disparitions récentes de titres emblématiques que sont le Népszabadság, le Magyar Nemzet et la semaine passée de Heti Válasz, sont là pour l’illustrer. Mais dans ce paysage sinistré, quelques journaux tirent très bien leur épingle du jeu et ils ne le doivent en rien ni à leurs succès éditoriaux ni commerciaux.

En effet, en Hongrie, l’Etat est l’un des plus gros annonceurs. Et sans surprise, ce sont les médias proches ou dans les mains du parti au pouvoir, le Fidesz, qui captent la totalité de ces revenus publicitaires. A tel point que G7, le site d’investigation qui les a publiés, les considère comme des « subventions publiques déguisées« .

L’injustice est d’autant plus criante que cela est fait en dépit de toute logique commerciale, car ces journaux pro-gouvernementaux dans lesquels le gouvernement diffuse ses publicités politiques sont aussi ceux qui ont les plus faibles diffusions. G7 explique aussi que les annonceurs privés ont aussi tendance à déserter les pages des journaux d’opposition, de crainte de se mettre à dos le gouvernement.

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Diffusion de la presse quotidienne et hebdomadaire (moyenne annuelle par numéro)

En 2015, les papiers les plus vendus étaient l’hebdomadaire économique libéral HVG (31 000 exemplaires en moyenne), suivi du quotidien Népszava (19 500), du défunt journal de droite Magyar Nemzet (14 600), de l’hebdomadaire libéral Magyar Narancs (13 000), de l’hebdomadaire de gauche 168 Óra (12 000), de l’hebdomadaire de centre-droit Heti Válasz (10 800).

Face à eux, les titres liés au Fidesz font pâle figure : le quotidien pro-gouvernemental Magyar Idők ne vend qu’à 7 900 exemplaires en moyenne, le Magyar Hírlap à 5 900 et Figyelő à 3 900. Ces piètres résultats n’ont pas empêché ces trois journaux de profiter de revenus publicitaires supérieurs aux recettes de leurs ventes : 897 millions de forint (2,8 millions d’euros), 637 millions et 780 millions, respectivement.

L’hebdomadaire de centre-droit Heti Válasz a imprimé sa dernière édition jeudi dernier. Comme le Magyar Nemzet un mois plus tôt, c’est la rupture en 2015 entre son propriétaire Lajos Simicska et le gouvernement qui a scellé le sort du titre. Le pure-player Index.hu constate que dès lors, ses journalistes ont été boycottés par le pouvoir et que le journal a été privé de ses financements publicitaires, publics et privés.

Hongrie : un journal de plus dans le cimetière de la presse

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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