Le premier ministre nationaliste Viktor Orbán va-t-il remporter un 5e mandat dont le 4e consécutif lors des élections législatives hongroises le 3 avril ? Questions/réponses.
Comment fonctionne le système électoral en Hongrie ?
Ce sont les 9e élections législatives depuis le depuis le tournant démocratique de 1989. Elles se sont déroulées à intervalle régulier tous les quatre ans.
8,2 millions d’électeurs hongrois sont inscrits sur les listes électorales en Hongrie (pour 9,8 millions d’habitants). Quelques centaines de milliers de Hongrois vivant en minorités dans les pays voisins et en diaspora ailleurs dans le monde, non-résidents, disposent aussi d’un droit de vote, mais partiel.
En effet, le scrutin se déroule selon un système électoral mixte à un tour. 106 députés parlementaires seront élus dans autant de circonscriptions électorales uninominales et 93 députés seront élus sur une liste nationale.
Dans les semaines suivant l’élection, le parlement désignera son ministre-président (miniszterelnök), l’équivalent du Chancelier en Allemagne, le président de la République hongroise ayant un rôle essentiellement représentatif.
Qui sont les candidats ?
Viktor Orbán (Fidesz-KDNP) et Péter Márki-Zay (Alliance pour la Hongrie) sont les deux têtes de liste qui ont une chance de devenir premier ministre. Outre ces deux blocs, le petit parti d’extrême-droite de Laszlo Toroczkay et Dora Duro pourraient décrocher quelques pourcentages, de même que le parti satirique du Chien à deux queues (MKKP). Il existe d’autres micro-partis ou candidatures personnelles mais qui sont négligeables.
Qui est Péter Márki-Zay, le chef de l’opposition ?
Péter Márki-Zay a été désigné, au terme d’une élection primaire à l’automne, par six partis pour conduire l’« Alliance pour la Hongrie ». Il se présente lui-même comme un conservateur, pro-Européen et comme un déçu du Fidesz qu’il juge antidémocrate et corrompu. Un concours de circonstances l’a propulsé candidat, le maire de Budapest Gergely Karácsony, chef naturel de l’opposition, avait créé la surprise en se ralliant à lui.
Une rencontre avec Péter Márki-Zay dans son fief de Vásárhely
Péter Márki-Zay, le conservateur qui pourrait représenter le front anti-Orbán en 2022
Péter Márki-Zay : « Il faut construire un nouveau parti conservateur qui concurrence le Fidesz »
Qui participe à la coalition ?
Elle rassemble six partis politiques qui vont de la gauche à la droite : les sociaux-démocrates de la Coalition démocratique (DK), le Jobbik (national-conservateur), le Parti socialiste hongrois (MSZP), Momentum (gauche libérale), le LMP (vert – agrarien) et Dialogue (gauche écologiste).
Ce bloc présente un candidat conjoint au poste de Premier ministre, mais aussi un seul candidat dans chacune des 106 circonscriptions uninominales, ainsi qu’une liste commune pour la composante proportionnelle des élections.
Le Jobbik est-il encore un parti d’extrême-droite ?
A sa création à la moitié des années 2000, Jobbik était un authentique parti d’extrême-droite, à tendance néo-nazie, antisémite, anti-Roms, homophobe, anti-Occidental. Sa translation progressive vers le centre-droit remonte à 2014. Aujourd’hui, ce parti peut être qualifié de national-conservateur. Le Fidesz dénonce l’alliance de la gauche avec une formation qu’elle juge – opportunément – toujours d’extrême-droite et les médias pro-Fidesz déterrent régulièrement le passé peu reluisant de ce parti.
Le Jobbik hongrois est-il encore un parti d’extrême droite ?
En Hongrie face à Orbán, les enjeux du pacte entre l’opposition démocratique et le Jobbik
Quel est le rapport de force ? Que disent les sondages ?
Selon les récents sondages, généralement fiables lors des précédents scrutins, une victoire du Fidesz est le scénario le plus probable. Les analystes semblent toutefois sceptiques quant à sa capacité à remporter une nouvelle « supermajorité » des deux-tiers du parlement, sans exclure tout à fait cette possibilité. Toutefois, le scrutin reste ouvert et l’opposition a une chance de remporter les élections.
Élections législatives en Hongrie : Que disent les sondages à J-4 du scrutin ?
Quels étaient les résultats du Fidesz lors des législatives précédentes ?
Pour rappel, le Fidesz a remporté les élections en 2010 (2 706 292 voix, 53 %) 2014 (2 264 780 voix, 45 %) et 2018 (2 824 206, 49 %). Ces scores lui ont permis à chaque fois de prendre le contrôle des deux-tiers de l’assemblée.
Quel est le programme et la stratégie de l’opposition ?
Un seul but commun rassemble six partis très différents : déloger Orbán du pouvoir, rétablir les institutions démocratiques colonisées par le Fidesz, et redonner vie au pluralisme médiatique et démocratique.
Outre les questions démocratiques, l’opposition propose aussi une série de réformes destinées à rétablir un système fiscal et social plus juste, en faveur des classes inférieures, comme le retour à un impôt sur le revenu progressif, l’allongement de la durée des allocations de chômage, une répartition plus équitable des allocations familiales et un programme de construction de logements.
Contraint à un grand écart permanent pour essayer d’attirer d’éventuels déçus du Fidesz et de convaincre les abstentionnistes, sans rompre avec les partis de gauche qui le soutiennent, « PMZ » utilise un discours à double-entrée, par exemple lorsqu’il dénonce l’hypocrisie du Fidesz qui s’en prend aux homosexuels alors que le parti en compte – selon lui – un grand nombre.
La guerre en Ukraine peut-elle influencer le résultat du scrutin ?
Viktor Orbán, embarrassé par sa relation diplomatique de proximité avec Vladimir Poutine, s’est posé en faiseur de paix face à une gauche dépeinte comme belliciste. Selon lui, l’enjeu de l’élection revient à choisir entre « une droite pacifiste et une gauche va-t-en guerre ». A ce slogan « la guerre ou la paix », l’opposition répond par un autre clivage, « l’Est ou l’Ouest ». Sans faire visiblement bouger les lignes, le conflit russo-ukrainien a creusé le fossé entre les deux récits qui s’opposent. Il a aussi permis au premier ministre de capitaliser sur son rôle de chef et d’étouffer les propositions de ses adversaires.
Róbert László : « Le Fidesz est capable de maintenir ses électeurs dans une bulle d’opinion »
Entretien avec Péter Techet : « Le régime d’Orbán est trop fort pour être simplement balayé »
Des doutes sur la propreté du scrutin ?
Fait inédit dans l’Union européenne, l’OSCE, qui avait qualifié les scrutins de 2014 et 2018 de « libres » mais « inéquitables », a envoyé une mission d’observation complète. Les dernières législatives avaient été émaillées de multiples irrégularités. Le transport de faux électeurs depuis l’Ukraine voisine, les achats de vote dans les villages les plus pauvres du pays, des annulations de bulletins, etc., font même dire à l’ONG Unhack Democracy que le Fidesz a volé sa précieuse « super-majorité » des deux-tiers du parlement. Cette année, l’opposition s’est assurée de pouvoir envoyer des observateurs dans la totalité des 10 286 bureaux de vote du pays.