Zsuzsa Hegedüs, sociologue de renom en France, puis conseillère du premier ministre hongrois Viktor Orbán, est décédée samedi à l’âge de 76 ans, rapporte le journal Mandiner.
Comment peut-on être sociologue, francophile, se revendiquer femme de gauche et être la première conseillère du dirigeant national-conservateur Viktor Orbán ? Zsuzsa Hegedüs avait réussi à résoudre cette quadrature du cercle, non sans s’attirer de vives critiques venant de la gauche hongroise.
Zsuzsa Hegedüs, sociologue et philosophe, conseillère principale du Premier ministre Viktor Orbán jusqu’à leur rupture récente, est décédée samedi matin à l’âge de 76 ans des suites d’une longue maladie, rapporte le journal de droite Mandiner.
Sociologue à Paris
Zsuzsa Hegedüs émigre à Paris en 1976, où elle obtient un doctorat en sociologie à l’École des hautes études en sciences sociales. Proche des sociologues Alain Touraine, François Dubet et Michel Wieviorka, elle cosigne avec eux plusieurs ouvrages, tels que « La prophétie anti-nucléaire », « Lutte étudiante » et « Le pays contre l’État ».
De retour en Hongrie dans les années 1990, elle rejoint le noyau intellectuel du SZDSZ, très influent parti libéral pendant les années de transition et au pouvoir en coalition avec les Socialistes du MSZP au cours de la décennie 2000. Elle importe également après le changement de régime le concept de « SOS Racisme » dans les écoles hongroises, pour sensibiliser les élèves aux discriminations dont sont victimes les Roms.
Comme le précise Mandiner, elle se réinstalle pour de bon en 2004 dans une Hongrie sociale-libérale dirigée par la coalition socialiste-libérale MSZP-SZDSZ.
Au début des années 2010, Zsuzsa Hegedüs nous avait reçu dans son grand bureau situé dans l’aile gauche du parlement, au bord du Danube. Elle nous racontait avoir rompu avec la gauche hongroise en 2004 lors du référendum initié par la droite pour octroyer la citoyenneté aux Hongrois des pays voisins et déplorait « une campagne dégueulasse et raciste menée par la gauche qui a fait croire au peuple que les Magyars d’outre-frontière allaient envahir la Hongrie pour voler leur travail ».
Ulcérée par les violences policières à l’encontre de partisans du Fidesz à l’automne 2006, elle rejette virulemment le premier ministre Ferenc Gyurcsány et sa gauche « blairiste ».
La droite hongroise sont les vrais sociaux-démocrates, ils viennent de milieux modestes et veulent croire que tout le monde peut y arriver, osait-elle affirmer. « Les socialistes, c’est nous ! ». « Lorsque que Michel Wievorka est venu ici à Budapest, il n’en croyait pas ses yeux et ses oreilles. Des milliardaires socialistes ?! », se remémorait-elle.
Proche des Roms…mais encore plus d’Orbán
A la tête de la fondation Minden gyerek lakjon jól! (Pour que tous les enfants vivent bien), elle entreprend de mettre en place des programmes de lutte contre la pauvreté des enfants de la minorité ethno-nationale rom. « L’état social ne peut plus rien, ce qu’il faut c’est donner aux pauvres les moyens de s’en sortir par eux-mêmes », nous disait-elle.
Mais ses actions pour promouvoir l’autosuffisance des populations roms, en distribuant par exemples de la volaille d’élevage dans les villages les plus pauvres du pays, sont souvent tournées en dérision par la gauche, prompte à voir en elle une opportuniste, de fait confortablement rémunérée par le gouvernement Fidesz pour un travail difficilement visible.
Car ce que l’on retient de sa longue carrière, c’est avant tout son rôle officiel de première conseillère du Premier ministre Viktor Orbán, tout au long des années 2010, mais une conseillère de l’ombre qui n’apparaissait pas en public.
Zsuzsa Hegedüs s’est une fois de plus attirée les foudres de la gauche, à l’été dernier, en démissionnant avec fracas après une déclaration raciste de Viktor Orbán (selon laquelle « nous ne voulons pas devenir une race mixte ») qu’elle avait jugée « nazie », avant de se raviser après une mise au point peu convaincante de ce dernier.