Jamais le parti nationaliste hongrois ne s’est trouvé aussi proche de l’expulsion du Parti Populaire européen (PPE) qu’à l’heure actuelle. Et son leader, Viktor Orbán, semble faire tout son possible pour en être mis à la porte avant les élections européennes.
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Les élections européennes 2019 vues par Le Courrier des Balkans et Le Courrier d’Europe centrale |
Il voudrait que l’Alliance des jeunes démocrates (Fidesz) invitée par le chancelier Helmut Kohl à rejoindre ses rangs soit mis à la porte du plus grand parti paneuropéen de droite qu’il ne s’y prendrait pas autrement. En déclarant dans un entretien avec le journal allemand « Welt am Sonntag » que les membres du PPE qui réclament son exclusion sont les « idiots utiles » de la gauche, Viktor Orbán n’a sans doute fait qu’accélérer un processus qui semble de plus en plus inéluctable : l’expulsion du Fidesz du grand parti de droite.
La campagne d’affichage anti-Union européenne qui vise ab hominem un membre historique du PPE, en la personne du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, présenté en homme de main du milliardaire hongro-américain George Soros, a suscité une levée de boucliers dans le camp conservateur, qui s’est transformée en fronde en fin de semaine dernière. Pour déclencher la procédure d’exclusion d’un parti du PPE, il faut que sept partis issus d’au moins cinq pays en fassent officiellement la demande. Et c’est désormais chose faite, puisqu’à l’heure actuelle, le front anti-Orbán rassemble neuf partis de sept pays, principalement de Scandinavie et du Bénélux.
L’étau s’est brutalement resserré autour du Fidesz ces derniers jours. Ce sont les partis suédois qui ont ouvert les hostilités en milieu de semaine dernière, avec les Modérés (Moderaterna) et les Chrétiens-démocrates (Kristdemokraterna). Ils ont été suivis par les partis belges, les Chrétiens-démocrates et flamands (CD&V) et le centre démocrate Humaniste (cdH), les Hollandais de l’Appel démocrate-chrétien (CDA) et les Luxembourgeois du Parti populaire chrétien-social (CSV). Vendredi, la fronde a été renforcée par les Portugais du Parti populaire-Parti du Centre démocratique et social (CDS-PP), les Grecs de la Nouvelle Démocratie (ND) et les Finlandais du parti Kokoomus.
« Il est possible de ramener Orbán dans le droit chemin », croit-on encore au PPE
« Nous sommes au PPE et nous y restons. Il n’y a pas de plan B. »
Dès lors, la présidence du PPE n’a d’autre choix que de mettre à l’agenda de sa réunion du 20 mars la question du maintien ou de l’expulsion du Fidesz, qui sera in fine décidée par un vote de ses membres à la majorité de 50 %. Et le Premier ministre hongrois a encore jeté de l’huile sur le feu, dans une interview publiée dimanche dans « Welt am Sonntag ». Une interview qui « n’a pas facilité les choses », selon Manfred Weber, comme le rapporte « Der Spiegel », le journal allemand qui précise aussi que « le silence règne dans les locaux de la CDU et la CSU ». Tout comme du côté des Républicains de Laurent Wauquiez en France.
Le Hongrois a en effet justifié sa campagne contre Jean-Claude Juncker et George Soros en assénant à nouveau : « La politique n’est pas un concours de beauté […] Dans cette élection, la politique de migration est en jeu. Et ces deux hommes incarnent une politique pro-migratoire ». Mieux, Viktor Orbán a profité de cet entretien pour annoncer que cette campagne qui doit prendre fin le 15 mars sera immédiatement suivie par une seconde, dirigée cette fois contre le Hollandais Frans Timmermans, candidat du centre-gauche européen à la présidence de la Commission européenne. « M. Juncker prend sa retraite et M. Timmermans arrive. […] Le rôle de George Soros dans la politique européenne est inévitable et chacun a le droit de savoir que Timmermans est, de son propre aveu, son allié ».
Viktor Orbán pense-t-il amadouer la droite allemande, qui tient pour bonne part le destin du Fidesz dans ses mains en chantant les louanges, dans la même interview, de Manfred Weber, le candidat du PPE à la présidence de la Commission qui prend de plus en plus ses distances avec lui ? Ou lorsqu’il déclare : « Nous sommes au PPE et nous y restons. Il n’y a pas de plan B », feignant ainsi de ne pas savoir qu’il est attendu de pied ferme par l’Italien Matteo Salvini qui tente de fédérer l’extrême-droite en vue des européennes ?
Il est en réalité probable que l’homme fort de Budapest sache déjà son sort scellé, sinon pourquoi traiter d’« idiots utiles » au service de la gauche ses propres collègues ? Provoquer son éviction lui permettrait de se placer dans une position victimaire, avancent des politologues. A moins de trois mois des élections européennes, prévues le dimanche 26 mai en Hongrie, bien malin qui peut dire sous quelles couleurs va concourir le Fidesz. Eléments de réponse le 20 mars lors de la réunion du PPE. Toute la question est de savoir si le parti va se résoudre à se passer des treize des vingt-et-un sièges hongrois que le Fidesz devrait glaner en mai dans le prochain parlement européen.
Viktor Orbán usurpe la démocratie chrétienne, le PPE courbe l’échine