L’ancien chef de la police slovaque, Milan Lučanský, est décédé à l’hôpital après une tentative de suicide en détention le 29 décembre. Les anciens dirigeants, dans le collimateur de la justice, brocardent la politique anti-corruption à l’œuvre en Slovaquie et pointent la responsabilité du premier ministre Igor Matovič.
« Aujourd’hui, à 15h55, un médecin a proclamé la mort de M. Milan Lučanský à l’hôpital universitaire de Prešov. Nous le regrettons vivement et adressons nos condoléances à la famille », a déclaré le porte-parole du ministère de la Justice le 30 décembre.
Milan Lučanský avait été le chef de la police slovaque de juin 2018 à août 2020. Il se trouvait en détention préventive depuis le 6 décembre à la prison de Prešov, accusé de corruption. Selon les accusations d’autres policiers et d’agents des services secrets, il aurait accepté des pots-de-vin à hauteur d’un demi-million d’euros, et encourait pour cela de dix à quinze ans de prison.
Un surveillant a contrôlé Milan Lučanský mardi à 16h30, puis l’a découvert pendu avec une veste de survêtement attachée au cadre de son lit à 16h39, a fait savoir la ministre de la Justice Mária Kolíková.
Le directeur des services pénitentiaires, Milan Ivan, a indiqué que les examens psychologiques et psychiatriques n’avaient pas confirmé de tendances suicidaires de Milan Lučanský et affirmé que le surveillant n’avait pas commis de faute. Il a toutefois remis sa démission, mais pas le directeur de la prison de Prešov, Norbert Kundrák.
La ministre de la Justice Mária Kolíková, qui n’a pas relevé d’erreur de l’institution pénitentiaire à ce stade, n’a pas exclu de démissionner elle-aussi. Elle a annoncé la formation d’une commission d’enquête qui sera ouverte aux représentants de l’opposition, à la présidente de la République et aux institutions européennes.
Les anciens dirigeants brocardent la politique anti-corruption
Le journal « Denník N » rappelle que beaucoup de personnes très influentes dans la vie publique slovaque ont été poursuivies par la Justice au cours des derniers mois. L’ancienne secrétaire d’État au ministère de la Justice Monika Jankovská, le millionnaire et l’avocat influent Zoroslav Kollár, le copropriétaire de Penta Jaroslav Haščák, l’ancien procureur spécial Dušan Kováčik et l’ancien chef de la police Tibor Gašpar se trouvent tous à l’heure actuelle en détention préventive.
Le plus grand magnat de Slovaquie est derrière les barreaux
Slovaquie : L’ancien chef de la police placé en détention
Les anciens dirigeants du pays, qui ont perdu le pouvoir en 2018 après l’assassinat du journaliste Ján Kuciak et craignent d’être à leur tour mis en cause par la justice, ont sauté sur l’occasion pour brocarder la politique anti-corruption du premier ministre Igor Matovič.
Le parti Hlas – Sociálna demokracia de Peter Pellegrini, ancien bras droit de Robert Fico, a attribué la mort de Milan Lučanský au climat actuel en Slovaquie, où la course à la détention est devenue un instrument politique. « La présomption d’innocence a été complètement ignorée. Les personnes inculpées sont automatiquement qualifiées de criminels […]. Dans un tel climat, les inculpés convaincus de leur innocence supportent plus difficilement leur sort».
Le parti de Robert Fico, le Smer-SD, a quant à lui attribué la responsabilité directe du suicide de Lučanský au Premier ministre Igor Matovič. L’affaire Lučanský représente, selon le parti, « le point culminant d’une époque tragique de l’histoire slovaque, où la présomption d’innocence est considérée comme une relique du passé et la garde à vue un outil de torture légitimé par le gouvernement », a déclaré le porte-parole du parti.
Igor Matovič et Robert Fico se vouent une haine réciproque qui donne lieu à de régulières passes d’armes, par exemple lorsque le Premier ministre Matovič descend les travées du Conseil national pour toiser et défier le député Fico au pupitre. Ce dernier tente de conjurer la chute du Smer-SD qui a régné pendant dix ans sur la Slovaquie, en adoptant une ligne inspirée de celle de Viktor Orbán en Hongrie. Mais c’est Peter Pellegrini et son parti issu d’une scission du Smer, Hlas – Sociálna demokracia, qui fait aujourd’hui figure de principale force d’opposition.