« S’il faut construire quelque chose de nouveau en Europe, c’est avec la Pologne que nous commencerons »

Viktor Orbán a abordé ce matin la possible exclusion de son parti, le Fidesz, du PPE. Évoquant « plusieurs possibilités » quant à son avenir au sein – ou à l’extérieur – de la démocratie chrétienne européenne, le premier ministre hongrois a surtout voulu se poser en maître des horloges.

« L’Europe connait une mutation très profonde de sa vie politique. (…) Les migrations et l’immigration ont changé nos vies. C’est la question la plus importante pour l’avenir politique de l’Union européenne », a déclaré ce matin Viktor Orbán, traditionnel invité du vendredi sur Kossuth Rádió. Invité à s’exprimer sur la possible mise au ban de son parti, le Fidesz, du Parti populaire européen (PPE), le premier ministre hongrois a considéré qu’« une nouvelle ligne de partage a bousculé les traditionnels clivages gauche-droite (…), entre ceux qui soutiennent l’immigration, et ceux qui ne la soutiennent pas ».

Pour Viktor Orbán, « ce nouveau clivage autour du peuplement européen traverse également le PPE » et « ceux qui soutiennent l’immigration ont lancé une offensive contre [lui] ». Le dirigeant nationaliste s’en est par ailleurs encore une fois pris à « ceux qui font tout pour transformer le Parti populaire en organisation internationale pro-migratoire ».

« Nous avons plusieurs possibilités. Et c’est le Fidesz qui prendra sa décision de se maintenir ou de quitter le Parti populaire »

Alors que les observateurs de la vie politique européenne se perdent en pronostics pour savoir si le Fidesz sera ou non exclu lors de l’assemblée politique du PPE le 20 mars prochain, Viktor Orbán a tenté ce matin de se poser en maître des horloges. « Nous avons plusieurs possibilités. Et c’est le Fidesz qui prendra sa décision de se maintenir ou de quitter le Parti populaire », a-t-il ainsi déclaré, esquissant également ce à quoi pourrait ressembler sa sortie de route de la famille chrétienne-démocrate européenne.

« Les téléphones chauffent, évidemment », a-t-il reconnu, depuis le lancement de la procédure d’exclusion du Parti populaire européen le 4 mars dernier. « J’ai discuté hier et avant-hier avec Jean-Claude Juncker, j’ai ensuite échangé avec Monsieur Weber (…) et d’autres discussions auront encore lieu », a détaillé Viktor Orbán.

S’il a réitéré sa volonté de transformer le PPE de l’intérieur pour que les « forces anti-migratoires » y trouvent leur place – sous-entendu la Ligue de l’Italien Matteo Salvini et le parti Droit et justice du Polonais Jarosław Kaczyński -, le premier ministre hongrois n’a pas caché entretenir déjà des échanges avec Varsovie sur la possibilité de créer une nouvelle force politique européenne. « S’il faut construire quelque chose de nouveau, alors c’est évident que le premier pays avec lequel nous allons discuter c’est la Pologne », a confié Viktor Orbán au micro de Kossuth Rádió.

« Nous devons gagner les élections européennes pour pouvoir continuer à changer la Pologne »

Le scénario d’une « nouvelle alliance » avec la droite ultra-nationaliste et l’extrême-droite n’est pas une surprise en soi. Cela fait des mois que le premier ministre hongrois montre des signes de sympathie envers les dirigeants italiens et polonais. Hier jeudi, un éditorial paru dans le quotidien pro-gouvernemental Magyar Nemzet, a déjà largement défriché ce scénario. 

L’étau se resserre autour du Fidesz

Si les Scandinaves, les Portugais, les Irlandais, les Slovènes (NSi), les Bulgares (DSB), les Grecs et les partis conservateurs du Bénélux semblent les plus décidés à vouloir en découdre avec le Fidesz, leur poids au sein des instances du PPE ne leur permet pas d’assurer une majorité en faveur de l’éviction du parti de Viktor Orbán.

Adaptation d’une infographie réalisée par Index.

Selon un comptage réalisé par nos confrères d’Index, le Fidesz ne dispose que de trois solides alliés au sein du Parti populaire, à savoir deux partis ethniques hongrois – l’UDMR-RMDSz de Roumanie et le SMK-MKP de Slovaquie – et le parti conservateur tchèque KDU–ČSL. Mais il pourra vraisemblablement compter sur les berlusconistes de Forza Italia, le parti hongrois de Serbie (SVM-VMSz), les Slovènes du SDS et du SLS, les Bulgares du GERB, les Croates du HDZ, les Républicains français, et bien sûr sur le VMRO-DPMNE du Nord-Macédonien Nikola Gruevski, réfugié à Budapest.

Alors que le Viktor Orbán semblait jusqu’à présent pouvoir compter sur de solides alliés au sein du parti paneuropéen, ses récentes provocations – traitant l’aile libérale du parti « d’idiots utiles » – semblent avoir quelque peu fragilisé sa position. La grosse inconnue demeure ainsi du côté des Allemands de la CDU et de la CSU, visiblement partagés sur la conduite à adopter face à celui qui se revendique comme « l’héritier d’Helmut Kohl ». Mais aussi du côté des Espagnols du PP et des Polonais de la Plateforme civique (PO).

Comme le rappelle le site d’information polonais WP, « l’aile libérale du PO voudrait se débarrasser de Viktor Orbán, tandis que d’autres se souviennent encore de son vote pour la réélection de [Donald] Tusk » à la présidence du Conseil européen. Mais la proximité du Fidesz avec le PiS pourrait les inciter à l’amnésie.

La nouvelle carte de l’Europe, selon Viktor Orbán

Ludovic Lepeltier-Kutasi

Journaliste, correspondant à Budapest. Ancien directeur de publication et membre de la rédaction du Courrier d'Europe centrale (2016-2020) et ancien directeur de la collection "L'Europe excentrée" (2018-2020).

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