Sebastian Kurz : « la campagne d’Orbán contre Juncker est inacceptable »

Le chancelier autrichien Sebastian Kurz a fermement pris ses distances avec la campagne du gouvernement hongrois contre le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

Les élections européennes 2019 vues par Le Courrier des Balkans et Le Courrier d’Europe centrale

« Je trouve le libellé de cette campagne contre Jean-Claude Juncker inacceptable », a déclaré ce vendredi le chancelier autrichien Sebastian Kurz au sujet de l’attaque du gouvernement hongrois contre le président de la Commission européenne. Des affiches ont fleuri depuis lundi dans les rues de Budapest où l’on voit un Jean-Claude Juncker hilare, avec derrière lui l’homme d’affaires hongro-américain George Soros, l’air narquois.

« Vous avez aussi le droit de savoir ce que prépare Bruxelles », peut-on ainsi lire en gros caractères. Avec en sous-texte : « Ils veulent imposer le quota de migrants. Ils veulent affaiblir le droit des États membres à défendre leurs frontières. Ils veulent faciliter l’immigration avec des visas pour les migrants ».

La formation de Sebastian Kurz – l’ÖVP – est membre du Parti populaire européen (PPE), tout comme le Fidesz du premier ministre hongrois Viktor Orbán. « Cette campagne est incompréhensible pour beaucoup au sein du PPE », a d’ailleurs reconnu le chancelier autrichien, tout en refusant néanmoins de se prononcer en faveur de sanctions. Cela fait plusieurs mois que Vienne prend ses distance avec Budapest. Le parti de Sebastian Kurz avait notamment voté en faveur de sanctions contre la Hongrie le 12 septembre dernier, lors du débat sur le rapport Sargentini au Parlement européen.

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« Je dénonce avec force les attaques sans fondement et conspirationnistes contre M. Juncker, qui est un vrai chrétien-démocrate, et un leader européen », avait tweeté mardi le président du PPE, le Français Joseph Daul. Il avait été retweeté dans la foulée par le chef de file du parti pour les élections européennes de mai prochain, Manfred Weber, en guise de service minimum.

Les condamnations sont également venues de l’Union chrétienne-démocrate allemande (CDU), pourtant allié historique du Fidesz au niveau européen. « Je soutiens pleinement (M. Juncker), nous sommes solidaires et nous le dirons haut et fort lors de nos entretiens avec la Hongrie », a ainsi déclaré hier la chancelière allemande Angela Merkel. Sa dauphine et cheffe de la CDU Annegret Kramp-Karrenbauer a déploré dans les colonnes du Spiegel les « reproches sans fondement » venant de Budapest.

« La grande majorité du groupe PPE au sein du Parlement européen suit avec inquiétude les agissements de Viktor Orbán », a renchéri de son côté Gunnar Hökmark, député européen suédois. « Son attitude va à l’encontre des valeurs qu’a fait siennes notre famille politique », a-t-il également déclaré, réclamant que la question du maintien du Fidesz au sein du PPE soit rapidement discutée par les instances du parti européen.

Le principal intéressé Jean-Claude Juncker semble quant à lui s’être déjà fait un avis sur le sujet. « Le Fidesz n’a plus sa place dans ce parti », aurait-il confié mardi après-midi à des journalistes, selon l’hebdomadaire hongrois HVG. Issu du même Parti populaire chrétien-social luxembourgeois, le député européen Frank Engel a également appelé le parti de Viktor Orbán « à quitter le PPE immédiatement ».

« Viktor Orbán n’a pas été contacté ni par M. Juncker, ni par M. Daul », assurait encore hier lors d’une conférence de presse Gergely Gulyás, porte-parole du premier ministre hongrois. « Lorsque la question de l’exclusion du Fidesz a été mise sur la table pas Jean-Claude Juncker [en octobre dernier, ndla], ce dernier s’est retrouvé minoritaire sur cette question », a-t-il également tenu à rappeler.

Interrogé à ce sujet ce matin sur Kossuth Rádió, le premier ministre hongrois s’est dit « prêt à affronter les critiques » venues du PPE. « C’est très bien qu’on discute de tout ça », a-t-il enfin ajouté laconique.

 

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Ludovic Lepeltier-Kutasi

Journaliste, correspondant à Budapest. Ancien directeur de publication et membre de la rédaction du Courrier d'Europe centrale (2016-2020) et ancien directeur de la collection "L'Europe excentrée" (2018-2020).

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