Des réfugiés en vacances ? Panique au Balaton !

Retour sur une polémique estivale. Quand le bruit a couru que des réfugiés participeraient à un camp de vacances au bord du lac Balaton, la panique s’est emparée de la petite commune de Zalavár, en Hongrie. Dans cette tribune au vitriol, le journaliste László Seres dénonce la campagne de xénophobie menée par le pouvoir.

hvg_orig Article de László Seres, paru le 10 août 2017 sur HVG.hu. Traduite du hongrois par Paul Maddens.

« Dès que j’ai pris connaissance de l’information, je l’ai vérifié et j’ai pris les mesures nécessaires. Dans cette affaire, je servirai les intérêts de la population de la commune » – a déclaré la maire de la commune, Ildikó Horváth, avec la détermination exigée par la situation et dans un style très « Ministère de l’Intérieur ». L’information en question a profondément sidéré les habitants de Zalavár, qui ont cédé à la panique.

Mais quelle est la cause de cette panique ? Est-ce la Corée du Nord qui infligerait une frappe préventive sur la maison de la culture locale avec des fusées intercontinentales ? Est-ce Rosatom qui édifierait directement sous la commune un site de stockage de déchets radioactifs issus de Paks II ? [1]ROSATOM est un organisme d’Etat russe chargé entre autres du contrôle du secteur de l’énergie atomique. Il intervient dans les projets d’extension de la centrale nucléaire hongroise de Paks. Lájos Simicska a-t-il été vu en train de faire ses courses dans le Coop local ? [2]Lájos Simicska est un grand capitaliste hongrois. D’abord proche du premier ministre, il est devenu son ennemi juré.

Rien de tout cela. L’organisation Migration Aid a fait savoir qu’elle comptait emmener en vacances quelques familles de réfugiés afghans et syriens à proximité de Keszthely, à Zalavár. Il ne s’agit pourtant pas d’infiltrés clandestins, mais bien de réfugiés ayant officiellement reçu la protection de l’Etat. […]

Sur les plages hongroises, la vue de ce genre de personnes est dérangeante. Il faut y être pour le croire. Migration Aid a écrit sur Facebook : « Lors du week-end des 5 et 6 août, nous organisons des journées consacrées à la baignade, au nettoyage de la maison et à la mise en ordre du terrain ». Nous comprenons enfin la raison de la panique. Ces gens se baigneront dans le lac mais en plus, sur ordre de Soros, ils vont réaménager les frontières sur la base de Trianon, puis ils procèderont au nettoyage ethnique dans la petite commune du Petit Balaton.

Plus tard, Migration Aid a démenti le choix de la commune de Zalavár. Ce qui n’a pas fait retomber la panique. Est-ce un hasard ? Probablement pas. Les maires des environs s’informent dans des journaux payés à l’avance à leur intention. Ainsi, si ce journal (Magyar Idők) écrit :

« Migration Aid installerait des migrants à Keszthely », [3]Magyar Idők, Temps Hongrois, un journal créé par le Fidesz au pouvoir.

il est logique que ces innocentes vacances au bord du Balaton ne soient que la première phase de l’installation définitive des migrants voulue par Soros. Il semble que selon son plan, d’abord toutes les femmes seront obligées de porter le burkini, ensuite l’enseignement sera nationalisé, des complices seront placés à tous les postes, ils « faucheront » l’argent des caisses privées de retraite…. [4]Ce paragraphe fait des allusions à des faits reprochés au gouvernement. De toute façon, ils viennent, regardent et gênent. Si tu viens en Hongrie, respecte nos plages ! […]

Ferenc Ruzsics, maire de Keszthely et en même temps commissaire du gouvernement « Responsable des Bains de Soleil de la Population » (ndlr : le ton est ironique), « essaierait par tous les moyens légaux d’empêcher » que de telles personnes passent des vacances non seulement dans sa ville mais s’il le pouvait partout. Jenő Manninger, député de la circonscription reconnaît que prendre un bain de soleil n’est pas s’installer pour de bon, mais « cette organisation est dangereuse du fait que son activité fait partie du plan de Soros ». Encore une chance que « les autorités elles aussi, examinent les possibilités légales pour que puissent être évitée, si possible, l’organisation de ce genre de campements ».

L’organisation de ce genre de campements est à éviter car elle gêne le panorama paisible et ethniquement homogène du lac. Personnellement, il y a quelques semaines, j’ai vu dans l’eau à Balatonfüred une femme en burkini et ses enfants et cela ne gênait absolument personne, ils ne la regardaient même pas. Disons que s’ils venaient par rangs serrés de dix et construisaient un minaret à côté de la balise, moi aussi je prendrais peur, mais pour l’instant, aucune menace. S’il y en a une, elle vient du fait que l’organisation de vacances pour des citoyens étrangers exige une autorisation de certaines autorités.

Voyons maintenant ce qui ne gêne pas les Hongrois à la plage.

Cela ne les gêne pas que Lőrinc Mészáros acquiert un nouveau camping géant en dessous du prix du marché à Akali. Cela ne les gêne pas que la famille de ce même Lőrinc Mészáros navigue sur un mystérieux yacht de luxe. Cela ne les gêne pas que le chrétien Zsolt Semjén donne l’hospitalité aux persécutés chrétiens du régime iranien (attention ! Eux aussi ont l’habitude de passer des vacances) alors que c’est lui qui en avril a signé un accord de coopération nucléaire avec ce même régime iranien. Ils ne sont pas gênés non plus par ces nombreux « étrangers à devises » [5]Le gouvernement hongrois émet des titres que peuvent acheter des investisseurs étrangers hors-UE ; en échange ceux-ci reçoivent une autorisation d’installation en Hongrie et peuvent circuler librement dans l’Union Européenne. que personne n’a contrôlé du point de vue de la sécurité nationale, qui sont parfois même recherchés par le FBI et Interpol et qui peuvent même acquérir un bien immobilier jusque dans le voisinage de la résidence du Premier ministre. […]

Des gens ordinaires, des hommes politiques croient que l’organisation de vacances caritatives à destination de familles réfugiées équivaut à leur installation organisée. Que le parti-Etat veuille créer une telle couche d’électeurs pour remporter les élections de 2018, cela en dit long sur nous. Le parti-Etat suscite avec professionnalisme ce qu’il veut susciter. De quelques milliers de réfugiés à accueillir, de 321 Syriens et Afghans ayant obtenu le statut de réfugiés, de l’argent et de l’opinion d’un milliardaire américain, il fomente une gigantesque affaire nationale pendant qu’il s’efforce d’insensibiliser la population au fait qu’il pourrit, vole et vide le pays, ce pays qui était encore une démocratie parlementaire il n’y a pas si longtemps.

Notes

Notes
1 ROSATOM est un organisme d’Etat russe chargé entre autres du contrôle du secteur de l’énergie atomique. Il intervient dans les projets d’extension de la centrale nucléaire hongroise de Paks.
2 Lájos Simicska est un grand capitaliste hongrois. D’abord proche du premier ministre, il est devenu son ennemi juré.
3 Magyar Idők, Temps Hongrois, un journal créé par le Fidesz au pouvoir.
4 Ce paragraphe fait des allusions à des faits reprochés au gouvernement.
5 Le gouvernement hongrois émet des titres que peuvent acheter des investisseurs étrangers hors-UE ; en échange ceux-ci reçoivent une autorisation d’installation en Hongrie et peuvent circuler librement dans l’Union Européenne.
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