Quel avenir européen pour le Fidesz après le PPE ?

Après le départ du Fidesz du Parti populaire européen (PPE), l’avenir du parti de Viktor Orbán au parlement européen pose question. Ce divorce acte-t-il l’isolement du leader hongrois en Europe ? Préfigure-t-il une recomposition de la droite européenne ? Tour d’horizon des différents scénarios.

Le 3 mars dernier, Viktor Orbán a annoncé que son parti ultraconservateur Fidesz allait quitter le Parti populaire européen (PPE), après un long conflit ouvert depuis 2019. Nul doute que ce leader d’un petit pays a priori mal placé pour bousculer la politique européenne va tout faire pour garder l’influence qu’il a réussi à acquérir à Bruxelles. Plusieurs scénarios émergent quant au futur du Fidesz au parlement européen.

Rejoindre le groupe des conservateurs et réformistes européens (CRE)

Il s’agit pour l’heure de l’hypothèse la plus probable. Au sein des Conservateurs et réformistes européens, le parti polonais Droit et Justice (PiS) constitue la force principale avec 24 eurodéputés. Très différents, les droites hongroise et polonaise ont appris à se connaître et à travailler ensemble, notamment lors de leur bras de fer avec le reste de l’Europe sur la question du conditionnement des fonds européens au respect de l’État de droit. La Pologne et la Hongrie ont d’ailleurs saisi, le 11 mars, la Cour de justice de l’UE pour s’opposer à ce mécanisme. Orbán évoquait déjà l’éventualité d’une alliance avec les Polonais dès 2019. Il reste à voir si des jeux de pouvoirs internes au PiS pourraient compliquer le mariage.

À cette vieille amitié, il faut ajouter le récent rapprochement entre Orbán et le parti italien souvent qualifié de « post-fasciste » Fratelli d’Italia (FI), qui renforce l’hypothèse d’un ralliement à CRE. Fin février, dans une lettre adressée à sa présidente Giorgia Meloni, Orbán soulignait l’importance d’avoir des « camarades de lutte qui partagent une vision commune du monde » et ajoutait qu’« après avoir passé 16 ans dans l’opposition, j’ai appris que la victoire n’est jamais finale, et la défaite jamais fatale. Seule une chose compte : être prêt à continuer le combat ». Une lettre ouverte envoyée alors qu’en coulisse, le PPE préparait les changements de règles qui allaient précipiter le départ du Fidesz une semaine plus tard.

Rejoindre le groupe d’extrême-droite Identité et Démocratie (ID)

Seulement voilà, avant Fratelli d’Italia, il y a un autre parti italien pour lequel Orbán ne cache pas sa sympathie depuis maintenant plusieurs années : Matteo Salvini, leader de la Ligue du Nord, parti populiste et conservateur, et « grand ami » de la Hongrie – amitié que Salvini ne manque pas de souligner en retour. Lors de sa visite à Budapest en 2019, celui qui était alors ministre de l’Intérieur vantait la politique « exemplaire » de la Hongrie à l’égard des migrants. Orbán pourrait donc être tenté de concrétiser ses bonnes relations avec Salvini en rejoignant le groupe Identité et Démocratie, plus important que celui de CRE puisqu’il compte 76 eurodéputés.

Il y a toutefois un obstacle de taille : le groupe ID comprend également les eurodéputés du Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen. Or, Viktor Orbán a plusieurs fois que son parti n’entretient aucun contact avec le RN. Il est vrai qu’il s’agissait, par ces déclarations, de témoigner sa fidélité aux députés français Les Républicains. Même discours au nord des Carpates, où Kaczyński avait par le passé exclu toute collaboration avec le parti français d’extrême-droite.

Créer une nouvelle formation ?

Réunir des « centristes, conservateurs et chrétiens-démocrates traditionnels » pour créer une « maison politique commune ». Voilà ce que semble vraiment faire le Fidesz au Parlement européen, comme l’écrit Orbán lui-même dans l’un de ses « samizdats ». Le départ du Fidesz « ouvre de nouvelles perspectives pour la politique européenne ». Lors de son allocution hebdomadaire à la radio Kossuth, le Premier ministre a expliqué avoir « parlé » aux Polonais et à Matteo Salvini. « Ça n’est pas un secret, on a des plans dans les tiroirs ». Un tel rassemblement rebattrait les cartes à la droite de l’échiquier politique européen et serait de nature à concurrencer le PPE. Mais pour y parvenir, il faudra concilier la grande hétérogénéité de ces alliés de circonstances, et surtout savoir gérer les querelles d’ego et de leadership.

Rester dans l’orbite du PPE en tant que formation « associée »

Le divorce entre le Fidesz et le PPE semble consommé, comme l’illustrent les déclarations de Markus Söder, Premier ministre de la Bavière, Président de la CSU et prétendant à la succession d’Angela Merkel. Au Süddeutsche Zeitung, il explique qu’« il en va de notre crédibilité. (…) on ne peut pas se permettre de prolonger indéfiniment la suspension du Fidesz, nos parties doivent faire route à part ». Il ajoute que « le Fidesz a dit au revoir au PPE, à ses valeurs et ses fondations chrétiennes démocrates de manière définitive ».

Mais, bien que balayée de part et d’autre, cette dernière hypothèse ne peut être tout à fait exclue. Dans ce cas de figure, le Fidesz et le PPE pourraient mettre en œuvre le compromis proposé par Orbán au mois de décembre 2020 : rester une formation satellite du PPE comme l’était les Démocrates européens (DE) – c’est à dire essentiellement les conservateurs anglais. Ensemble, ils ont formé le « groupe du Parti populaire européen et des Démocrates européens (PPE-DE) », de 1999 à 2009.

Car après tout, après deux années de bras de fer, tous les membres du PPE ne voient pas d’un bon œil le départ le contingent de onze députés Fidesz. Des élus slovènes, croates, italiens, ou roumains de la minorité hongroise ont voté contre les nouvelles règles permettant d’exclure le Fidesz. Certains cadres du PPE peuvent craindre qu’un départ d’Orbán pousse ses sympathisants à le suivre – par exemple les députés slovènes, dont le Premier ministre Janez Jansa ne cache pas son respect pour son homologue hongrois.

Manœuvrer pour éviter l’isolement

Le scénario du pire pour la droite hongroise serait que le Fidesz ne trouve refuge dans aucun groupe parlementaire et doive siéger en indépendant. Si cela semble tout aussi improbable qu’une association avec le PPE, cela pourrait toutefois être le cas temporairement. En attendant, il est certain que le Fidesz et ses réseaux tentent de manœuvrer à Bruxelles pour redessiner le paysage de la droite européenne afin de maintenir coûte que coûte l’influence démesurée que s’est taillée le Premier ministre hongrois ces dernières années.

Photo d’illustration : Balázs Szecsődi / MTVA

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