Wiosna a proposé samedi dernier de rejoindre la Coalition européenne dans un large front contre le parti Droit et justice au pouvoir. Cette offre de service à quelques mois des prochaines élections législatives pourrait rabattre les cartes au sein de l’opposition, avec le risque paradoxal de nouvelles divisions.
Réuni en conseil national samedi dernier, le parti de gauche Wiosna a décidé de changer radicalement sa stratégie en vue des élections législatives de l’automne prochain. « J’espère que nous rencontrerons dans les prochains jours les représentants de la Coalition européenne, afin de discuter de la coordination de l’opposition », a déclaré le président du parti Robert Biedroń, au cours d’une conférence de presse. L’emblématique ancien maire de Słupsk aimerait rejoindre le vaste attelage électoral mené par la Plateforme civique (PO, centre-droit) lors des dernières élections européennes.
« Nous ne fixons aucune condition, nous ne parlons pas du programme. Nos seules exigences pour le moment, ce sont la démocratie, la primauté du droit et les droits de l’homme », a également fait valoir Robert Biedroń, pour qui la priorité numéro un est de battre le parti Droit et justice (PiS, national-conservateur), au pouvoir depuis 2015.
Longtemps donné battu par la Coalition européenne, qui rassemble également des partis de gauche, le PiS a déjoué les pronostics en affichant une insolante performance lors du dernier scrutin européen, arrivant premier avec 45,38% des voix.
« Wiosna est théoriquement prêt à se lancer seul dans la bataille [des législatives] », a confié à OKO.press Krzysztof Śmiszek, le porte-parole du parti. « Nous avons des structures solides, un bon soutien et de l’énergie », a-t-il également ajouté, soucieux de ne pas apparaître comme la cinquième roue du carrosse. Dans les faits, la stratégie solitaire de Wiosna lors des élections européennes est loin d’avoir atteint le succès escompté, le parti ayant rassemblé finalement 6% seulement des suffrages exprimés.
Une annonce surprise, des recompositions en suspens
La décision du Conseil national de Wiosna, qui a fuité dans OKO.press samedi matin, a surpris tout le monde. La veille, Robert Biedroń assurait encore sur Radio Jedynka ne pas envisager d’alliance avec la Coalition européenne, évoquant alors seulement deux possibilités pour son parti : se présenter sous ses propres couleurs ou chercher à former un rassemblement électoral avec d’autres partis de gauche, notamment les sociaux-démocrates du SLD et les Verts.
Créé pour offrir une alternative politique hors du duopole PiS-PO qui structure la vie politique polonaise depuis quinze ans, Wiosna pourrait certes perdre une grande partie de son capital politique en rejoignant la Coalition européenne, mais le risque réel d’atteindre un score anecdotique aux élections législatives semble avoir décidé les délégués à plancher entre temps sur ce troisième scénario.
« J’étais, je suis et je serai toujours en soutien de la plus vaste coalition possible de démocrates et de patriotes, qui permettra de changer et d’améliorer la Pologne », a tweeté samedi en fin d’après-midi Grzegorz Schetyna, président de PO, après avoir appris l’offre d’alliance de Wiosna. « Robert Biedroń veut-il vraiment rejoindre notre coalition ? Je suis surprise car je croyais qu’il cherchait à créer un bloc à gauche », a déclaré pour sa part Małgorzata Kidawa-Błońska, membre du comité de liaison électorale de PO et de la formation centriste Nowoczesna.
Si la Plateforme civique a cherché à faire bonne figure tout le week-end, l’entrée de Wiosna dans la Coalition européenne pourrait déplacer son centre de gravité vers la gauche et précipiter le départ du Parti paysan polonais (PSL), une formation démocrate-chrétienne qui goûte peu aux positions farouchement anticléricales de Robert Biedroń. « Le plus jeune et le plus ancien parti polonais peuvent prendre des décisions en adultes responsables », a déclaré samedi le chef de Wiosna à ce sujet. Reste à savoir s’il sera entendu.
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