Orbán et Tusk s’écharpent sans relâche par presse interposée

Le conflit entre le dirigeant hongrois Viktor Orbán et le président du Parti Populaire européen Donald Tusk s’est encore envenimé ces dernières semaines. Tusk veut à nouveau tenter d’exclure le Fidesz des rangs du PPE. Retour sur leurs passes d’armes sur fond de crise du coronavirus.

Depuis que le parlement hongrois a doté le premier ministre Viktor Orbán de pouvoirs exceptionnels et illimités dans la durée, à la fin du mois de mars, Donald Tusk a dénoncé à plusieurs reprises cette atteinte à la démocratie et réclamé l’exclusion du Fidesz du PPE.

27 mars – Viktor Orbán adresse un courrier aux présidents de plusieurs partis politiques membres du PPE ainsi qu’une lettre à Annegret Kramp-Karrenbauer, la tête de proue de l’Union chrétienne-démocrate allemande (CDU). Il y accuse Tusk d’utiliser le PPE comme « un terrain de jeu pour ses propres intérêts dans la politique polonaise », de « semer les graines de la division dans notre famille politique » et de « s’aligner sur les positions des libéraux et de la gauche ».

1er avril – Donald Tusk lâche sur Twitter qu’utiliser la pandémie pour créer « un état d’urgence permanent est politiquement dangereux et moralement inacceptable », sans avoir besoin de nommer directement le dirigeant hongrois.

1er avril – Le même jour, Donald Tusk adresse une lettre au groupe PPE appelant à l’exclusion du Fidesz, une fois passée la crise du coronavius.

2 avril : Les dirigeants de 13 partis membres du PPE déclarent dans une lettre que le mandat obtenu par Orbán du Parlement est « une violation claire des principes fondateurs de la démocratie libérale et des valeurs européennes » et disent craindre « que le Premier ministre Orbán utilise son nouveau pouvoir pour étendre encore l’emprise du gouvernement sur la société civile ».

3 avril : Face au mouvement anti-Fidesz qui s’agite au sein du Parti Populaire, Viktor Orbán rétorque à sa secrétaire générale Antonia López-Istúriz White : « Avec tout le respect que je vous dois, je n’ai pas le temps pour ça ! ».

21 avril : Lors d’une interview publiée dans Der Spiegel, Donald Tusk revient à la charge, réaffirmant sa détermination à expulser le Fidesz du Parti populaire européen. « Certaines de ses mesures sont probablement justifiables. Ses actions peuvent même ne pas être répréhensibles d’un point de vue purement juridique. Toutefois, elles n’ont plus rien à voir avec l’esprit de la démocratie. […] Je suis sûr que Carl Schmitt [expert en droit constitutionnel qui a justifié le régime nazi]…serait très fier de Viktor Orbán », lâche-t-il.

23 avril – Ce parallèle fait réagir trois eurodéputés de la droite hongroise, Tamás Deutsch, Balázs Hidvéghi et György Hölvényi. Dans une lettre ouverte publiée sur le site du Fidesz et adressée à Donald Tusk, ils écrivent : « Vous avez fondamentalement qualifié le Premier ministre hongrois de nazi. Nous exprimons notre profonde indignation et rejetons catégoriquement votre déclaration. Viktor Orbán n’a jamais rien dit ni fait pour mériter de tels parallèles ». Ils ajoutent : « C’est une insulte à la mémoire des victimes et de leurs descendants vivants. C’est cynique et moralement inacceptable ».

24 avril – L’eurodéputé polonais du PPE Radoslaw Sikorski prend la défense de Donald Tusk, attaqué par la presse pro-Orbán qui affirme que son grand-père était un collaborateur nazi, présentant une photo manipulée à l’appui. « Faut-il rappeler de quel côté la Hongrie a combattu pendant la Seconde Guerre mondiale ? Faut-il vraiment se demander de quel côté ont combattu les dirigeants du Fidesz ou vos grands-pères ? […] Bonne chance en compagnie des nationalistes qui détestent l’UE ! J’espère qu’ils seront encore une fois du côté des perdants ! ».

Le feuilleton n’est sans doute pas terminé…

Le prochain congrès du Parti Populaire européen doit se tenir en juin, mais pourrait être repoussé au mois de septembre, en raison des circonstances exceptionnelles qui prévalent en Europe. D’ici là, Donald Tusk doit trouver une majorité pour réussir là où il a échoué à déjà plusieurs reprises et évincer le Fidesz. Cela dépendra éminemment de la CDU allemande et des Républicains en France, qui ont les plus gros contingents de représentants au parlement à Strasbourg. Ni les uns ni les autres n’ont signé la « lettre des treize » demandant l’exclusion de la droite hongroise.

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