Municipales à Budapest : le Fidesz choisit de bordéliser la campagne de l’opposition

Face au risque de voir l’opposition reconquérir Budapest lors des élections municipales du 13 octobre prochain, le Fidesz de Viktor Orbán a choisi ses armes : une campagne d’affichage massive dénigrant ses adversaires et une série de happenings agressifs contre les candidats d’opposition.

Le morceau s’intitule « L’entrée des gladiateurs » ; il s’agit d’une œuvre du compositeur tchèque Julius Fučík restée dans la postérité comme la musique de cirque par excellence. Entêtante, persistante, elle est diffusée depuis une semaine par les jeunes militants du Fidesz dès que l’occasion se présente, la plupart du temps pour perturber les meetings ou les prises de parole du candidat de l’opposition à la mairie de Budapest, Gergely Karácsony. L’objectif à peine assumé : bordéliser autant que faire se peut la campagne de la gauche et des écologistes jusqu’au jour des élections municipales, le 13 octobre prochain.

Les hostilités ont commencé le 18 septembre dernier, sur le trottoir du théâtre Átrium où Gergely Karácsony tenait une conférence de presse. Une minute à peine après sa prise de parole, un camion publicitaire se gare à quelques mètres du candidat écologiste, ampli poussé à fond en diffusant le célèbre air de cirque. Immédiatement klaxonné par les automobilistes bloqués derrière lui, le véhicule se résout à partir dans l’instant, mais le moment est immortalisé par les nombreuses caméras de télévision présentes, parmi lesquelles celles de la chaîne d’information ATV dont nous diffusons les images ci-dessous :

Une scène similaire s’est déroulée ce dimanche en marge de la présentation par Gergely Karácsony de son programme électoral. L’événement, organisé sur un bateau à quai, avait pourtant peu de chance d’être perturbé de la même façon par un camion publicitaire, pouvait-on raisonnablement penser. Qu’à cela ne tienne, les jeunes militants du parti de Viktor Orbán ont affrété un petit hors-bord équipé de deux immenses enceintes sonores, et dont le numéro d’immatriculation a été soigneusement dissimulé pour l’occasion. Vêtus de cagoules à la manière de braqueurs de banque, les activistes sont, là encore, restés peu de temps sur place – juste ce qu’il faut pour diffuser à plein pot l’entêtante ritournelle.

Une campagne d’affichage XXL

Ce thème du cirque reprend les codes de campagne retenus par le mouvement de jeunesse du Fidesz – Fidelitas -, dont les affiches XXL inondent depuis plusieurs semaines les grands panneaux publicitaires et les colonnes Morris du centre et de la banlieue de Budapest. On y voit les visages de Róbert Puzsér, Krisztián Berki et Gergely Karácsony, tous les trois candidats au poste de maire de la capitale face au sortant István Tarlós – les deux premiers comme indépendants, le troisième comme candidat commun de l’opposition progressiste.

MTI/Szilárd Koszticsák

« Budapest n’est pas un cirque ! » peut-on y lire en grosses lettres capitales, avec comme slogan : « Ne leur confions pas la ville ! ». Si MM. Puzsér et Karácsony peuvent être considérés comme deux candidats sérieux, le footballeur Krisztián Berki est en tout cas perçu comme « un troll qui fait le sale boulot » – sous-entendu pour le compte du Fidesz -, selon les mots d’Attila Kálmán dans une chronique publiée sur 24.hu. Ses prestations télévisées, notamment sur les chaînes contrôlées par le pouvoir, n’en finissent pas de ridiculiser l’opposition.

Fidelitas est en tout cas coutumier des campagnes ordurières visant ad hominem les responsables de l’opposition. Un an avant les élections législatives de 2018, de grandes affiches au style et aux dimensions similaires dépeignaient les chefs des partis de gauche et du Jobbik comme « les hommes des milliardaires », sous-entendus Lajos Simicska et George Soros.

Cette fois et pour la première fois, l’opposition a décidé de répliquer sur le même registre, en grimant István Tarlós, Róbert Puzsér et Krisztián Berki en marionnettes de Viktor Orbán. L’affichette visée par l’équipe de campagne de Gergely Karácsony imite en tout point le visuel de Fidelitas, avec le slogan suivant : « Budapest n’est pas un théâtre de marionnettes ».

Photographie : Azonnali
Tensions dans le huitième arrondissement

Déclinée à l’échelle de chacun des vingt-trois arrondissements de la capitale, la campagne pour les élections municipales est particulièrement tendue dans le très populaire huitième arrondissement, où le militant associatif András Pikó défie le maire sortant Fidesz Botond Sára. Après la spectaculaire descente de police survenue le 11 septembre dernier dans les locaux de campagne de l’opposition, la municipalité aurait saboté la tenue d’un meeting de campagne sur Mátyás tér samedi dernier. Alors que le concert prévu s’est déroulé sans encombre, la ville a décidé de couper le courant peu avant le discours de M. Pikó.

Ludovic Lepeltier-Kutasi

Journaliste, correspondant à Budapest. Ancien directeur de publication et membre de la rédaction du Courrier d'Europe centrale (2016-2020) et ancien directeur de la collection "L'Europe excentrée" (2018-2020).

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