L’Université chinoise Fudan prévoit d’ouvrir son premier campus international à Budapest

L’arrivée annoncée de l’Université Fudan à Budapest à l’horizon 2024 est une première en Europe, où l’on ne compte pas le moindre campus chinois. Classée dans le top 40 mondial, son implantation bouleverserait le monde universitaire hongrois, voire centre-européen.

Le campus de l’Université Fudan à Shanghai. Source : Fudan University.

L’établissement de l’Université Fudan à Budapest a franchi une nouvelle étape ce mercredi selon le journal Népszava, qui rapporte que le gouvernement a décidé d’allouer les terrains de Nagyvásártelep, au sud de la capitale, à la construction du nouveau campus chinois. Le gouvernement hongrois achètera lui-même, pour près d’un milliard de forints, les terrains destinés à accueillir cette institution basée à Shanghai – une somme que mfor.hu a estimé à plus de 821 millions de forints, soit un peu plus de 2,2 millions d’euros.

L’installation future de l’Université Fudan en Hongrie avait été annoncée en 2018, lorsque le Premier ministre Viktor Orbán avait officiellement donné son accord. Auparavant, l’université chinoise avait déjà commencé à tisser des liens avec différentes institutions hongroises. Il existe notamment un partenariat avec l’université Corvinus de Budapest, sous la forme d’un double diplôme Fudan-Corvinus de master en business et administration (MBA), lancé en 2018. Ce type de double diplôme va être reproduit par les autres principales universités budapestoises, comme l’université Eötvös Lóránd (ELTE), l’université de médecine Semmelweis et l’université polytechnique et économique. Mais Fudan entretient également des liens étroits avec la Banque Nationale de Hongrie qui, selon Népszava, serait à l’origine de l’invitation faite aux Chinois.

Les bâtiments laissés à l’abandon sur le site de Nagyvásártelep. Source : 24.hu
Bon vent CEU, bienvenue Fudan

En octobre 2019, au moment où Viktor Orbán recevait officiellement Xu Ningsheng, le président de l’université Fudan, quelque trois cents kilomètres plus à l’Ouest, l’Université d’Europe centrale (CEU) ouvrait officiellement son campus à Vienne. Un an plus tôt, lorsque le Premier ministre donnait officiellement son accord à la venue de Fudan, le bras de fer engagé avec CEU battait son plein. Difficile de ne pas y voir une des concrétisations de « l’ouverture vers l’Est » prônée par le dirigeant hongrois, qui fait le constat d’un Orient émergent face à un Occident décadent.

L’Université d’Europe centrale, fondée en 1991 par le milliardaire américain d’origine hongroise George Soros, était devenue l’une des universités les plus prestigieuses du pays, délivrant des diplômes de master accrédités aux États-Unis. Il s’agissait également de l’institution la mieux classée de Hongrie dans les différents classements internationaux, disposant de moyens financiers sans commune mesure avec les autres universités locales. Fudan, classée deuxième université chinoise et se hissant dans le haut du classement mondial, semble donc être le remplaçant idéal, amenant dans ses valises des moyens financiers et humains encore supérieurs à ce que pouvait offrir CEU. En fait, selon Szabad Europa, le budget total de l’Université Fudan correspond ni plus ni moins au budget total de l’enseignement supérieur hongrois.

La présidence de l’Université Fudan reçue par le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán. Source : Fudan University
Bouleversement en vue

Ainsi, même si les modalités exactes de son installation restent encore très floues, il ne fait aucun doute que l’arrivée d’un tel mastodonte va bouleverser le monde de l’enseignement supérieur magyar. SelonLevente Horváth, conseiller en chef du président de la Banque Nationale de Hongrie, Fudan prévoit d’attirer quelque 5 000 étudiants dans ses formations master, alors que la totalité des étudiants en master au sein de l’enseignement supérieur hongrois oscille entre 20 et 22 000. Un chiffre d’autant plus impressionnant que l’université chinoise n’envisage d’ouvrir qu’un nombre limité de facultés, offrant des formations en économie, relations internationales, médecine et ingénierie. M. Horváth d’ajouter qu’il sera possible pour les enseignants-chercheurs de Fudan d’aller donner des cours au sein d’autres universités hongroises et même de prendre part à leurs programmes de licence – ne limitant ainsi plus Fudan aux formations master.

La direction de Fudan a modifié sa charte pour y inscrire une loyauté sans faille à l’autorité du Parti communiste chinois.

Levente Horváth voit l’arrivée de l’université chinoise comme une excellente nouvelle pour la Hongrie et assure que Fudan n’entend pas concurrencer les universités hongroises. Selon lui, la renommée de la fac shanghaienne fera de Budapest une ville très attractive pour les chercheurs du monde entier. Il ajoute que les retombées positives vont bien au-delà du secteur académique : en collaborant avec les acteurs du privé, l’Université de Fudan va permettre d’accroître l’activité des grandes multinationales à Budapest, tout en augmentant le tourisme en provenance d’Asie.

Cependant, tout le monde n’accueille pas la nouvelle avec autant d’enthousiasme. Szabad Europa renvoie à des acteurs du monde académique qui qualifient ce projet d’« effrayant » et craignent une « saignée » des établissement supérieurs hongrois. C’est l’avis du sinologue Gergely Salát qui estime que l’arrivée de Fudan va probablement faire beaucoup de mal au monde académique hongrois, en noyant toutes les autres formations bac +5. Il ajoute que son arrivée va placer la Hongrie en plein cœur d’une nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine.

Que Fudan s’implante en Hongrie dès 2024 ou plus tard, le bouleversement à venir pour le monde universitaire hongrois, voire centre-européen, est de taille. Et il ne s’agit pas seulement de moyens financiers, mais bien de définitions contradictoires du rôle de la recherche scientifique. Ainsi, en 2019, 444.hu rapportait que la direction de Fudan a modifié sa charte pour y inscrire une loyauté sans faille à l’autorité du Parti communiste chinois. L’expression de cette allégeance a remplacé le passage qui inscrivait dans les valeurs de Fudan la liberté d’expression et de pensée, ainsi qu’un fonctionnement démocratique…

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