Les évènements de Chemnitz provoquent des remous en Europe centrale

Chaque fait divers, chaque événement, impliquant un migrant quelque part en Europe provoque des répliques dans les pays d’Europe centrale réfractaires à l’accueil de réfugiés.

L’arrestation d’un Syrien et d’un Irakien pour le meurtre d’un homme, le weekend dernier à Chemnitz dans le sud-est de l’Allemagne, suivie d’une grande manifestation d’extrême-droite, a suscité de vives réactions du pouvoir slovaque. Les populistes de gauche, le SMER-SD de Robert Fico, qui se réclame de la social-démocratie, a réagi directement aux événements en Allemagne, en expliquant que l’intégration des réfugiés dans la société est un processus beaucoup trop long, exigeant et incertain pour que la Slovaquie ne s’engage sur cette voie.

Dans un communiqué, la principale force politique du pays, qui dirige la coalition gouvernementale, affirme : « Les manifestations et les violences dans les rues de cette ville, en réaction à une attaque meurtrière incompréhensible et injustifiée de réfugiés sur un ressortissant allemand, démontrent que la population est traumatisée par ce qui s’est passé. Le parti Smer-SD, malgré les pressions de l’étranger et des bien-pensants, ne bougera pas et sera toujours contre l’accueil des réfugiés. C’est grâce à nos avertissements que les gens en Slovaquie ne sont pas confrontés à ce type d’événements. »

Même son de cloche chez les voisins tchèques

La rencontre, mardi à Milan, entre le premier ministre hongrois Viktor Orbán et le chef de La Lega Matteo Salvini, sous le feu des projecteurs, en a occulté une autre, le même jour à Rome entre les Premiers ministres tchèque et italien. Andrej Babiš s’est en effet rendu en Italie pour rencontrer son homologue, Giuseppe Conte, et lui répéter ce qu’il lui avait déjà répondu lorsque l’Italie avait demandé en juillet l’aide de son pays pour accueillir quelques-uns des 450 migrants d’un bateau à la dérive sur la Méditerranée : les portes de la République tchèque resteront fermées à double tour aux migrants.

Andrej Babiš en a aussi profité pour réitérer sa position hostile à l’immigration : « La solution réside dans une combinaison d’un soutien financier aux pays qui sont concernés en premier lieu, dont l’Italie par exemple, d’un soutien financier aux pays d’Afrique du Nord et aux pays d’Afrique d’où partent les migrants illégaux. »

Radio Prague considère que le les discours anti-migrants sont exploités à des fins politiques à Prague, en dépit du fait que le pays se trouve hors des grands flux migratoires. On est en République tchèque pourtant « bien loin des flux massifs dont Prague ne cesse d’agiter la menace comme un épouvantail depuis trois ans », note ce média.

Les médias pro-Orbán sont au rendez-vous

Les autorités hongroises n’ont pas commenté directement l’actualité allemande, mais la presse pro-gouvernementale a redoublé de zèle pour se faire l’écho des positions du pouvoir. Le journal en ligne Origo.hu estime que « plus un jour ne passe sans un nouveau crime de migrant en Europe », que la migration est « devenue la réalité quotidienne du continent » et que « l’antisémitisme et le nombre de viols ont augmenté en Europe de l’Ouest ». A l’instar de Viktor Orbán qui avait estimé, lors de sa visite officielle en Israël au mois de juillet, que l’antisémitisme décroit en Europe centrale alors qu’il augmente à l’Ouest sous l’effet de l’arrivée de Musulmans.

A l’inverse, le journal de gauche Népszava insiste toutefois sur le fait que les autorités allemandes doivent sévir contre l’extrémisme de droite qui est en train de les déborder, et affirme que « la communauté juive de la région de Saxe-Anhalt a peur ».

Les événements de Chemnitz et leur exploitation partisanes viennent ainsi renforcer la polarisation que connait l’Union européenne, dont les élections parlementaires au printemps 2019 se joueront vraisemblablement sur l’unique question migratoire. C’est tout le sens qu’on donné à leur rencontre Viktor Orbán et Matteo Salvini, auto-proclamés défenseurs de l’Europe face à la migration, désignant directement leur adversaire : le président français Macron. Ce dernier ne s’est pas priver d’endosser en retour le costume de rassembleur d’un camp libéral et anti-nationaliste.

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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