Il est assuré que la coalition Fidesz-KDNP menée par le Premier ministre sortant Viktor Orbán reste, de très loin, le premier parti politique de Hongrie. La complexité du mode scrutin introduit en 2012 donne des sueurs froides aux instituts de sondage et pourrait créer quelques surprises dimanche soir.
La prudence est de mise quand il s’agit de se lancer dans des pronostics électoraux. Ce d’autant plus lorsque le mode de scrutin est particulièrement complexe et le comportement des électeurs difficile à anticiper.
Le mode de scrutin hongrois est dit « mixte » : une partie des députés (93) sont élus à la proportionnelle (il faut néanmoins un seuil de 5% pour que les partis entrent au parlement ; 10% pour les partis coalisés) et une autre partie (106) selon un scrutin uninominal majoritaire à un tour. Autrement dit, chaque citoyen hongrois résident en Hongrie dispose de 2 bulletins de vote : l’un pour voter pour un parti au niveau national et l’autre pour désigner son député à l’échelle d’une circonscription électorale. Les Hongrois non-résidents ne peuvent voter qu’au niveau national.
Tous les sondages s’accordent pour dire que la coalition Fidesz-KDNP du Premier ministre sortant Viktor Orbán recevrait entre 40 et 45% des suffrages exprimés ; le Jobbik (extrême-droite) autour de 20% ; la liste de gauche menée par Gergely Karácsony (MSzP-Párbeszéd) autour de 15% ; la liste de l’ancien Premier ministre socialiste Ferenc Gyurcsány (DK) et le parti écolo-conservateur LMP chacun autour de 6-7% et le tout jeune mouvement Momentum autour de 3%. Ces prévisions sont faciles à ventiler au niveau du scrutin national proportionnel : le Fidesz-KDNP parviendrait ainsi à faire élire entre 35 et 40 députés sur 93 ; le Jobbik environ 25 ; le MSzP-Párbeszéd autour de 20 ; DK et LMP autour de 7 chacun. Il y a peu de chance que Momentum dépasse le seuil de 5% pour envoyer le moindre député au Parlement.
Les 106 députés élus en circonscription : la clé du scrutin
Là où ça se complique, c’est donc au niveau des 106 députés élus à l’échelle des circonscriptions. Lors des dernières élections de 2014, c’est là que le Fidesz-KDNP avait raflé l’écrasante majorité de ces parlementaires (96 sur 106) lui assurant la super-majorité au niveau de l’Assemblée. Malgré sa puissance de feu électorale, le Jobbik n’était pas parvenu à élire un seul député par ce mode de scrutin ; tandis que l’implantation territoriale des socialistes avait permis à la gauche de ne pas sortir trop déplumée (10 députés)…

Plusieurs éléments nouveaux sont à prendre en compte pour comprendre les enjeux de ces 106 sièges pour Viktor Orbán. D’une part, même s’il semble stable, l’électorat du Fidesz a changé en quatre ans, en raison du durcissement du discours gouvernemental et de la stratégie de recentrage du Jobbik. Des phénomènes d’inversion d’électorats vont sans doute être observés dimanche et il est impossible d’anticiper leur impact sur les résultats. Néanmoins, des scrutins intermédiaires (des législatives partielles dans le département de Veszprém, la municipale partielle en février dernier à Hódmezővásárhely) laissent penser que ces inversions profiteraient davantage au Jobbik.
D’autre part, malgré l’inertie des partis d’opposition, un mouvement issu de la société civile a émergé ces derniers mois en faveur du « vote tactique » à l’échelle des circonscriptions. Comme nous le racontions dans un précédent article, plusieurs sites Internet ont tenté d’établir quels étaient les candidats les « mieux placés » pour l’emporter face au Fidesz et ont décidé de se mobiliser pour les promouvoir auprès des électeurs. Mais il est difficile de mesurer la portée de ce « vote tactique » tant les électorats sont étanches et les haines politiques recuites.

En compilant la carte des résultats du Fidesz-KDNP en 2014 et celle des candidats les mieux placés, nous nous sommes essayés à explorer le champ des possibles pour le scrutin de dimanche. Sans député élu en circonscription en 2014, le Jobbik pourrait cette fois obtenir des gains importants et envoyer entre 7 et 36 députés élus en circonscriptions, ajoutés aux probables 25 députés élus sur le scrutin proportionnel, soit une fourchette de 32 à 58 parlementaires. Le MSzP-Párbeszeéd enverrait entre 14 et 25 députés en circonscriptions ajoutés aux probables 20 élus au scrutin proportionnel, soit entre 34 et 45 parlementaires. Dans le même ordre, la Coalition démocratique (DK) de Ferenc Gyurcsány entre 7 et 12 élus au niveau des circonscriptions ajoutés aux 6-7 députés sur scrutin proportionnel, soit entre 14 et 21 parlementaires. Le LMP enverrait entre 4 et 5 élus à l’échelle des circonscriptions ajoutés aux probables 6-7 députés au scrutin proportionnel, soit entre 10 et 12 parlementaires.
Le pronostic haut (autour de 140 élus d’opposition sur 199) semble assez peu probable, mais le pronostic bas (entre 90 et 100) est plus réaliste, même si sans doute encore trop optimiste sur l’efficacité du vote tactique. Ce que ces projections montrent surtout, c’est qu’une mise en minorité ou une victoire serrée du Fidesz ne sont pas des scénarios délirants. Le raidissement dont fait preuve la campagne gouvernementale depuis quelques semaines montre en tout cas que Viktor Orbán n’exclue lui-même pas complètement ces hypothèses.
Les circonscriptions qui pourraient échapper au Fidesz en 2018