L’entreprise numéro un de la presse régionale et locale va être rachetée par le géant pétrolier Orlen, détenu majoritairement par l’État polonais, faisant craindre pour le pluralisme des médias en Pologne.
Le géant pétrolier et gazier Orlen a annoncé lundi avoir signé un contrat préliminaire pour l’acquisition du groupe de presse Polska Press qui est détenu par la société allemande Verlagsgruppe Passau. Orlen veut ainsi acquérir l’un des plus grands groupes de presse présent en Pologne, d’un chiffre d’affaires de 400 millions de PLN en 2019 (90 millions d’euros).
Polska Press, numéro un de la presse régionale, possède un véritable empire médiatique. En effet, le groupe possède 20 des 24 quotidiens régionaux que compte le pays et près de 120 hebdomadaires locaux. Présent dans 15 des 16 voïvodies de Pologne, le groupe se présente comme « le leader incontesté des médias d’information locaux et régionaux ».
Le géant pétrolier et gazier PKN Orlen n’est autre que la plus grande entreprise de Pologne et même de toute l’Europe centrale et orientale. Elle est cotée en bourse et l’État polonais en est l’actionnaire principal, à hauteur de 28%.
Dans un communiqué de presse en date du 7 décembre, son PDG Daniel Obajtek justifie l’acquisition par le fait que PKN ORLEN aura ainsi accès à 17,4 millions d’internautes et par les économies sur les coûts publicitaires réalisés grâce aux nombreux espaces publicitaires disponibles sur les titres de presse et les sites rachetés. Ce développement, assure Obajtek, s’inscrit dans « une tendance mondiale » qui consiste pour les grandes entreprises à développer des plates-formes de communication internes.
Toutefois, la transaction doit encore être soumise à l’approbation de l’Autorité de la concurrence et de la protection des consommateurs.

Dans les pas de la Hongrie
Les explications avancées par Orlen ne convainquent pas. Cette annonce semble donner le coup d’envoi de la politique de « repolonisation » des médias, promise de longue date par le Droit et Justice (PiS), qui doit consister à mettre la main sur les médias détenus par des capitaux étrangers, allemands notamment.
« Cela montre que, malheureusement, les autorités ont décidé de prendre des mesures similaires à celles de Viktor Orban en Hongrie » – Adam Bodnar.
« De nombreux signes pointent vers une manœuvre politique et pas seulement une décision commerciale », a réagi Maciej Mrozowski, politologue spécialiste des médias à l’Université de Varsovie, dans une interview au site « Wiadomości ». Le rachat d’un éditeur de presse privé par une entreprise publique est sans précédent dans la Pologne post-1989, souligne-t-il. « Je considère cela comme une menace pour la liberté et le pluralisme des médias ».
« C’est un moment clé », commente le Défenseur des droits Adam Bodnar, dans la même interview croisée. « Cela montre que, malheureusement, les autorités ont décidé de prendre des mesures similaires à celles de Viktor Orban en Hongrie ». « Après un contrôle total sur les médias d’État, il y aura maintenant une supervision sur la presse régionale », craint-il.