Le PPE ne sait toujours pas quoi faire du Fidesz de Viktor Orbán

Statu quo. Malgré la volonté affichée par son président Donald Tusk, le Parti populaire européen a renoncé à soumettre au vote de ses membres, lors de son congrès à venir, le sort du Fidesz hongrois, qui restera donc suspendu, selon les informations de Népszava.

Lors d’une réunion de faction à huis-clos qui s’est tenue mercredi, son président Donald Tusk s’est montré clair, une fois de plus : « Je ne veux pas faire de compromis sur les valeurs européennes. Si l’état de droit, la démocratie et les droits de l’Homme sont des valeurs de gauche, alors je suis de gauche ! », aurait-il déclaré, selon les informations obtenues par la toujours très bien informée Katalin Halmai, correspondante de longue date du journal hongrois de gauche Népszava.

Si cela ne tenait qu’à lui, le Polonais, qui a été élu à la fin du mois de novembre à la présidence du Parti Populaire Européen, se débarrasserait du Fidesz de Viktor Orbán, « son ami », qu’il avait directement pointé du doigt au moment de son élection, appelant en creux à son éviction.

Donald Tusk, nouveau président du PPE, cloue Viktor Orbán au pilori

Mais voilà, tous ne partagent pas l’avis de Donald Tusk et le Fidesz peut encore compter sur des soutiens de poids. Mercredi, le Fidesz a pu compter sur le soutien de l’ancien président italien Antonio Tajani, tandis que les eurodéputés allemands et français se sont abstenus de prendre position.

Les Républicains français (LR), les eurodéputés italiens de Forza Italia et espagnols du Partido Popular (PP) ont voté à la mi-janvier contre une résolution du Parlement européen critiquant la « détérioration de l’Etat de droit en Pologne et en Hongrie » et l’inaction de la Commission européenne pour le faire respecter.

Le Fidesz va rester suspendu

Le PPE a donc pris la décision…de ne pas prendre de décision, et le vote par lequel les membres du PPE devaient, lors d’un congrès lundi et mardi prochains, choisir de lever la suspension du Fidesz qui court depuis le mois de mars 2019, de la maintenir, ou de se séparer du parti, n’aura pas lieu.

Pourtant, les trois « sages » mandatés pour émettre un rapport sur la politique de Viktor Orbán – Herman Van Rompuy, Wolfgang Schüssel et Hans-Gert Pöttering – n’ont pas noté d’évolution notable en Hongrie, selon Donald Tusk.

Que dit précisément ce rapport ? Nous le ne savons pas, et le Fidesz affirme même qu’il « n’existe pas de rapport », simplement des comptes-rendus oraux des sages à Tusk. Lors de sa conférence de presse internationale au début de l’année, Viktor Orbán avait déjà émis des doutes : « Ce rapport, existe-t-il seulement ? Personne ne l’a vu ».

« Si le PPE n’est pas capable de changer, l’Europe aura besoin d’une nouvelle initiative, alors nous initierons quelque chose de nouveau, pour contrebalancer Macron et son mouvement politique ».

Lors de cette conférence de presse, Viktor Orbán avait estimé que le PPE va dans la « mauvaise direction » et envisagé la création d’un nouveau mouvement européen, qualifiant une nouvelle fois l’Italien Matteo Salvini de « héros » : « Le PPE perd de l’influence, des positions. Il s’affaiblit et devient de plus en plus libéral et centriste, la direction est mauvaise. Notre objectif est de changer le PPE, mais le Fidesz en a-t-il la capacité ? Nous aurons la réponse ces prochaines semaines. Si le PPE n’est pas capable de changer, l’Europe aura besoin d’une nouvelle initiative, alors nous initierons quelque chose de nouveau, pour contrebalancer Macron et son mouvement politique ».

En attendant que Donald Tusk réussisse à trouver une majorité pour expulser le Fidesz, « les consultations se poursuivent », comme il a affirmé mercredi. Toujours suspendu donc absent des débats lors du prochain congrès, Viktor Orbán ne reste pas dans l’expectative face aux atermoiements de la droite européenne : il sera au même moment à Milan aux côtés de Matteo Salvini et de Marion Maréchal Le Pen…

Mais que veut Viktor Orbán ?

A en croire le politologue Péter Krekó, le statu quo entre le Fidesz et le PPE est la meilleure des solutions à l’heure actuelle pour le dirigeant hongrois. Interrogé par Le Courrier d’Europe centrale, il estime qu’une « éviction du PPE aurait des conséquences tragiques pour Orbán, en termes de perte d’influence et parce que le PPE est son parapluie protecteur ».

Il poursuit, « Orbán n’aime pas les valeurs du PPE, mais il apprécie sa puissance politique, c’est pourquoi il conserve ses distances avec plusieurs partis de l’Europe des nations et des libertés, dont le Rassemblement National de Marine Le Pen et l’AfD allemande ». « Je m’attends à ce qu’Orbán essaie de rester au PPE au moins jusqu’à la conclusion des négociations sur le prochain budget européen », conclut Péter Krekó.

« Soit vous excluez le Fidesz du PPE, soit vous vous faites son complice »

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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