Démissions, OSCE, ennemis d’état, manifestation… le point sur la situation post-élections en Hongrie

En Hongrie, les craintes de voir un Fidesz, très largement reconduit dans les urnes pour un nouveau mandat de quatre ans, encore plus agressif s’avéraient justes. Les dernières poches d’opposition dans la presse comme dans les organisations civiles semblent plus vulnérables que jamais. Retour sur les principales informations de la semaine.

L’OSCE publie un rapport cinglant

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), n’a pas été tendre. Dans un rapport d’une virulence inédite s’agissant d’un pays de l’Union européenne, elle estime que la propagande qui s’est abattue pendant des mois sur le pays a empêché les électeurs de voter en toute connaissance de cause. Si l’OSCE reconnaît que les électeurs ont eu « un large éventail d’options politiques » et que « la gestion technique des élections a été professionnelle et transparente », elle considère que « la rhétorique intimidante et xénophobe, les biais médiatiques et le financement opaque de la campagne ont resserré l’espace pour un véritable débat politique, empêchant les électeurs de faire un choix en toute connaissance de cause ».

Soupçons de fraude

Les médias hongrois se font l’écho d’une multitude de fraudes et de dysfonctionnements lors du scrutin du 8 avril. Libération rapporte les mots de Péter Jakab, porte-parole du Jobbik qui ne doute pas qu’il y ait eu « une fraude organisée au plus haut niveau ». Quant au député LMP Ákos Hadházy, il dénonce l’utilisation illégale par le Fidesz d’un fichier de population. Ces fraudes ne sont pas de nature à remettre en cause la très large victoire du Fidesz, mais ce qui est en jeu est la majorité des deux-tiers, qui ne tient qu’à un député, le Fidesz ayant décroché 133 des 199 sièges du parlement.

La débandade dans les partis d’opposition

Le principal adversaire politique de Viktor Orbán a renoncé à la lutte et annoncé son retrait de la vie politique. Gábor Vona, président du Jobbik dont la position ultraradicale s’est inversée avec le Fidesz aujourd’hui avait été traîné dans la boue par les médias pro-gouvernementaux et harcelé durant toute la campagne en raison de sa sympathie affichée pour l’Islam. Le deuxième parti de Hongrie va-t-il poursuivre son chemin vers le parti centriste qu’il prétend être ou revenir sur des bases radicales ? Au lendemain de l’élection, Gábor Vona a dit craindre que le Fidesz ne devienne « encore plus arrogant et agressif » à l’avenir. Quant à Ferenc Gyurcsány de la Coalition démocratique (DK), il a également dit craindre « un Fidesz débridé menant une politique d’agression sans limite ».

Expliquant qu’il préfère continuer à faire de la politique au contact des gens, le candidat de la gauche, Gergely Karácsony, ne prendra pas son siège de député non plus. Il restera toutefois à la tête de mairie du 14e arrondissement de Budapest. Sa coalition MSzP-Parbeszéd n’a remporté que 12% des suffrages dimanche 8 avril.

La mort d’un journal emblématique, le « Nemzet » ?

Le dernier numéro imprimé du journal Magyar Nemzet, le grand quotidien historique de la droite hongroise fondé il y a 80 ans, a été publié mercredi 11 avril 2018. Souffrant de trop lourdes pertes financières depuis sa rupture avec le régime, son propriétaire Lajos Simicska a décidé de jeter l’éponge dans son combat contre son ancien ami Viktor Orbán. Plusieurs offres d’achat ont été émises, mais aucune ne présente à ce jour les garanties suffisantes que le journal ne retomberait pas dans l’escarcelle du pouvoir. Ses éditeurs s’organisent pour diffuser une sorte de samizdat ce samedi, journée de manifestations contre le pouvoir en place.

La « liste de la honte » des ennemis de l’intérieur dévoilée

Image : Index.hu

L’hebdomadaire Figyelő aux mains de la très proche d’Orbán, Mária Schmidt, a publié une double-page consacrée à la liste des deux mille ennemis de l’Etat brandi par le premier ministre lors de sa campagne. Sans surprise, on retrouve essentiellement le personnel des ONG (TASZ, Comité Helsinki…), mais aussi des universitaires de la Central European University (CEU) et des journalistes d’enquête (Direkt36, avec qui nous avions réalisé une interview). « Environ 2 000 personnes travaillent en Hongrie pour renverser le gouvernement lors de la campagne électorale et le remplacer par un gouvernement pro-immigration favorable à George Soros », avait déclaré le Premier ministre Viktor Orbán sur Kossuth Rádió au mois fin mars. « Nous savons exactement, par leur nom, qui sont ces gens et comment fonctionnent-ils pour faire de la Hongrie un pays d’immigration ». Cette semaine, la télé privée pro-Fidesz TV2 a montré les visages de personnes opérant en Hongrie pour le « réseau Soros ».

Une loi « Stop Soros » sera bel et bien adoptée

Une nouvelle législation destinée à faire la transparence et à réguler l’activité des organisations civiles sera bel et bien adoptée dès ce printemps. C’est même la première mesure que va prendre le parlement, qui ouvrira sa session de printemps les 7 et 8 mai, à fait savoir Magyar Idők. Les ONG craignent que cette loi dite « Stop Soros » n’entravent leurs activités en Hongrie. Il s’agit pour le gouvernement de tenir en haleine l’opinion publique qu’il a échaudé lors de la campagne et d’intimider ces organisations, mais on ne se sait pas encore à quel point cette législation sera contraignante et effective.

Manifestation géante ce samedi à Budapest

Mi vagyunk a többség! Nous sommes la majorité ! C’est sous ce slogan que plus de 33 000 personnes prévoient de manifester ce samedi à 17h30 sur l’avenue Andrássy (selon l’événement facebook), au niveau de l’Opéra. Ses organisateurs réclament la fin des campagnes de haine, une presse libre, des médias publics impartiaux et un système électoral plus juste.

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