Depuis deux semaines, les Sicules font couler de l’encre dans la presse roumaine et hongroise. La « crise du drapeau » a focalisé l’attention des élites politiques et diplomatiques des deux pays. Une bonne occasion pour Budapest et Bucarest de faire diversion chacun à leur manière.

A l’origine de la crise diplomatique, un drapeau sicule retiré d’une salle du conseil départemental de Covasna par le préfet roumain de la localité. La « crise du drapeau » entre les deux pays est entrée dans une nouvelle phase le week-end dernier, lorsque les Hongrois ont décidé que le drapeau sicule flotterait sur le Parlement hongrois en « symbole de solidarité nationale » – dixit le président du parlement László Kövér à l’occasion du forum des députés hongrois du bassin des Carpates vendredi 15 février à Budapest. Selon le ministre des Affaires étrangères roumain, Titius Corlatean, cité par l’agence Hotnews, ce geste aurait pu conduire le parlement roumain à prendre une position officielle sur les apparitions publiques du drapeau sicule et à mettre un terme aux relations bilatérales avec le parlement hongrois. Plus tard, le ministre a toutefois minimisé l’importance de l’affaire, considérant que cette provocation de la part du Fidesz – parti conservateur au pouvoir en Hongrie – tenait surtout de la campagne électorale en vue des législatives hongroises de 2014.
En effet, la Hongrie a introduit une procédure simplifiée dès janvier 2011 selon laquelle il n’est plus nécessaire de résider sur le territoire hongrois pour obtenir un passeport hongrois. 370.000 demandes de citoyenneté ont été déposées par des Hongrois des pays voisins, plus de 320,000 candidats ont déjà prêté leur serment de citoyenneté hongroise, les consulats de Miercurea Ciuc et de Cluj-Napoca en Roumanie figurant parmi ceux qui ont traité le plus de demandes. Ainsi au printemps 2014, le gouvernement de Viktor Orbán espère obtenir le soutien d’un demi-million d’électeurs supplémentaires, dont une bonne partie proviendra de Roumanie. Il souhaite par ailleurs rationaliser le processus pour augmenter la cadence et rendre la procédure administrative plus simple pour les candidats. En attendant, le projet « d’unification de la grande nation hongroise » reste un instrument politique formidable pour le Fidesz, qui exploite le traumatisme du traité de Trianon, tantôt pour rassembler la nation derrière son leader, tantôt pour détourner l’attention de l’opinion publique.
« Agression » et « énorme effort pour calmer la situation »
« Ce genre de provocations se produit de façon cyclique depuis le traité de Trianon » a expliqué le ministre roumain des Affaires étrangères, faisant référence au lever du drapeau sicule sur le parlement hongrois vendredi. « L’Etat roumain est au-dessus de cela. (…) L’important, c’est d’avoir une relation correcte avec la Hongrie » a-t-il ajouté. Dimanche, le président du Sénat Crin Antonescu a aussi appelé au calme, estimant que « la Roumanie devait adopter l’attitude d’un Etat fort, et non celle d’une victime ». Pourtant, les velléités autonomistes des Sicules semblent avoir rendu Bucarest très susceptible. Le ministre Titius Corlatean a d’ailleurs dû rappeler l’ambassadeur hongrois Oszkár Füzés à l’ordre il y a deux semaines, lorsque le diplomate avait ouvertement exprimé le soutien de son pays à l’autonomie du pays sicule et assumé les déclarations du secrétaire d’Etat Zsolt Németh, selon lesquelles l’affaire du drapeau à Covasna constituait « une agression » de la part des autorités roumaines. Après avoir rencontré son homologue hongrois János Martonyi en fin de semaine dernière, le chef de la diplomatie roumaine a déclaré avoir fait « un énorme effort pour calmer la situation ».
A Bucarest, cette longue polémique a toutefois pu servir de diversion au gouvernement, au moment d’aborder des questions délicates, telles que les hausses d’impôts et les futures préfectures dans le projet de régionalisation du pays. Sans surprise, les départements à forte représentation sicule (Covasna, Harghita et Mureș) n’auront pas leur propre région, contrairement à ce que les représentants du Conseil National des Sicules réclament depuis des années. Ils intégreront la région du Centre, située dans le sud de la Transylvanie. Târgu Mureș semble être favorite pour devenir capitale, à moins qu’Alba Iulia, qui abrite déjà l’Agence de développement régional et où la minorité hongroise est moins forte, ne constitue un meilleur compromis pour Bucarest.
L’ironie de l’histoire du drapeau sicule selon Victor Ponta
Enfin, le Premier ministre roumain Victor Ponta a vivement critiqué l’amitié de ses principaux opposants – le président Basescu et son parti, le PDL – avec Viktor Orbán et le Fidesz. Il a déclaré lundi soir ne pas vouloir « tomber dans le piège tendu par le Fidesz (…) La tactique du parti de M. Orbán consiste à semer le trouble dans les pays qui ont des minorités hongroises, afin de gagner des voix chez lui. (…) L’ironie de cette histoire de drapeau m’a été rapportée par un Sicule : le drapeau sicule a été utilisé pour la première fois en 1599-1600, lorsque les Sicules se sont alliés à Mihai Viteazul contre les Hongrois. Le fait que le parlement hongrois arbore un drapeau né de la lutte contre les Hongrois est tout à fait ridicule, mais le président du parlement hongrois ne le sait probablement pas ». Ainsi, M. Ponta se rendra à Budapest le 9 mars, à l’invitation du parti d’opposition MSzP (socialiste), pour « démontrer que toute cette polémique ne concerne en rien les peuples hongrois et roumain, et relève uniquement de la démagogie en politique ». Cependant, dans ce contexte de tensions, il aussi annoncé qu’il renonçait à assister au prochain match de la Roumanie face à la Hongrie en phase préliminaire de la Coupe du Monde 2014 de football le 22 mars prochain, bien qu’il y ait été invité. Un spectateur de moins pour un match qui se jouera à huis clos au stade Ferenc Puskás de Budapest, la Hongrie ayant été condamnée en janvier par la FIFA à cause du comportement raciste de ses supporteurs lors d’un match amical contre Israël l’été dernier.
Je me remercie mon gouvernement même si je ne suis pas d’accord avec lui totalement sur toutes leurs actions. Ce geste est purement légitime. Notre devoir en tant que hongrois est de soutenir l’indépendance tout aussi légitime de notre pays frère le Székelyföld.
Je suis un Canadien qui observe le manque d’esprit revanchard chez les Allemands vis-à-vis de la France – la raison quand même de deux guerres mondiales ; et j’ai de la difficulté à comprendre pourquoi l’Europe accepte que gouvernement magyar soutienne que les 260 Szeklers (pas plus, pas moins, selon Eurostat) restant en Roumanie aient droit à quelque sorte d’autonomie ?!? Quelqu’un comprend ?
Euh… Il n’y a pas 260 Sicules en Roumanie, il y en a env. 600 000.Le chiffre d’Eurostat se rapporte aux Sicules qui ont choisi de s’inscrire en tant que « Sicules » et pas en tant que « Magyars » dans les recensements roumains, cf. http://www.insse.ro/cms/files/RPL2002INS/vol4/notavol4.pdf