Le cas Ákos Kertész relance l’antisémitisme hongrois

Arrivé sur le territoire canadien le 29 février dernier, l’écrivain Ákos Kestész, lauréat du Prix Kossuth en 2008, a demandé le statut de réfugié politique et s’est installé à Montréal. Cette demande intervient après la polémique et les troubles engendrés par la parution d’un article de l’écrivain, en août 2011, dans un journal hongrois basé aux Etats-Unis. Sous la pression de l’extrême droite hongroise, une nouvelle loi serait en préparation, permettant de retirer un prix ou un titre honorifique à une personnalité qui n’en serait plus « digne ».

par Tatiana Carret
« Servitude congénitale »

La polémique trouve son origine dans la lettre ouverte écrite par Ákos Kertész à l’attention de László Bartus, rédacteur en chef du plus ancien hebdomadaire américain rédigé en hongrois, Amerikai-Magyar Népszava Szabadság. L’auteur s’indigne alors de la passivité des Hongrois face au gouvernement Orbán en les qualifiant de peuple « génétiquement servile » : « Les Hongrois sont génétiquement asservis… ils n’ont aucun remords concernant leurs crimes commis tout au long de l’Histoire, rejettent leurs responsabilités sur les autres et sont les premiers à blâmer leurs voisins (…) Ils sont incapables et refusent de tirer des leçons du passé (…) Ils envient et à l’occasion descendent en flèche celui qui réussit professionnellement de par l’apprentissage et l’innovation » affirme-t-il dans le journal. Kertész ajoute dans le même papier qu’il regrette que la nation hongroise, soit la seule à ne pas avoir reconnu son implication dans l’Holocauste de la Seconde Guerre mondiale ou encore reconnu ses erreurs.

Plus tard, l’écrivain a retiré sa remarque concernant les spécificités des gênes hongrois et s’est excusé pour avoir accusé le gouvernement de nier son implication dans l’Holocauste : il s’estime pour cela « heureux d’avoir été corrigé ». Cependant la déclaration de l’auteur avait déjà fait le tour du Parlement et du conseil municipal de Budapest, créant la polémique.

Campagne politique « anti-Kertész »

Sous la pression du parti parlementaire d’extrême droite Jobbik, le conseil municipal de Budapest a pris la décision le 21 septembre 2011 de déchoir Kertész de son statut de « citoyen d’honneur », accordé en 2002. 20 membres (Fidesz/Jobbik) du conseil ont été favorables à cette destitution, 9 étaient contre et 2 se sont abstenus.

A peine deux semaines après la parution de l’article, le 12 septembre 2011, un député Jobbik réclamait le retrait de son prestigieux prix Kossuth à Kertész. Deux jours plus tard, Jobbik se tournait directement vers le président Pal Schmitt pour demander au Premier ministre d’examiner la possibilité de retirer tout prix aux Hongrois « indignes » de les recevoir. Selon le président, un individu est indigne de ces titres s’il « viole les valeurs constitutionnelles de la Hongrie ». Mais au regard de l’affaire de plagiat et des faux diplômes de Schmitt, cette appréciation de la violation de la nation hongroise et de la notion de mérite est décrédibilisée.

Un pouvoir antisémite ?

Dans le communiqué qui confirme l’exil de l’écrivain hongrois, l’attaché de presse de Kertész ajoute que l’homme a été victime d’une véritable « chasse aux sorcières » lancée contre lui par le gouvernement, les médias alliés au parti Fidesz et ses parlementaires. Soumis à un harcèlement moral et à des menaces physiques, l’auteur a préféré quitter la Hongrie, attestant que sa vie était en danger.

La Fédération des communautés Juives de Hongrie (Mazsihisz) a exprimé ses regrets à propos de l’exil d’Ákos Kertész : « Sept décennies après les persécutions des juifs de Hongrie, l’antisémitisme refait surface dans le pays et force un écrivain hongrois à émigrer ». Bien que la Fédération reconnaisse le bien fondé de certaines critiques faites à l’encontre de Kertész, elle soutient vivement l’écrivain et qualifie l’attitude du gouvernement d’antisémite. De son côté, la coalition gouvernementale a officiellement réfuté ces accusations, et selon Zoltán Németh, chef du groupe Fidesz-KDNP au conseil de Budapest, « retirer l’honneur décerné à l’écrivain n’aurait rien à voir avec ses origines ou sa religion ».

7 Comments
  1. Pour une fois l’extrême droite n’a rien inventé. En France, depuis que la Légion d’Honneur existe, on retire la distinction aux personnes indignes.

    « La radiation de l’ordre peut intervenir comme sanction ultime en cas d’atteinte à l’honneur ou à la dignité, à la suite d’une procédure disciplinaire au cours de laquelle l’intéressé est appelé à faire valoir sa défense. Cette radiation, qui vaut retrait de la décoration, est automatique en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement d’un an et plus pour crime ou en cas de déchéance de la nationalité française. »
    Avez-vous entendu dire un mot, une protestation à cause des possibilités de radiation existantes en France depuis des lustres ?
    Alors, pourquoi ce tintamarre pour ce projet de décision en Hogrie ?

  2. L’extrême droite hongroise est loin d’être inventive, on l’accordera. Loin sont les temps lors desquelles elle accéda au titre de pays antisémite de premier ordre en introduisant comme premier le numerus clausus, la restriction d’accès aux études supérieures par un quota racial.

    La question n’est pas celle de la nouveauté, car rien n’est nouveau dans cette histoire. Ni la révocation de titres honoraires (cela s’est pratiqué abondamment, de manière absurde de temps en temps), ni l’ingérence politique dans les affaires culturelles, ni l’antisémitisme, ni les services rendues par une droite au pouvoir convoitant elle-même l’antisémitisme ouverte aux extrémistes moins ambigus sur la question.

    Malheureusement, les menaces et les attaques des fois d’ordre peu symbolique contre la personne, en ce cas d’Ákos Kertész, âgé de 80 ans ne sont pas une nouveauté non plus. L’écrivain antifasciste n’a pas été apprécié différemment avant que ces propos (permettant quand même en hongrois une interprétation plutôt historique, que généalogique) ne soient prononcés. Par contre, son harcèlement au delà du retrait de ses titres, peut bien être lié à ces deux mots révoqués.

  3. On n’injurie pas comme cela son pays et ses citoyens. J’espère que la nationalité hongroise lui sera retirée.

  4. « Les Hongrois sont génétiquement asservis »
    Conclusion de Hu-lala:
    « Le cas Akos Kertész relance l’antisémitisme hongrois »

    Non mais!!!
    Vous travaillez pour Bayer Zsolt?
    Seriez vous en train de confirmer les propos tenus dans son article datant de 2008 « A medence és körnéke »?

  5. Les hongrois sont peut-être asservis mais certainement pas génétiquement.
    Peut-être par habitude ou peut-être pas asservis du tout.

    Le cas de l’écrivain Akos Kestész reste néanmoins préoccupant.
    Un papy de 80 ans à la langue bien pendue qui sent sa vie menacée et demande asile, peur de représailles

    Les autorités canadiennes qui se sentent obligées de protéger l’homme ou l’écrivain.

    Lorsque l’émotion sera retombée, il faudra analyser et comparer ce cas à celui de Sandor Kepiro

  6. Csatáry, Kertész … Décidément le Canada est la destination favorite des racistes persuadés d’appartenir à la Race Supérieure, qui méprisent l’autre en raison de sa race et/ou de sa religion, et qui font d’odieuses généralisations stigmatisantes sur des populations entières 😉

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