La Russie exige de la Slovaquie la restitution de ses vaccins Sputnik V

En voyage à Moscou jeudi, l’ancien premier ministre Igor Matovič a subi un cuisant échec : la Russie réclame l’annulation de son contrat de livraisons de vaccins Sputnik V avec la Slovaquie et la restitution des premières doses livrées.

Le vaccin anti-Covid « Sputnik V » continue de semer la zizanie en Europe centrale et particulièrement en Slovaquie. Jeudi, le tout nouveau ministre des Finances, Igor Matovič, qui n’est plus Premier ministre depuis une semaine, « s’est envolé pour Moscou pour négocier Sputnik en dehors de ses compétences et de ses prérogatives. Et il a échoué », constate le journal Denník N.

M. Matovič a fait savoir jeudi qu’il avait été informé à Moscou que la Slovaquie doit restituer les vaccins et résilier le contrat avec le Fonds d’investissement russe – RDIF, le fonds souverain russe – qui a investi dans la production du vaccin. L’agence russe RIA Novosti a rapporté que le Fonds RDIF avait demandé à la Slovaquie de restituer le lot de 200 000 vaccins Spoutnik V livrés le 1er mars. Il a adressé mardi une lettre au gouvernement slovaque « demandant que le vaccin soit restitué en raison de multiples violations [du contrat], afin qu’il puisse être utilisé dans d’autres pays ».

Igor Matovič, qui a provoqué une crise gouvernementale qui lui a coûté son poste de premier ministre en achetant ces vaccins sans en informer ses partenaires de coalition, hostiles à l’idée de contourner les autorités sanitaires européennes, a qualifié ces derniers d’« imbéciles » sur facebook. Il leur reproche d’avoir « pris en otage la santé d’un million de personnes en Slovaquie ». « Vous pouvez déboucher le champagne », a-t-il aussi lancé, amer.

Heger affaibli

Ce nouveau développement risque fort de provoquer de nouvelles secousses dans la coalition gouvernementale des quatre partis, qui s’est sauvée in extremis en désignant un nouveau premier ministre en la personne du ministre des Finances Eduard Heger qui a échangé sa place avec Igor Matovič. Ce dernier a remis en cause son autorité avec ce voyage à Moscou.

Sputnik V provoque aussi des remous en République tchèque. Mercredi 7 avril, le ministre tchèque de la Santé, Jan Blatný, a été démis de ses fonctions par le président Miloš Zeman pour la raison qu’il faisait obstruction à la vaccination des Tchèques par Sputnik V. Il a été remplacé par Petr Arenberger, directeur de l’hôpital universitaire royal de Vinohrady à Prague.

Pas le même vaccin ?

L’agence de contrôle des médicaments en Slovaquie (SUKL) affirme que les vaccins Sputnik V importés en Slovaquie ne sont pas identiques au produit qui est actuellement évalué par l’Agence européenne du médicament. « Les lots de vaccins utilisés dans les tests précliniques et les études cliniques publiés dans la revue Lancet n’ont pas les mêmes caractéristiques et propriétés que les lots de vaccins importés en Slovaquie », a souligné la directrice de SUKL, Zuzana Batova.

Cette dernière affirme que le fabricant du vaccin russe Spoutnik V n’a pas fourni à l’autorité sanitaire slovaque environ 80 % des données nécessaires à son évaluation, rendant impossible l’adoption d’une conclusion sur le rapport bénéfice-risque. Sollicitées, les autorités hongroises, premières à avoir eu recours au vaccin russe dans l’UE, n’auraient pas répondu à la demande de leurs homologues slovaques de leur communiquer les résultats de leurs propres tests sur Sputnik V, précise Telex.hu.

« [L’Autorité slovaque] s’est lancée dans une campagne de désinformation contre Spoutnik V et se prépare à de nouvelles provocations. Son affirmation selon laquelle Spoutnik V en Slovaquie n’a pas les mêmes propriétés que le vaccin décrit par The Lancet est une fausse information », a contre-attaqué le fond d’investissement russe RDIF, selon le journal Kommersant. Le RDIF a demandé au gouvernement slovaque de faire évaluer les doses reçues par un laboratoire certifié par l’UE.

Jeudi, le ministre allemand de la Santé, Jens Spahn, a fait savoir que l’Allemagne allait engager des discussions avec la Russie en vue d’un achat éventuel de Spoutnik V, sous réserve que le vaccin soit homologué par les autorités européennes. Jens Spahn a emboité le pas du land de Bavière qui a négocié un « contrat préliminaire » portant sur 2,5 millions de doses, mais là encore sous réserve de son approbation par le régulateur européen.

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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