La représentation de la région des Sicules à Bruxelles agace Bucarest

Mardi 31 mai, sous l’impulsion de trois eurodéputés de l’Union Démocrate Magyare de Roumanie – UDMR (Csaba Sogor, Winkler Iuliu et László Tökés), un bureau du « Pays des Sicules » a été inauguré à Bruxelles. Il s’agit-là d’un moyen de lobbying économique pour cette région de Transylvanie délaissée par Bucarest, afin d’obtenir plus d’argent de l’UE et plus d’autonomie, sans devoir passer par l’Etat central. Le gouvernement roumain ne voit pas cela d’un très bon oeil, au contraire, mais il reste prudent quant aux conséquences politiques que cela pourrait avoir.

Pour fêter l’ouverture de ce bureau de la région des Sicules au Parlement européen,  seule une petite dizaine d’eurodéputés hongrois étaient présents. Comme pour montrer que cette initiative pourrait une nouvelle fois déranger les rapports diplomatiques entre les deux pays, le quotidien roumain Adevarul notait jeudi qu’aucun représentant officiel de la Hongrie et qu’aucun autre député européen roumain n’avaient participé à l’événement.

Une démarche entre légitimité et provocation

Dans un premier temps, lors de son discours inaugural mercredi dernier, l’eurodéputé roumain et ancien président honoraire de l’UDMR, László Tökés, a invité les autres « régions » traditionnelles de Roumanie à imiter l’initiative des Sicules en ouvrant à leur tour leur propre antenne à Bruxelles. Cette provocation traduisait le malaise qui règne actuellement dans la coalition gouvernementale, entre l’UDMR et le parti majoritaire au gouvernement roumain (le Parti National Libéral – PNL du président Traian Basescu et de son premier ministre Emil Boc).

Concernant les nouvelles stratégies politiques de cette minorité magyare, le portail d’informations européennes PressEurope note d’ailleurs que « Tökés veut, lors des prochaines élections, prendre les rênes d’une nouvelle formation, le Parti populaire des Magyars de Transylvanie, qui fera concurrence à l’UDMR« .

D’autre part, cette antenne bruxelloise du Pays des Sicules (fondée par les Conseils départementaux d’Harghiţa, Covasna et Mureş) est accueillie gratuitement par la Maison des régions magyares à Bruxelles, ce qui n’a pas manqué de faire réagir le ministre des Affaires Etrangères roumain, Teodor Baconschi, jeudi dernier à l’avant-veille des commémorations du très controversé traité de Trianon. L’initiative des membres de l’UDMR, également critiquée par l’opposition roumaine (Parti Social Démocrate – PSD), est regrettable selon lui : « Au moment où j’ai vu que l’emplacement de ce bureau se trouvait dans une maison des régions magyares, j’ai convoqué l’ambassadeur de Hongrie à Bucarest pour lui faire part de notre réserve face à cet accueil que nous considérons discutable », a-t-il déclaré au journal Gândul.

L’article de PressEurope sur le sujet rapporte également certains propos du chef de la diplomatie roumaine, selon lequel l’officialisation du « Pays des Sicules » auprès des institutions européennes pose problème, puisque « cette démarche présente abusivement une appellation populaire comme la marque identitaire d’une région« .

Les résidus insaisissables de l’histoire de la Grande Hongrie

László Tökés, l’un des instigateurs de cette démarche autonomiste, considère que ces déclarations de Baconschi sont de nature « nationalistes ». Il a aussitôt déclaré dans la presse roumaine qu’il souhaitait rencontrer le président Basescu au plus vite à ce propos. Ce dernier a quant à lui déclaré être « défavorable » à l’ouverture d’un bureau de la région des Sicules à Bruxelles, mais il se garde bien, comme la plupart des membres du gouvernement Boc, de commenter plus avant cet événement, tant la problématique autonomiste des Sicules est complexe en Roumanie au regard de leur identité culturelle et historique.

A vrai dire à Bucarest, le laisser-faire est souvent de mise avec ceux que Budapest appelle abusivement les « Hongrois de Roumanie », quitte à rogner sur les principes fondamentaux de la Constitution roumaine, comme le 15 mars dernier, lorsque le vote à Budapest de la nouvelle Constitution hongroise a donné lieu à des célébrations officielles à Cluj-Napoca.

Le vice-premier ministre roumain d’origine magyare, Bela Marko, est peut-être le plus consenuel sur ce sujet délicat. Interrogé au micro de RFI jeudi dernier, il a déclaré que ce bureau « ne fera pas de miracles mais (qu’) il aidera probablement à la visibilité du potentiel économique de cette région« . Le sénateur Marko a mis tout le monde d’accord en se disant convaincu que les intérêts économiques de la région des Sicules doivent être promus : « Si un tel bureau peut nous aider, pourquoi pas ? »

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