Pas un vote sanction, mais une volonté de réoxygéner par le bas la politique hongroise. C’est le message que sont tentés d’envoyer les électeurs lors des élections municipales qui se déroulent aujourd’hui dans toute la Hongrie. Dans le troisième arrondissement de Budapest, le bastion du maire sortant de la capitale, les préoccupations locales se mêlent aux enjeux nationaux. Reportage.
Budapest – Dans le troisième arrondissement de Budapest, dont le maire sortant István Tarlós (Fidesz-KDNP) a longtemps été à la tête, les riverains ne se bousculent pas ce dimanche matin pour aller mettre leur bulletin dans l’isoloir. Malgré des taux de participation plus élevés que lors du scrutin de 2014 (trois points de plus à onze heures et demi), les élections municipales ne mobilisent pas autant les foules que lors des dernières élections législatives. La quiétude qui se dégage des abords des bureaux de vote tranche en tout cas avec l’intensité et la violence de la campagne électorale ces dernières semaines.
« Moi j’ai un tempérament fidèle, donc je vote pour ceux qui ne m’ont pas déçue ». Mme Szabó a toujours voté pour le Fidesz, le parti national-conservateur du maire actuel et du premier ministre Viktor Orbán. « Je vois que la ville se développe, que l’on aide les familles avec beaucoup de maternelles, de crèches, et puis bon, les retraités comme moi reçoivent beaucoup de petites choses », argumente-t-elle. « Je ne vois pas pourquoi je voterais pour les autres ».
Aux abords du même bureau de vote, situé à quelques encablures de la mairie d’arrondissement, László Tóth, soixante-dix ans, a également décidé de renouveler sa confiance pour la droite au pouvoir depuis 2010 dans la capitale hongroise. « Je vote pour Viktor Orbán depuis la fin du communisme, depuis 1989, j’ai toujours voté pour lui », explique-t-il d’une voix lente et chevrotante. Contrairement à Mme Szabó, qui refuse de critiquer l’opposition, M. Tóth livre un regard sévère sur Gergely Karácsony, le candidat du vaste front anti-Fidesz qui s’est formé avant l’été. « Ces partis n’ont pas de chef digne de ce nom, quelqu’un sur qui on pourrait se reposer ».
« Il faut qu’il y ait des contre-pouvoirs »
Ancienne électrice du Fidesz, Ildikó Szelid reste tempérée dans ses reproches au maire sortant István Tarlós, « qui est resté proche des gens ». « J’ai regardé la télévision, j’ai lu les programmes, et pour moi, les thèmes importants, ce sont l’éducation, la santé et la protection de l’environnement », précise-t-elle en critiquant le bilan de la droite municipale sur ces sujets. « Il y a un manque de personnels enseignants dans les maternelles, les écoles primaires, alors oui j’ai déjà voté pour lui (…) mais il faut un maire qui agisse dans l’intérêt des habitants et qui soit capable de lutter contre la corruption », assène cette femme d’une cinquantaine d’années.
Pour Ildikó, l’enjeu du scrutin du jour n’est pas seulement d’envoyer des élus au nouveau conseil municipal, mais de saisir l’exercice démocratique pour rééquilibrer la vie politique hongroise, ultradominée depuis bientôt dix ans par le Fidesz et son allié chrétien-démocrate KDNP. « Il faut qu’il y ait des contre-pouvoirs. A mon avis le pouvoir a tout à gagner à prendre en compte les opinions les plus larges possibles, à coopérer, à chercher des compromis. C’est important que tout le pouvoir ne soit pas concentré dans les mêmes mains », juge-t-elle.
Devant le bureau de vote voisin, Lajos Nagy (son nom a été changé), retraité, partage son avis : « la corruption a atteint un niveau important en Hongrie – une alternance est nécessaire, si des fois ça peut aider à améliorer les choses ». Pour lui, « les gens veulent du changement et ils voteront en conséquence ». Ancien électeur socialiste durant les années 1990, Lajos a décidé de voter Fidesz en 2010, lors de l’arrivée au pouvoir de Viktor Orbán après huit ans de gauche au pouvoir. « Maintenant j’en ai marre d’eux aussi », lance-t-il, et d’enchaîner : « nous espérons que les nouvelles têtes insuffleront quelque chose de frais dans la vie politique ».
D’origine slovaque, Milka vit depuis plus de vingt ans en Hongrie, et aimerait que le scrutin de ce dimanche aide l’opposition à reprendre pied dans le pays. « Ceux qu’on a en ce moment ne me plaisent pas et j’aimerais que ça change ; j’espère que mon vote va aider à ce que les choses bougent », explique cette femme à la chevelure très blonde, sortant du bureau de vote avec un petit chien au bout de sa laisse. Visiblement indignée, elle raconte le racisme ordinaire dont elle fait l’objet au quotidien, en raison de son accent étranger. « Dès que j’ouvre la bouche, on me dévisage (…) quand je suis dans la rue, dans le bus, alors on me dit que je gêne le passage, on me dit de rentrer chez moi », détaille-t-elle.
Milka impute implicitement ce climat au contexte politique de ces dernières années, particulièrement marqué par la montée d’un discours xénophobe dans le débat public. Si elle espère une alternance à l’échelle de Budapest, elle n’ose pas faire de pronostics. « Lors des dernières élections, il y avait aussi une ambiance propice au changement, et je suis très étonnée que ça n’ait pas marché ».
Krisztina Baranyi, la candidate qui fait trembler le Fidesz dans le 9e arrondissement de Budapest