Malgré les affaires de corruption qui concernent certains de ses cadres, l’Union démocrate magyare de Roumanie a réussi à mobiliser ses électeurs dimanche, lors des élections législatives roumaines marquées par la victoire des sociaux-démocrates du PSD.
Kelemen Hunor aurait pu manger son inimitable chapeau ce dimanche soir. Mais en obtenant plus de 6 % des voix (résultat non-définitif, selon les sondages de sorties des urnes, AFP), le président du principal parti des Hongrois de Roumanie, l’UDMR/RMDSz (Union démocrate magyare de Roumanie) a finalement réussi à se maintenir au-dessus du seuil fatidique de 5 % pour être représenté au parlement national roumain à Bucarest. « Nous avons pu sortir de la spirale négative dans laquelle nous étions entrés lors des dernières élections. Notre score reflète bien notre poids démographique », a-t-il déclaré (Index).
Effectivement, environ 6,5 % de la population de la Roumanie a déclaré être de nationalité/ethnicité hongroise lors du dernier recensement de population, en 2011. Kelemen Hunor s’est aussi félicité sur sa page facebook : « Aujourd’hui nous a montré la force de notre communauté. Aujourd’hui, nous avons démontré que si nous travaillons ensemble, nous pouvons réussir ». C’était pourtant loin d’être gagné et les sondages ont longtemps indiqué que l’UDMR/RMDSz en coalition avec le PCM/MPP (Parti civique magyar), n’était pas assurée de pouvoir se maintenir au parlement à Bucarest, miné par des affaires de corruption que le Fidesz avait considéré être des « attaques contre les Hongrois ».
Des bisbilles entre Bucarest et Budapest
C’est un grand classique des élections dans les pays voisins de la Hongrie : que ce soit en Slovaquie, en Serbie ou en Roumanie, la musique est toujours la même et chacun joue sa partition sans fausse note : Budapest se pose en rassembleuse de la nation éparpillée par le démembrement du Royaume de Hongrie en 1920 et en protectrice des minorités hongroises maltraitées, tandis que Bratislava, Belgrade ou Bucarest agite la menace du séparatisme hongrois.
Cette fois, c’est le Ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó, qui a lancé les hostilités, une semaine avant le scrutin en Roumanie. Comment ? En interdisant à ses diplomates de prendre part aux célébrations de la fête nationale roumaine organisées par l’Ambassade de Roumanie à Budapest, déclarant que « les Hongrois n’ont aucune raison de célébrer le 1er décembre ». Un geste très peu diplomatique et destiné à susciter l’ire de Bucarest et, in fine, à mobiliser le million et demi de Hongrois vivant en Roumanie autour de ses cadres traditionnels. Même s’il est toutefois indéniable que la fête nationale roumaine célébrant la constitution de la Grande Roumanie au sortir de la Première Guerre mondiale a une signification très douloureuse pour la Hongrie : la perte de la Transylvanie.
« Nous estimons que les Hongrois qui vivent ici ne reçoivent pas toujours le respect qu’ils méritent »
En déplacement pour soutenir les représentants des Hongrois de Roumanie, jeudi à Satu Mare (Szatmárnémeti), une ville du nord-ouest de la Roumanie adossée à la frontière hongroise, le Premier ministre Viktor Orbán ne s’est pas privé d’une nouvelle pique à l’adresse de Bucarest : « Nous estimons que les Hongrois qui vivent ici ne reçoivent pas toujours le respect qu’ils méritent ». Celui-ci est aussi intervenu vendredi sur la chaîne des Sicules EMT (Erdélyi Magyar Televízió) en les enjoignant de participer à ce scrutin qui mettait en jeu, selon lui, « la survie des Hongrois en Transylvanie ».
Une fois n’est pas coutume, les autorités roumaines ont su éviter le piège de la surenchère. Les rares réactions en provenance de Bucarest ont été très mesurées. A l’exception de celle de l’ancien président, Traian Băsescu, qui entretenait pourtant de bonnes relations avec Viktor Orbán, mais qui est aujourd’hui en quête d’un siège au Sénat. Ce dernier a réclamé l’expulsion de l’Ambassadeur hongrois de Roumanie et a vulgairement menacé : « Viktor Orbán, mon ami, nous ne voulons pas venir visiter Budapest comme nous l’avons fait il y a 100 ans, sans le vouloir. Toutefois, arrête de nous provoquer, parce que nous avons, nous aussi, nos limites. […] Nous n’avons aucun complexe d’infériorité vis-à-vis des Hongrois » (agence Mediafax). Une allusion à l’occupation d’une partie de la Hongrie par l’armée roumaine en 1919.
Le Fidesz, a fait adopter une nouvelle Constitution en 2012 qui stipule que : « Gardant à l’esprit qu’il y a une seule nation hongroise, la Hongrie est responsable du sort des Hongrois vivant au-delà de ses frontières, doit faciliter la survie et le développement de leurs communautés, soutenir leurs efforts pour préserver leur identité hongroise, l’utilisation effective de leurs droits individuels et collectifs, l’établissement de leurs collectivités autonomes et leur prospérité dans leur pays d’origine. » Budapest a par ailleurs octroyé la citoyenneté hongroise à quelques huit cent dix mille Hongrois des pays voisins ces six dernières années.
Photo issue de la page facebook de Kelemen Hunor, président de l’UDMR/RMDSz.