En grève, les enseignants polonais tiennent tête au pouvoir

600 000 enseignants se sont mis en grève lundi matin en Pologne pour obtenir des salaires décents, selon le syndicat des enseignants ZNP. 80 % des établissements scolaires sont impactés, le deuxième jour de la grève nationale débute et la tenue des examens pour les collégiens cette semaine est menacée.

La chaîne de télévision publique TVP Info a beau faire valoir que « plus de la moitié des écoles ne sont pas en grève », la grève nationale des enseignants qui a débuté lundi matin est massive. Selon les données du ministère de l’Éducation, 48,5 % des établissements scolaires de la maternelle au secondaire avaient gardé portes closes lundi à mi-journée. Le syndicat des enseignants ZNP (pour Związku Nauczycielstwa Polskiego) estime que ces chiffres sont minorés et parle lui de 80 % d’établissements en grève et de 600 000 enseignants.

Les pourparlers de la dernière chance entre les enseignants et le gouvernement ont échoué ce week-end. La vice-première ministre Beata Szydło en a rejeté la responsabilité sur le syndicat ZNP, estimant que le gouvernement avait fait des propositions et qu’un bon accord prévoyant des augmentations salariales et à des modifications du système de rémunération avait été signé avec « Solidarité ».

Coup de poignard dans le dos à la cause enseignante, le mythique Solidarność est en effet le seul syndicat à s’être rangé aux côtés du PiS, le parti national-conservateur au pouvoir. Cependant, des enseignants affiliés n’ont pas suivi la consigne de la direction et ont rejoint leurs collègues grévistes. Lors de sa conférence de presse lundi, Beata Szydło a estimé que le président du ZNP, Sławomir Broniarz, « manque de volonté politique » et l’a accusé de « trop peu penser aux enfants et aux enseignants ».

Sławomir Broniarz estime de son côté que le gouvernement n’a fait aucun geste pendant les trois semaines précédant le début de la grève et a rappelé que les syndicalistes avaient eux revu à la baisse leurs revendications salariales au cours des négociations. En effet, le ZNP réclamait initialement 1000 zlotys mensuels d’augmentation pour chaque enseignant (+230 euros), avant de réduire cette demande à une augmentation salariale de 30%, avec pour effet de réduire le coût pour les finances publiques de 17 à 7 milliards de zlotys. Sławomir Broniarz a souligné que son syndicat a tenté en vain de s’entretenir avec le Premier ministre Mateusz Morawiecki et s’est dit prêt, lundi, à rencontrer le président du PiS, Jarosław Kaczyński.

Les examens menacés

La pression est forte sur le gouvernement comme sur les grévistes, car la grève pourrait empêcher la tenue d’examens scolaires. Les collégiens doivent passer leur examen final avant l’entrée au lycée de mercredi à vendredi, et la semaine prochaine ce doit être au tour des écoliers du primaire de plancher. Lundi, le président de la République Andrej Duda a exhorté les professeurs à mettre de côté leurs revendications au moins le temps d’assurer la bonne tenue de ces examens.

Des salaires de misère

Les enseignants et professeurs polonais se plaignent de gagner moins que les caissiers/caissières de supermarché. Avec des salaires bruts qui s’échelonnent entre 700 et 1 200 euros, mais bruts, ils comptent parmi les moins bien payés dans l’Union européenne. Les chiffres de l’OCDE confirment que, parmi les pays de cette organisation, seuls les profs hongrois, tchèques, slovaques et lituaniens ont des rémunérations inférieures à eux.

Une étude du centre d’analyse Spotdata confirme que leurs salaires ont décroché ces dernières années, par rapport à l’évolution du salaire moyen.

Plus d’un demi-million d’enseignants polonais prêts à la grève

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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