Dans un lycée de Szeged, l’éducation aux médias est un sport de combat

Dans le lycée Ferenc Deák à Szeged, la grande ville du sud de la Hongrie, il y a une professeure du nom d’Eszter Erdélyi qui n’a pas renoncé à parler du vrai monde à ses élèves. Elle leur apprend la critique des médias, à s’informer, à déjouer les propagandes, exactement comme le prévoit le programme scolaire.

Article publié le 11 décembre 2018 dans Abcúg sous le titre « A közélet sem tabu a szegedi tanár médiaóráján ». Traduit du hongrois par Ludovic Lepeltier-Kutasi.

« Pourquoi n’avez-vous pas ressenti le besoin de lire l’article jusqu’au bout pour savoir ce qu’a commis le premier ministre Gruevski ? », demande cette enseignante à ses élèves [en référence à un récent scandale impliquant cet ancien dirigeant macédonien et le gouvernement hongrois, ndlr]. Elle précise sa question : « Souvent on lit les gros titres pour se faire une idée sans prendre la peine de lire le reste et ça nous entretient dans nos propres grilles d’analyse. Pourquoi ne vérifie-t-on jamais ? Je vous pose la question sincèrement. Comment pouvons-nous alors nous faire notre propre opinion ? »

« A mon avis, le fait de lire ce genre de titre comme quoi un homme politique a obtenu un statut de réfugié sans aucun contrôle particulier, ça nous suffit pour nous faire une opinion négative à ce sujet », lui répond du tac au tac un lycéen. « Parce que jusqu’à présent, la règle c’était qu’on n’accepte personne dans le pays. »

Cette discussion en salle de classe, lors d’un cours d’éducation aux médias peut paraître surréaliste, car depuis plusieurs années, les Hongrois ont perdu l’habitude de discuter des grands sujets d’actualité à l’école, que ce soit en histoire, en littérature, ou justement lors des séances d’éducation aux médias. Les enseignants ont en effet de plus en plus de mal à parler de la façon dont fonctionne le marché de la presse et, plus généralement, de la fabrique de l’information.

Mais il y a toujours des exceptions à la règle, comme par exemple au lycée Ferenc Deák, situé dans le sud de la Hongrie, à Szeged, où cette enseignante cherche à apprendre à ses élèves à décrypter et bien comprendre le fonctionnement des médias, mais aussi les méthodes pour bien s’informer, en croisant les sources.

« J’ai pris l’habitude de dire aux enfants que notre plus grand ennemi c’est l’apathie, l’indifférence, le désintérêt »

C’est dans une petite pièce attenante à sa salle de classe que nous rencontrons donc pour la première fois Eszter Erdélyi, une femme de trente-et-un ans. Les nombreuses affiches de cinéma et d’événements culturels placardées au mur sont un bon prétexte pour entamer la discussion. Il faut dire que nous étions assez sceptiques au départ, car ça fait des années que nous n’avons pas rencontré quelqu’un qui ose débattre de politique et de faits d’actualité à l’école, même si l’éducation civique et le développement de l’esprit critique sont au programme des lycéens.

Cette enseignante prouve cependant que ce n’est pas impossible. Elle ne fait pas qu’organiser des séances de discussion ; elle organise souvent des sorties cinéma et  théâtre avec ses élèves et cherche à élaborer des programmes sur les thèmes de la condition humaine et la solidarité. L’objectif d’Eszter Erdélyi est que ces jeunes développent leur empathie et viennent en aide aux personnes vulnérables, qu’elles soient sans-abri, enfants roms ou demandeurs d’asile. « J’ai pris l’habitude de dire aux enfants que notre plus grand ennemi c’est l’apathie, l’indifférence, le désintérêt. Chacun doit développer sa propre personnalité, mais on doit devenir un adulte en essayant d’être actif dans son environnement et en étant capable de faire attention aux autres », nous explique-t-elle.

Eszter Erdélyi a effectué son cursus au département de formation des enseignants en hongrois et en histoire de la faculté des humanités de l’université József Attila (JATE) de Szeged, puis a obtenu son diplôme de professeure d’éducation aux médias à l’université Loránd Eötvös (ELTE) de Budapest, avant de créer avec des collègues un cours dédié aux médias au sein du lycée Ferenc Deák. Elle assure par ailleurs deux enseignements en plus de son activité de professeure principale. Son approche des choses lui sert de fil d’Ariane dans chacune de ses fonctions.

« Le cœur de ma pédagogie, c’est que je suis la même en dehors du lycée et ne cherche pas à tout prix à adopter une posture magistrale », nous explique Eszter Erdélyi.  « Les enfants me connaissent telle que je suis ; ils savent tout de moi, sauf bien sûr les tréfonds de ma vie privée. Dans les faits, je ne fais pas semblant d’être plus sévère que je ne le suis, tout comme je ne me borne pas à ne parler que de ce qui figure dans le programme, même s’il faut rester professionnelle. C’est ce qui fait que j’aborde tous les sujets qui m’intéressent durant les heures de cours, du théâtre au cinéma, en passant par les concerts, les expositions, les livres, la presse, l’actualité, etc. ». Pour l’enseignante, « dire qu’il faut aimer les exclus et avoir de l’affection pour les pauvres ne suffit pas. Il faut que ces choses soient incarnées de façon cohérente. Les élèves voient à travers moi la façon dont je vis, et s’ils veulent s’en inspirer sur un ou deux points qui leur semble sympathiques, alors tout le monde est content ».

Eszter Erdélyi organise souvent des sorties avec sa classe. L’année dernière, ses lycéens ont aidé le collectif de cyclistes « Szeged Bike Maffia » à préparer des colis de provisions pour les personnes sans-abri. Depuis deux ans, ils forment chaque année une chaîne humaine dans le centre-ville en solidarité avec les personnes en situation de handicap. Lorsqu’il y avait encore le casier à côté du temple protestant et l’église Saint-Roch, ce sont eux qui le remplissaient régulièrement de denrées alimentaires.

L’enseignante a également fait venir la troupe Mentőcsónak depuis Budapest pour qu’elle joue deux pièces : Szociopoly et Hajlék-kaland. Lors de la crise des réfugiés [en 2015], elle a organisé un événement rassemblant des membres d’ONG internationales présentes sur place, mais aussi des journalistes de tous bords, afin qu’ils échangent à partir de leurs propres expériences avec les migrants dans les différentes localités frontalières. Lors de notre reportage, sa classe prévoyait de participer au festival du film documentaire « Verzio ».

Il n’y a pas de thème tabou

Pendant le cours qu’elle dispense aux élèves de terminale, quand le programme le permet, les jeunes sont souvent invités en première partie à discuter et commenter les principales actualités, que ce soit à l’échelle locale, nationale ou internationale. Le reste du temps, l’éducation à l’image porte sur l’histoire et les théories du cinéma et d’autres exercices de commentaires. Ce temps consacré aux médias et à l’actualité fait bien partie du programme scolaire ; ce n’est pas l’enseignante qui fait le forcing pour l’intégrer dans ses cours.

« Il est difficile d’envisager l’éducation aux médias de façon hors-sol, avec des matériaux inertes et obsolètes, ou encore à partir d’exemples construits de toutes pièces », se justifie Eszter Erdélyi. « Les médias véhiculent tellement d’informations fausses, il y a tellement de pseudo-nouvelles sur les réseaux sociaux, qu’il est bon de parler des événements qui nous entourent avec le spectre le plus large possible ». Selon l’enseignante, « l’objectif n’est en aucun cas d’imposer un point de vue, mais plutôt d’avoir une image fidèle du fonctionnement de tel ou tel média, d’identifier son style, son registre. Les enfants s’intéressent et cherchent à s’y retrouver dans le flux d’informations. Nous enseignants avons pour devoir de gérer cette curiosité. Si nous devions la mettre de côté, alors qui sait vers quelles sources douteuses ils se tourneraient pour s’informer ».

Photographie : László Végh

Le point de vue d’Eszter Erdélyi n’est pas censé être à contre-courant du programme scolaire, bien au contraire : la plupart des matières littéraires mettent en avant la formation à l’esprit critique enseignée par cette professeure.

Lors de notre visite dans la salle de classe, l’ordre du jour porte sur les dernières nouvelles locales de Szeged :  l’inauguration du marché de Noël, l’installation de la grande roue sur la place Széchényi, la fin du chantier de construction du stade en mars prochain. Les lycéens précisent les sources qu’ils ont mobilisées pour leur travail et discutent en même temps de qui pourra s’asseoir sur le « Szeged Eye ».

La question du stade suscite quelques sourires entendus dans les travées. L’enseignante les interpelle, questionne le bien fondé d’une telle infrastructure et argumente sur le fait que Szeged ne dispose pas encore de ce genre d’équipement. Il est vrai qu’un tel stade pourrait accueillir des événements sportifs de haut niveau et même des concerts, reconnaît Eszter Erdélyi, avant d’être interrompue par ses élèves. « Il y a déjà assez de stades ! », « on devrait utiliser l’argent pour autre chose ! », lancent certains. Il est vrai que la construction de stades a pris une dimension très politique en Hongrie (c’est devenu un des marqueurs de la politique de Viktor Orbán, ndlr). Les jeunes s’accordent pour dire que cet aspect influence nécessairement le débat, tout en reconnaissant que certains habitants pourraient être légitimement satisfaits d’une telle construction dans leur ville.

Le débat se poursuit sur les coûts de construction d’un stade, puis sur la question des aides fiscales et de l’utilisation de l’argent public. Les élèves discutent également des problèmes que peut soulever la mise en chantier d’un tel équipement. Ils font aussi le point sur le traitement médiatique de cette information, en remontant jusqu’aux premiers articles qui évoquaient le projet, retrouvés dans les archives de l’ancien Magyar Nemzet ou encore sur le site local Szegedma.hu. Il s’agit bien sûr de commenter le style et la manière dont les articles sont construits, mais d’analyser aussi leur contenu, en cherchant à caractériser le type de source mobilisé, notamment le positionnement éditorial du média.

« Les enfants ne grandissent pas en dehors du monde »

L’enseignante explique que même si ses élèves parlent ouvertement de questions de politique générale, les opinions ne sont jamais stigmatisées. Pour elle, ce n’est pas tant les positions des uns et des autres qui comptent, mais davantage la capacité de construire un raisonnement logique sur des contenus, même s’ils ne plaisent pas à tous dans la classe. Les actualités traitées renvoient toujours à des choses concrètes ; quand nous réalisions notre reportage, l’actualité fait une bonne part à la loi sur les SDF, l’université d’Europe centrale et la fuite en Hongrie de l’ancien premier ministre macédonien.

Photographie : András D. Hajdú

Pour Eszter Erdélyi, il est inévitable de nommer des choses sensibles, comme le nom d’un dirigeant ou d’un parti politique. « Dès lors qu’une loi est votée ou qu’une décision est prise, il y a forcément quelqu’un qui en est à l’initiative ; on ne parle pas de la trinité ici, mais du parti gouvernemental, d’une majorité parlementaire qui écrit la loi », relativise-t-elle.« Là, il s’agit en ce moment du Fidesz ; avant c’était le MSzP et on ne connait pas encore le nom du prochain », argumente l’enseignante. « Dire qui est au gouvernement est purement factuel ; les enfants ne grandissent pas en dehors du monde. On peut s’amuser à éviter de nommer les choses. Mais si les mots sortent de leur bouche ? Alors que dois-je faire ? Ce serait risible si je m’interdisais d’appeler le président de la République par son nom ».

Il n’y a pas de thème tabou en classe et les enfants sont libres de poser leurs questions. Il y a souvent des débats entre les élèves ou entre eux et leur professeure. Elle considère important de les laisser extérioriser les questions qu’ils se posent et parler ouvertement de ce qui les indigne.

Quand l’enseignante ne se sent pas suffisamment armée sur un sujet, elle sollicite des intervenants extérieurs. Par exemple, pour tacler les stéréotypes et préjugés sur les Tziganes, elle fait appel à l’un de ses anciens élèves, devenu pasteur dans une localité où y vit une importante communauté. Elle les a également emmenés dans le centre socio-culturel Kesztyűgyár à Budapest, où ses élèves ont travaillé avec des enfants roms du département de Borsod, ce qui leur a permis de discuter ensemble, des films qu’ils aimaient, de leurs projets personnels. Ses élèves ont également dressé une carte du patrimoine juif de Subotica et ont rencontré une survivante de l’Holocauste à qui ils ont consacré un reportage.

Pour Eszter Erdélyi, le fait de discuter de tous ces sujets permet à ces jeunes de mieux accepter les autres. L’enseignante note d’ailleurs une évolution au sein de sa classe, que ce soit dans la culture du débat ou dans la façon de penser des élèves. Beaucoup de ses anciens lycéens ont d’ailleurs commencé une carrière politique, travaillent dans des organisations ecclésiastiques, auprès d’associations caritatives, ou sont dans le cinéma ou les médias. Elle est convaincue que ses élèves ont aiguisé leur regard quand ils vont voir des films au cinéma, ou lorsqu’ils s’informent dans la presse.

Les enseignants devraient avoir des idées fortes

Nous avons bien sûr deviné quelles étaient les idées de notre interlocutrice lors de notre petite discussion. Mais durant le cours auquel nous assistons, Eszter Erdélyi n’impose à aucun moment ses convictions. Lors du débat au sujet du nouveau stade de la ville, c’est bien elle qui a invité ses élèves à lire les gros titres avec précaution, et à croiser la façon dont ce sujet avait été traité dans des médias aussi différents qu’Origo, Magyar idők, Index et 24.hu. Il ne s’agit pas de leur dire quel média privilégier, mais d’encourager ces jeunes à élargir leurs spectres, afin de dépasser leurs propres certitudes. La seule véritable suggestion que se permet l’enseignante est d’inviter ses élèves à se positionner en fonction de leur bon sens, mais de tenir aussi compte de certaines valeurs humanistes, de la décence et du respect de l’autre. Elle aimerait que ces jeunes développent une éthique personnelle qui tienne éloignées toutes les formes de haine.

Photographie : András D. Hajdú

L’enseignante ne s’est pas davantage ouvertement positionnée lorsque les lycéens ont joué à « Je vote mon corps », jeu au cours duquel deux groupes ont été formés pour débattre de la question suivante : « est-il plus facile aujoud’hui d’accéder à une information authentique que trente ans auparavant ? » Chaque personne convaincue par les arguments de l’équipe adverse doit alors changer de groupe. La dynamique du débat était intéressante de ce point de vue, car de nombreuses personnes sont rapidement passées d’un camp à l’autre. Quant à Eszter Erdélyi, elle a aidé chaque équipe à tour de rôle.

Tout ça ne signifie pas que notre professeure n’a pas de conviction, mais tout simplement qu’elle ne cherche pas à leur imposer ses vues. Selon elle, les enfants arrivent à l’école avec des façons de voir très différentes et elle estime ne pas avoir son mot à dire là-dedans. Mais l’environnement scolaire, les débats qui ont lieu en salle de classe ou entre les lycéens modifient forcément leur vision du monde.

Bien sûr, Eszter Erdélyi n’en a pas moins ses propres idées, lesquelles transparaissent sur elle, dans la mesure où elle la même à l’école que dans sa vie personnelle. Pour elle, être enseignant n’implique pas forcément une neutralité à tout prix. Les choses qu’elle considère importante, elle les porte d’une certaine façon sur elle ; elle n’a pas besoin de les verbaliser pour qu’on les devine.

« […] Les profs ont le droit d’avoir un avis. Je ne suis pas du genre à tourner autour du pot pour exposer les choses aux enfants », explique-t-elle. « Nous n’avons pas à masquer notre éthique devant les élèves, surtout lorsque nous portons des valeurs de culture, de tolérance et de solidarité. Aucune d’entre elles n’est une valeur dont il faudrait avoir honte ou qu’il faudrait cacher ». 

« L’école n’est pas une réserve naturelle »

Elle pense que la responsabilité d’un enseignant est d’ouvrir les lycéens aux choses du monde et la vie publique autant que la construction d’un raisonnement n’en sont qu’une partie. Les jeunes sont autant touchés que les adultes par ce qui se passe autour de nous, mais ils ont plus de difficulté à faire la part des choses dans l’océan de l’information, c’est en ça qu’ils ont besoin d’être aidés. Bien sûr, ça ne fonctionne pas s’ils sentent qu’ils ne font qu’écrire dans leurs cahiers ce que leur enseignant leur suggère lourdement.  Le professeur doit livrer un discours cohérent et étayé, reflet d’une vision du monde, mais il reste aussi un être humain dont l’objectif n’est en aucun cas de former des petits soldats. Eszter Erdélyi n’a jamais reçue de plainte de la part de lycéens ou de parents d’élèves. On voit bien que les choses fonctionnent bien avec ses adolescents.

« L’école n’est pas une réserve naturelle où l’on laisserait à l’entrée tout ce qui se passe dans le vrai monde, et où il faudrait surprotéger les jeunes », nous dit-elle. « C’est très dommageable que la plupart des enseignants considère la vie publique comme un tabou, tout ça parce qu’ils redoutent les situations de débat dans lesquelles ils auraient à prendre position sur tel ou tel sujet, et puis d’autres sont insuffisamment préparés sur certains sujets comme l’environnement ou les questions scolaires », argumente Eszter. « Si le professeur principal enseigne la physique et qu’un élève va lui demander ce que sont les « consultations nationales », alors il ne peut pas juste lui rétorquer que le sujet n’entre pas dans le cadre de la matière enseignée ».

Pour elle, il faut pouvoir consacrer du temps à ces sujets-là, car le fait de se taire, d’avoir peur, d’instiller l’idée qu’il y a des mauvaises questions, ça ne peut que dégrader le climat de confiance entre le professeur et l’élève. « L’un des principaux problèmes, c’est que même le mot « politique » est devenu tabou dans l’enseignement, tout comme auprès des parents, alors que le programme scolaire évoque explicitement la possibilité de questionner les normes démocratiques. On dit aux profs de ne pas faire de politique et de cantonner notre expression aux questions qui nous touchent professionnellement, mais il y a bien une politique menée au sujet des affaires scolaires ; même le programme national ne vient pas du ciel ». 

Photographie : András D. Hajdú

Eszter Erdélyi pense que l’éducation aux médias a évolué dans une bonne direction ces dernières années, principalement en raison de l’amélioration de la formation des enseignants, mais les priorités du programme scolaire ont quand même évolué. Auparavant, on mettait l’accent sur l’apprentissage des médias, tandis que désormais on valorise davantage l’éducation au cinéma ou les travaux pratiques durant les heures de classe.

L’environnement médiatique actuel soulève des problèmes complexes, comme par exemple l’usage qui est fait des médias publics. Il s’agit de sujets tellement enchevêtrés et le paysage médiatique évolue tellement vite, que beaucoup d’enseignants préfèrent contourner ces thèmes ou ne pas les évoquer. L’autre danger qui guette est la disparition pure et simple de l’éducation aux médias du programme scolaire. Au niveau primaire, cet enseignement a été absorbé par quatre matières différentes, tandis qu’au collège, ce sont les établissements qui décident si la priorité est donnée au théâtre ou à l’éducation aux médias, ce qui fait que de plus en plus d’enfants de moins de douze ans n’ont jamais eu de cours sur le fonctionnement de la presse, sur la notion de service public, sur la neutralité de l’information, ou encore sur le monde des réseaux sociaux et de la publicité.

« Je ne me considère pas comme une rebelle », estime Eszter Erdélyi. « Un vrai rebelle, c’est quelqu’un comme Jan Palach, qui s’est immolé par le feu sur la place Venceslas à Prague, ou encore ce gars qui a fait face aux tanks de la place Tian’anmen en 1989. Moi je suis une personne normale qui s’intéresse à beaucoup de choses. C’est vrai que le monde a changé ; si l’on considère comme rebelle quelqu’un qui cherche à gérer équitablement les questionnements de ses élèves, qui cherche à les inspirer dans leur manière de débattre des questions de société, qui les encourage à s’exprimer ouvertement, alors ce n’est pas mon problème ; ça veut dire que c’est notre époque qui a un vrai problème ».