Un millier de personnes se sont retrouvées samedi à Kielce pour marcher en faveur de « l’égalité ». Il s’agit de la première Gay pride organisée dans cette localité du centre-sud de la Pologne et elle s’est déroulée sans incident majeur, contrairement à ce que craignaient les autorités qui voulaient l’interdire.
Des drapeaux arc-en-ciel, des vêtements colorés et une ambiance festive : la première Marche des fiertés qui s’est tenue ce week-end dans le centre-ville de Kielce ressemble à première vue à n’importe quelle autre Gay Pride. Pourtant, elle a bien failli ne jamais avoir lieu.
En effet, le maire de la ville, Bogdan Wenta (sans étiquette, ancien eurodéputé PO), avait auparavant interdit le déroulement de cet évènement pour des raisons de sécurité : lors d’une conférence de presse, le premier édile de Kielce a indiqué soutenir « toutes les formes de démonstration de liberté et d’égalité qui ne représentent pas de danger pour les habitants ou les citoyens de notre pays » et a aussi rappelé qu’il avait la responsabilité « d’éliminer toute forme de danger susceptible de provoquer un incident ». L’affaire n’en est toutefois par restée là, puisque les organisateurs de la marche et Adam Bodnar, l’ombudsman polonais, ont contesté l’arrêt municipal devant les tribunaux et obtenu son annulation.
Les obstacles rencontrés lors de l’organisation de la Marche des Fiertés de Kielce sont loin d’être un cas unique en Pologne et plusieurs maires ont ainsi promulgué des arrêtés d’interdictions en raison de la menace représentée par ce type d’évènement pour la sécurité et l’ordre public : on peut ainsi citer Krzystof Żuk (PO) à Lublin (Sud-Est) en octobre 2018, Tomasz Budasz (PO) à Gniezno (Centre) en avril 2019 et Tadeusz Ferenc (ex-SLP) à Rzeszów (Sud-Est) en juin 2019. En lisant entre les lignes, on comprend cependant que les problèmes de sécurité évoqués ne sont pas directement attribués à l’action des participants à la marche, mais à celle des contre-manifestants d’extrême droite.
De fait, les marches de Gniezno et de Lublin, qui ont finalement été organisées, ont toutes deux fait l’objet d’attaques menées par des militants d’extrême droite, souvent des hooligans liés à des clubs de football locaux. A Gniezno, – lieu par ailleurs hautement symbolique puisque siège des primats de Pologne, ce qui n’est pas anodin étant donnée l’opposition de l’église au mouvement LGBT -, les participants ont subi des jets de bouteille tandis qu’à Lublin, huit policiers qui protégeaient le rassemblement ont été légèrement blessés dans un affrontement avec des militants d’extrême droite.
Un rassemblement dans une ambiance bon enfant
A Kielce aussi, plusieurs dizaines d’opposants à la marche portant des vêtements ornés de messages homophobes et de symboles d’extrême droite étaient présents en plusieurs endroits du parcours, mais le journaliste d’OKO.Press Maciek Piasecki précise qu’ils se sont contentés de proférer des injures. Malgré cela, le rassemblement s’est déroulé dans une ambiance plutôt bon enfant : plusieurs centaines de personnes ont donc défilé pacifiquement tandis que de nombreux habitants assistaient au défilé depuis le trottoir ou leurs fenêtres. La marche s’est achevée vers seize heures près du monument à Henryk Sienkiewicz, où l’une des organisatrices de la marche de Kielce, a remercié « notre chère police » sous les applaudissements des participants.
Le succès de la marche de Kielce est un signe d’autant plus encourageant qu’elle a eu lieu dans une ville de taille moyenne de la province polonaise, réputée plus conservatrice que les grandes villes du pays, et qu’elle intervient dans un climat tendu marqué par la crispation du parti au pouvoir Droit et justice (PiS) et de l’Eglise sur la question LGBT : ainsi, les autorités ecclésiastiques ont récemment accordé le titre « d’apôtre laïc » à un employé d’Ikea renvoyé pour propos homophobes. Ce raidissement n’est naturellement pas sans conférer un certain sentiment d’impunité aux groupuscules homophobes d’extrême droite et il faut souhaiter que le bon déroulement de la marche de Kielce encourage les municipalités à soutenir l’organisation de ce type d’évènement à refuser le « chantage sécuritaire » d’une poignée d’extrémistes.