Le maire de Budapest, István Tarlós, a un sens très personnel des priorités. Alors que le bilan de la capitale est très mitigé en terme de qualité de l’air et que de plus en plus de problèmes de congestions automobiles se font sentir en ville, l’édile conservateur a décidé de frapper fort… Son objectif : entraver autant que possible la circulation à bicyclette !
István Tarlós est un homme politique à l’ancienne et il en est plutôt fier. Non content de gouverner sa ville au doigt mouillé, en revendiquant son «bon sens paysan», le voici qu’il fait de la guerre contre le «terrorisme du vélo» la mère des batailles. Selon lui, la régie des transports BKK, dirigée entre 2010 et 2014 par Dávid Vitézy, est allée trop loin dans sa politique pro-cyclistes. Que l’on songe à l’autoroute à vélo le long du Danube côté Buda, aux nombreux contre-sens cyclables dans le centre de Pest ou même aux confortables cheminements consacrés à la Petite Reine vers la banlieue, il est vrai que Budapest est rapidement devenue une ville modèle du point de vue des circulations douces. Alors que la part modale du vélo était de 2% en 2014, l’ambition du Schéma métropolitain des transports Mór Balázs était même de la porter à 10% à l’horizon 2030.

Sous l’impulsion de Dávid Vitézy, la BKK était effectivement devenue particulièrement volontariste en matière de promotion des modes de transports alternatifs. Entre 2010 et 2014, Budapest a ainsi lancé de nombreux chantiers de rénovation et d’extension du réseau de tramway, de valorisation des transports fluviaux, d’aménagements piéton et vélo… Des projets emblématiques comme la requalification complète de l’autoroute urbaine Rákoczi út, le projet d’une nouvelle ligne de tramway sur Thököly út ou l’extension de la ligne 2 de tramway au nord de Jászai Mari tér étaient dans les cartons. Mais, patatras! En désaccord avec son directeur, István Tarlós démissionne Vitézy et renvoie tous ces projets aux calendes grecques.
Ce limogeage survenu début 2015 marque un véritable tournant dans la politique des transports budapestois. Souhaitant amender les objectifs du Schéma métropolitain prévoyant une baisse de la part modale des voitures de 35 à 20%, István Tarlós a estimé en décembre dernier qu’il fallait marquer un coup d’arrêt aux mesures anti-voitures et redonner un peu de place aux automobilistes en ville. En avril, il promulgue même un arrêté cassant de nombreux principes d’aménagements urbains en faveurs du vélo, tels par exemple la priorité aux trajets les plus courts dans les cheminements cyclables, le marquage au sol des bandes cyclables, ou encore les pistes multiples favorisant sur les gros axes les possibilités de tourner aux carrefours.

Alors que de nombreuses associations de cyclistes craignent des mesures régressives, la mairie évoque seulement des aménagements mineurs dans certaines rues du centre-ville. Or, comme le révèle aujourd’hui Benjámin Zelki sur le blog Város és közlekedés («Ville et transport»), tout laisse à penser que les craintes des cyclistes étaient fondées et qu’István Tarlós a mis ses menaces à exécution. Depuis quelques jours, quelques voies ont été affublées de curieux panneaux restreignant sensiblement la circulation à vélo, y compris sur des pistes théoriquement entièrement cyclables.



Ces panneaux ont été photographiés sur des axes stratégiques car permettant la traversée Nord-Sud de la ville. A noter également que la photo 1 a été prise sur une portion de l’EuroVelo 6. Selon l’auteur du blog, la mairie assure que ces mesures sont provisoires, mais la pose de panneaux en dur laisse penser tout le contraire. Alors que le cycliste pestois le plus aguerri n’a de cesse d’observer l’agressivité croissante des voitures , souvent des chauffeurs de taxi, à son égard, le voilà averti que ce n’est pas du côté des pouvoirs publics qu’il pourra trouver du soutien, au contraire. Le fameux Critical Mass, «vélorution budapestoise» arrêtée sur décision de ses fondateurs en avril 2013, a peut-être tiré sa révérence trop tôt.
Edit : article augmenté le 24/06/2016