Catherine Ashton : une «erreur de casting» ?

Cela n’arrive pas si souvent et nous nous devions de le souligner, l’Union européenne vient de remporter une victoire en convaincant les pays représentés à l’ONU de l’accepter en leur sein. L’occasion nous est rarement donnée de célébrer une victoire surtout diplomatique de l’Union européenne, nous ne devions pas, par conséquent, manquer de la relever. Cette victoire est celle de la Haute représentante de l’Union, Cathy Ashton qui s’est d’ailleurs réjouie de la nouvelle.

Mme Ashton et M. Martonyi à Gödöllö au conseil informel des ministres des Affaires Etrangères « Gymnich », le 12 avril 2011, HUlala corentin léotard

Déjà candidate malheureuse l’année dernière, l’Union cette fois-ci aurait su par un lobbying actif et efficace convaincre ceux qui s’étaient montrés inquiets de son arrivée à New York. Cette victoire diplomatique va surtout permettre à l’Union d’être plus encore présente sur la scène internationale à travers ce statut d’observateur – une première pour une organisation communautaire – qui certes n’accorde pas de droit de vote mais qui donnera l’occasion à celle-ci de parler d’une seule voix.

Il s’agit clairement d’une victoire pour Bruxelles et d’une victoire pour Catherine Ashton qui siégera désormais parmi les ministres des Affaires étrangères à l’ONU pendant que Herman Van Rompuy prendra place quant à lui parmi les grands de ce monde. Ce sera à elle désormais que reviendra en tant que Haut représentant, le devoir d’exprimer les positions de la politique étrangère de l’Union à l’ONU. Rappelons que jusque-là, la place était occupée par l’ambassadeur du pays à la tête de la présidence du sommet des chefs d’Etat européens, c’est-à-dire en ce moment János Mártonyi représentant de la Hongrie.

Le moins que l’on puisse dire c’est que cette nouvelle tombe à pic à un moment où justement l’action de Catherine Ashton est encore et toujours critiquée et semble-t-il avec raison. L’on peut manifestement parler de victoire, puisque lutte il y a eut. L’affaire n’allait pas de soi pour certains représentants des petits Etats qui voient dans l’arrivée de l’Union européenne à New York, une 28e voix à un groupe qui en compte déjà 27.

Parallèlement de l’autre côté de l’Atlantique, ce sont les représentants des Petits Etats européens qui se réjouissent. Pourtant, face à cette victoire diplomatique acquise grâce au travail discret, trop discret de Catherine Ashton qui quoi qu’elle fasse semble devoir faire les choses très silencieusement, les représentants de ce que l’on appelle souvent les petits pays de l’Union s’inquiètent. Ils s’inquiètent de la place de plus en plus importante que prennent les grands Etats dans le cadre de décisions internationales. Les petits Etats veulent une diplomatie européenne forte et claire alors que les grands Etats ne sont pas prêts à abandonner leurs fameuses prérogatives régaliennes en l’occurrence la diplomatie. D’où les critiques impatientes dont est l’objet la politique extérieure de l’Union européenne sous l’autorité de Catherine Ashton. Surtout que les sujets ne manquent pas.

Entre la Tunisie, la Libye, la Syrie et j’en passe, les possibilités d’agir et de se faire entendre sont nombreuses pour le Service diplomatique européen et pourtant la Haute représentante de Bruxelles donnent plutôt l’impression de tout faire pour éviter les lieux de conflit où sa présence serait pourtant indispensable. La non intervention de Catherine Ashton ouvre une autoroute aux grands pays de l’Union qui s’y engouffrent pour parfois s’y empêtrer il est vrai, joyeusement. Leur diplomatie est séculaire alors que Catherine Ashton doit en créer une ex-nihilo mais pour cela, elle est censée être secondée par des diplomates chevronnés.

Le président du PPE, Joseph Daul a-t-il raison de parler «d’erreur de casting» la concernant ? Catherine Ashton est-elle trop Britannique pour représenter la diplomatie européenne ? On se demande en effet si celle-ci est convaincue par sa mission, puisqu’elle choisit souvent la position la plus effacée parmi toutes celles proposées. N’aurait-il pas mieux fallu choisir un/une représentant d’un petit Etat ? Les grands Etats l’auraient-ils permis, eux qui manifestent bruyamment leur mécontentement vis-à-vis de l’inactivité de Catherine Ashton ? Mais cela ne les satisfait-il pas au bout du compte ? Quant aux petits Etats critiques, sollicités par l’Union, auraient-ils les moyens de participer à une quelconque intervention ? Aujourd’hui, pour être intervenue en Libye, la France s’est engagée à participer à un fonds spécial temporaire en faveur des insurgés libyens. Sauf erreur, la porte n’est pas fermée à d’autres potentiels contributeurs.

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Cécile Vrain

Journaliste et docteur en Histoire des Relations Internationales de l'Université de Paris 1, spécialiste de la Hongrie.

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