Alors que certains comme Emmanuel Todd sont persuadés que «l’euro est foutu, [et que] tout le monde le sait», d’autres à Bruxelles continuent à œuvrer pour garantir la monnaie unique. A Bruxelles justement, la semaine dernière, le Conseil européen a entériné le « Pacte pour l’euro ».
Alors que l’Union européenne a encore montré son incapacité à œuvrer de concert sur le plan international et de la défense, le sommet des 24 et 25 mars a marqué un pas en avant sur les questions économico-financières sur fond de «solidarité». Comme quoi, il semblerait malgré tout que le couple franco-allemand fonctionne mieux que le couple franco-anglais ou tout du moins à chacun sa spécialité.
Invisible et voulant le rester sur la scène internationale, l’Allemagne se maintient dans son rôle de grand ordonnateur des affaires économiques et financières en Europe. Avec la mise en place du Pacte de l’euro, les pays adhérents devront désormais limiter leur dette, mettre au diapason salaire et productivité sur fond de recul d’âge de la retraite, harmoniser les politiques fiscales, etc. Avec en bon point un soutien financier garanti dans le cadre du mécanisme européen de stabilité (MES) qui sera mis en place à partir de 2013. Fin de la récréation, le maître d’école allemand ne veut voir qu’une seule tête sur un seul rang, ou presque.
Car sans surprise, la Hongrie de Viktor Orbán a décidé de ne pas adhérer au Pacte pour l’euro pour préserver son «indépendance fiscale» et aboutir au «système fiscal le plus compétitif» en Europe. Plus surprenant fut de lire dans la presse que celui-ci avait expliqué qu’il devait avant tout consulter l’opposition et «que le pays était uni sur la question». Ce serait bien la première fois depuis la presque année que le Premier ministre hongrois est au pouvoir qu’il s’inquiète de l’invisible opposition politique dans son pays ! Mais ce n’est pas la question. En fait, la Hongrie semble d’accord avec les objectifs du Pacte puisque les uns comme les autres ont le désir de rationaliser leurs dépenses publiques et de limiter les impôts afin d’améliorer la compétitivité des entreprises. Seulement chacun veut y arriver par son propre chemin, ce qui semble néanmoins difficile en tant que pays membre de l’Union. De son côté, le président tchèque, l’eurosceptique Václav Klaus a quant à lui été critiqué par l’opposition – qui craint que Prague ne s’auto-exclue du processus d’intégration européenne – comme si ce n’était déjà pas le cas depuis que Klaus est au pouvoir, pour avoir fait le même choix que son homologue hongrois. Sourcilleux quant à leur souveraineté économique et financière, ces deux là, comme le Royaume-Uni et la Suède, qui il est vrai n’ont pas l’intention de rejoindre la zone euro, ont préféré décliner l’invitation.
Au sein des Etats membres d’Europe centrale et orientale, d’autres se sont montrés meilleurs élèves. La Pologne, la Lituanie et la Lettonie qui s’impatientent aux portes de la zone euro ont été suivies dans leur choix par les dirigeants roumain et bulgare – qui ne savent plus quoi faire pour être pris au sérieux – d’adhérer au Pacte et ont justifié leur décision par leur volonté d’adhérer à la zone euro – ce qui n’est pas pour demain. Pourtant ils y travaillent. Ainsi la Bulgarie a annoncé juste avant le sommet des 24 et 25 mars, avoir mis en place un mécanisme d’alerte à la dette dans sa constitution et son charismatique Premier ministre a précisé que l’un impliquait l’autre, c’est-à-dire que l’un impliquant l’autre et qu’adhérer au Pacte euro-plus était lié à l’adhésion du pays à la zone euro. Pas faux. Rappelons en effet si cela est nécessaire que les douze pays de la vague d’élargissement de 2004 et de 2007 ont l’obligation d’adopter l’euro.
Le beurre et l’argent du beurre
En affichant ses divisions qui sont le propre à toute association, l’Union européenne ne prend pas le risque d’une Europe à deux vitesses, puisque celle-ci existe déjà. Là n’est donc pas la question. Viktor Orbán ou Václav Klaus agissent sans aucun risque, et ils ne l’ignorent pas. Ils tentent de gagner sur les deux tableaux et de marquer des points tant dans leur pays qu’au sein de l’Union, puisque comme l’a souligné le président français Sarkozy, aucun pays européen ne sera abandonné à l’exemple de la Grèce, de l’Irlande ou encore du Portugal ou de l’Espagne. La Hongrie qui a déjà bénéficié de l’aide européenne veut croire et faire croire à son indépendance économique et financière. Cela fait longtemps que ce n’est plus vrai et elle n’est pas la seule dans ce cas. Toutefois pour encore quelques temps, Viktor Orbán aime à croire que le politique peut encore primer sur l’économie. Le seul problème, c’est que le schéma est dépassé depuis la Seconde Guerre mondiale.
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