Mme Khadafi, née Farkash, se repose à Vienne pendant que la Libye flambe

S’il fallait encore le démontrer, c’est chose faite à travers les événements libyens. L’Union européenne n’a pas de diplomatie et les pays membres sont loin d’afficher une opinion commune sur la question. D’après Cathy Ashton c’est normal, puisqu’il s’agit «d’Etats souverains». Certes, mais alors quid d’une diplomatie commune aux Etats membres ?

Il est clair que chacun y va de ses intérêts. Il ne semble d’ailleurs pas étonnant que la France et le Royaume-Uni soient au premier rang de ceux qui veulent faire un sort à Kadhafi. Rappelons-nous que le président Sarkozy s’est largement discrédité il y a quelques années en invitant le colonel libyen soi-disant métamorphosé en honnête homme, lecteur de Montesquieu. La France a manifestement besoin de redorer son blason après les scandales liés aux séjours et aux relations entretenues entre ses ministres et certains dictateurs arabes. Quant aux Royaume-Uni, la période de deuil des victimes de l’attentat de Lockerbie a été estimée assez longue pour décider de reprendre contact avec Tripoli là aussi, il y a quelques années, les affaires n’attendant pas.

Cathy Ashton et Janos Martonyi à Gödöllö le 12 mars (HU-lala)

Face au camp des belliqueux, ceux qui pourraient passer pour des pacifistes ne sont aussi que des opportunistes. L’Allemagne refuse de participer pour des raisons électorales. D’autres comme la Hongrie, l’Autriche ou encore la Bulgarie ont clairement manifesté leur hostilité à participer aux frappes aériennes contre Tripoli. En tant que chef de la diplomatie hongroise, János Mártonyi, s’est montré sceptique sur la capacité de renverser le pouvoir libyen avec une opération militaire et a d’ailleurs déclaré qu’il «ne voyait pas quelles forces hongroises pourraient être utilisées dans une telle opération». Mais en  tant que représentant de la présidence européenne lors du conseil des ministres des Affaires étrangères exceptionnel consacré à la crise libyenne qui s’est tenu jeudi 10 mars à Gödöllö, János Mártonyi estimait alors qu’un «message politique clair doit être envoyé ; le système Kadhafi est fini. On ne peut pas le restaurer à son état original. Une seule option est possible : son départ», belle rhétorique creuse qui ne prend de risques en précisant les conditions de ce départ. L’Autriche est de son côté dans une position paradoxale puisqu’elle a accueilli l’épouse du dictateur libyen à Vienne. Cette dernière est en effet installée à l’hôtel Imperial. Pour l’anecdote, rappelons que Safiya, de son vrai nom Sofia Farkash, est originaire de Mostar, en Bosnie-Herzégovine et que son grand-père Iván Farkash, était inspecteur de l’Education nationale en Autriche.

Il semble par conséquent clair que chacun de son côté à de bonnes ou de mauvaises raisons de participer ou non à l’offensive contre la Libye de Kadhafi. Ainsi pour conclure, on rappellera que le commissaire européen de nationalité maltaise, en charge de la Santé, a tenté de tempérer la position de la Commission sur la Libye. John Dalli avait tout d’abord exprimé publiquement des doutes sur la façon dont les évènements étaient relayés par la presse sur ce qui se passait vraiment en Libye, refusant notamment d’appeler au départ du dirigeant libyen et estimant qu’il avait montré un point de vue de « conciliation » avec les opposants. Faut-il préciser que John Dalli a des intérêts immobiliers à Tripoli où il a longtemps résidé en tant que directeur d’entreprise. Malte a longtemps bénéficié des fonds libyens et n’est pas la seule, les ramifications des finances libyennes sont profondes et la chute du colonel risque de soulever quelques belles découvertes. Mais il est encore trop tôt pour en parler. Dans le cas du commissaire européen maltais, il s’agit d’un bel exemple de conflits d’intérêt à un moment où les fonctionnaires européens et mieux encore des élus, sont accusés de corruption légale, eux qui venaient d’oser augmenter leurs revenus dans une Europe qui n’est pas encore sortie de la crise économique et financière dans laquelle elle est plongée depuis 3 ans.

Chroniques précédentes:

Cécile Vrain

Journaliste et docteur en Histoire des Relations Internationales de l'Université de Paris 1, spécialiste de la Hongrie.

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