Le Balatonring n’échappe pas à la règle hongroise des grands projets de construction qui attirent de grands soupçons de corruption.
Vendredi 26 février des ONG anti-corruption ont contacté Bruxelles pour attirer l’attention des autorités sur une manœuvre irrégulière de l’Etat hongrois dans ce dossier. Depuis, les deux dernières semaines ont été marquées par des estimations de mauvaise augure sur ce projet de construction d’un nouveau circuit hongrois. Le désengagement progressif de l’Etat le plonge désormais dans l’incertitude.
La construction du Balatonring, qui devrait accueillir le futur Moto Grand Prix de Hongrie, se situe, comme son nom l’indique, proche du lac Balaton, plus précisément dans le petit village de Sávoly, peuplé de moins de 600 habitants. , Ce futur Moto GP devrait avoir lieu tous les ans, au mois de septembre jusqu’en 2015 et accueillir 150 à 200 000 visiteurs tous les ans. Pourtant, les locaux, qui devraient se frotter les mains d’une telle aubaine commerciale et de développement, sont au contraire très inquiets de la gestion actuelle des opérations, et ont mandaté deux ONG anti-corruption pour alerter le commissaire à la Concurrence Joaquin Almunia.
Fin 2009, le gouvernement s’était décidé sur 21 milliards HUF de subventions de l’Etat et une garantie de ce dernier pour un prêt de 15,3 milliards HUF venant de la Banque nationale de développement (MFB) pour Sávoly Motorcentrum Fejlesztő, société de construction de la piste qui devait alors coûter 36 milliards HUF au total à l’Etat. Non seulement le contrat n’a toujours pas été signé, malmené par les rapports des responsables du ministère des Finances, mais ceux-ci n’ont pas appuyé le plan qu’ils jugent « risqué, non rentable, et allant à l’encontre des règles communautaires ».
Retournements de situations
Début janvier, tout le monde s’annonçait confiant quant au crédit de la MFB. Aujourd’hui, la MFB a définitivement cessé toute négociation dans les prémisses du contrat qu’elle entreprenait avec le consortium Sávoly Motorcentrum. Cette société majoritairement détenue par les espagnols de Sedesa est originellement responsable de la construction du Balatonring.
Avec une demande de participation de l’Etat hongrois à hauteur de 21 millards HUF, les négociations ont souffert de l’analyse juridico financière de la MFB sur les contrats proposés par les Espagnols. Pas étonnant lorsque l’on note que le Slovakiaring, construit l’an dernier, n’a coûté que le tiers de cette somme. La coopération entre l’Etat hongrois et János Bence Kovács (Grupo Milton Management Zrt), le représentant hongrois du groupe Sedesa, est donc terminée. Dommage pour l’homme aux 54 milliards de forints, qui fut déja condamné pour fraudes dans le passé.
Pour Sedesa, il ne reste donc qu’à finir le circuit à l’aide de ses propres deniers, et à s’adresser à une banque commerciale pour obtenir le crédit de 15,3 milliards de forints qu’elle demandait à la MFB initialement. En plus de la somme jugée exorbitante par la MFB, les experts doutent des capacités commerciales du business plan du projet à rembourser l’investissement de départ.
Pour que le Moto GP du Balatonring ait lieu en 2010, le gouvernement, sous la pression du consortium et sous celle de la société de courses Moto GP, aurait lui-même tenté de forcer la Banque nationale de développement sur l’octroi des 15,3 milliards à Sávoly Motorcentrum. On imagine que c’est surtout la déconvenue sur le plan international que la seconde annulation consécutive du Balatonring Moto GP occasionnerait, qui a motivé les politiques. Désormais, le crédit de l’Etat étant hors de question, nul doute que le lac Balaton ne verra pas Valentino Rossi cette année.
Quand les capitaines quittent le navire
La semaine dernière, Tamás Suchman, à la tête du Conseil de Développement Balaton, et István Varga, ministre de l’Economie, étaient pourtant encore confiants quant à l’obtention des subventions publiques.
Coup de théâtre jeudi, lorsque Tamás Suchman a déclaré à la radio nationale MR1 qu’il démissionnait de son poste à la coordination du projet Balatonring : « Je ne veux pas participer à un projet à l’encontre duquel fusent déja tous types d’accusations. Ce chantage permanent met beaucoup trop facilement les investissements en péril dans ce projet », a t-il déclaré. « Le prochain gouvernement devra prendre une décision rapide sur la question », a t-il ajouté.
Ce matin, en plus de sa démission, la compagnie de construction d’infrastructures d’Etat Nemzeti Infrastruktúra Fejlesztő Zrt. a annulé son projet de bretelle d’autoroute M7 vers le site de Sávoly. L’Etat hongrois, qui a déjà signé en juillet 2008 pour obtenir le droit d’organiser la course pour 5 ans auprès de Dorna sport, filiale espagnole de Moto GP, n’a pas encore payé les 5 millions d’euros pour organiser le GP cette année. Il est d’ailleurs prévu que cette somme gonfle un peu plus chaque année. De plus, selon l’accord, l’Etat devait se charger des frais d’organisations du Grand Prix, à hauteur de 1,5 milliards de forints par événement.
Sous la pression des investisseurs, l’Etat hongrois se retrouve au pied du mur
Lorsque l’on parle de 35 milliards de forints, la parole des uns et des autres ne vaut pas grand chose en Hongrie. Retour aux origines de l’affaire Balatonring pour mieux comprendre. Sedesa, l’investisseur espagnol du projet, est connu en Hongrie depuis 2006 pour le fiasco immobilier du déménagement du quartier institutionnel de Budapest à Nyugati tér. En 2007, Sedesa a formé un consortium hongrois pour la construction du circuit au sud du lac Balaton. Au départ, les Espagnols souhaitaient investir 130 milliards de forints en tout, conjointement avec le Conseil de Développement du Balaton, pour la construction d’un grand complexe de loisirs, golf, village de vacances, etc. Le succès du motard hongrois Gábor Tamálcsi en 125 cm3 ces dernières années en Moto GP, a fini par décider le consortium à envisager un nouveau circuit hongrois en plus de ce complexe. Les liens qu’entretenaient auparavant Sedesa et la Worldwide Circuit Management y ont certainement été pour quelque chose.
En septembre 2008, le contrat qui avait été signé donnait la possibilité de transformer le terrain agricole en terrain constructible. Juste après avoir posé la première pierre, le lobbying espagnol en arrivait à demander des fonds et des garanties à l’Etat hongrois. En l’occurrence, 45 millions d’euros étaient réclamés, et l’Etat hongrois pensait alors pouvoir assurer via la MFB. Pendant ce temps les travaux avaient commencés dans le village et tout le système de canalisations a été agrandi. Lorsqu’en 2009, le GP fut annulé, le projet en était encore aux terrassements ; mais pire, les négociations avec la MFB en étaient encore au point mort et le projet de complexe autour du circuit était lui aussi annulé.
Pourtant, il y a six mois, Tamás Suchman prétendait encore que tout allait bien dans les négociations… à condition que les investisseurs espagnols révisent leur plans, et prennent mieux en compte la crise bancaire actuelle.