La presse pro-Fidesz n’a pas tardé à trouver son bouc-émissaire après la perte de Budapest, dimanche aux élections municipales. Selon elle, ce sont les étrangers qui se sont ligués contre Viktor Orbán.

Dans les journaux « Magyar Hírlap » et « Demokrata », dans le tabloïd gratuit « Lokal », sur les sites de la fachosphère pro-Fidesz (Pesti Sracok, Origo.hu…), partout le même message : si le candidat du Fidesz, István Tarlós, a été battu par le candidat des « anti-Fidesz », Gergely Karácsony, c’est parce que ce dernier a reçu le soutien des étrangers vivant dans la capitale hongroise.
Des affirmations fantaisistes
Pour la première fois lors d’élections locales en Hongrie, les étrangers résidents officiellement dans le pays et munis de la carte de résidence (lakcímkártya) avaient le droit de vote. Ils sont au nombre de 140 000 à l’échelle du pays, dont 90 000 dans la capitale, et sont pour la plupart des ressortissants d’autres pays de l’Union européenne.
703 606 des 1 367 945 d’électeurs inscrits sur les listes à Budapest ont pris part au vote, soit 51 %. Parmi eux, 353 593 (51%) ont choisi Gergely Karácsony et 306 608 (44 %) Istvan Tarlos. Il y a donc eu 46 985 voix d’écart entre les deux principaux concurrents.
Le LA a été donné par Lajos Kósa, l’un des vice-présidents du Fidesz, qui au lendemain de l’élection, affirmait sur la chaîne M1 de la télévision publique que ce sont les votes des étrangers qui ont fait pencher la balance. Ses allégations ne peuvent pas être étayées, puisque nul ne sait, ni ne saura, combien d’entre eux ont effectivement voté, ni pour qui.
Mais elles sont hautement fantaisistes. Pour faire élire le candidat de l’opposition unie, il aurait fallu que les étrangers votent autant que la population générale et que tous ces votants se portent sur M. Karácsony. Or, s’il est vraisemblable qu’une majorité des étrangers penche plutôt vers ce candidat, on sait en revanche que l’abstention est généralement beaucoup plus importante dans cette sous-population que dans la population générale, du fait de sa plus grande mobilité.
Le journal 168 óra en apporte une illustration parlante : dans le district électoral 115 de Újbuda, dans le 11e arrondissement, connu pour être habité essentiellement par des non-Hongrois, pas le moindre des 1 376 votant inscrits ne s’est présenté au bureau de vote.
Toutefois, Viktor Orbán ne verse pas dans ce discours
En présentant ces citoyens étrangers comme des gens « peu réceptifs aux impulsions nationales » et « qui ne comprennent pas » ce qu’il se passe dans leur pays d’accueil, Lajos Kósa a semblé considérer leur droit de vote comme illégitime. Mais surtout, il relance une thèse ancienne du Fidesz, selon laquelle son pouvoir est menacé par des forces étrangères hostiles, mais en franchissant une nouvelle étape : c’est la première fois que le parti s’en prend aux étrangers vivants en Hongrie.
En revanche, le Premier ministre Viktor Orbán n’a pas fait mention, ni la moindre allusion, au vote des étrangers dans la capitale, dans ses interventions depuis dimanche. La décision du peuple de Budapest doit être acceptée, a-t-il déclaré, et le gouvernement honorera les contrats passés avec la ville. « Budapest a connu une époque Demszky, puis une époque Tarlós et maintenant les gens ont décidé que quelque chose de nouveau devait suivre« . Les gens ont voté en faveur de Gergely Karácsony dans l’espoir qu’il soit un meilleur dirigeant pour la ville, a déclaré Orbán. « Mon travail consiste à lui donner une chance et à lui fournir les conditions nécessaires ».