Au Sud-Est de la Hongrie à Makó, une équipe de grands-mères a décidé de créer un camp d’été gratuits pour les enfants qui ne peuvent pas partir en vacances. Reportage.
Reportage publié le 22 juillet 2018 dans Abcúg sous le titre « Pótnagymamákat kaptak a rászoruló gyerekek ». Traduit du hongrois par Ludovic Lepeltier-Kutasi. |
Lorsque nous arrivons, les enfants sont juste en train de manger leurs tartines de beurre et de saucisson en guise de petit déjeuner. Nous sommes au camp de vacances gratuit des grand-mères de substitution qui se tient dans l’ancien immeuble des pompiers de la petite ville de Makó, dans le département de Csongrád. Margó, Mária et Erzsébet sont trois grand-mères qui ont décidé de consacrer leur été à aider les enfants du coin dans le besoin.
Madame Pál Bakacsi, surnommée « tata Margó » dans toute la ville, confectionne des beignets depuis six ans pour les enfants pauvres. Il y a quatre ans, son petit-fils lui a donné l’idée d’ouvrir un camp d’été pour eux. « Mamie, il y a tellement d’enfants et tellement de grand-mères ! Pourquoi vous ne faites pas un camp gratuit pour les enfants ? », nous raconte Margó en éclatant de rire. Elle a pris contact avec tous les directeurs d’école de Makó, pour qu’ils lui envoient 20 enfants par établissement, soit au total une centaine de gamins âgés de moins de huit ans. Les directeurs se sont concertés avec les enseignants pour déterminer quels étaient ceux qui n’avaient pas accès, selon eux, à des camps de vacances.
Tout ce qui est distribué dans le camps provient de dons : la collectivité locale fournit les locaux et la nourriture, le charcutier local donne le beurre et la charcuterie, le primeur distribue la pastèque, les vendeurs du marché les lángos, tandis que les sucreries proviennent des plus gros magasins. Les entrepreneurs du coin aident volontiers Margó, bien connue pour avoir tenu un restaurant pendant quarante-six ans. Elle a toujours aimé aider les gens, ainsi par exemple en mars dernier elle a cuisiné 650 soupes de goulache aux personnes dans la pauvreté. Elle a même été désignée l’an dernier comme la personnalité de l’année et le maire en personne lui a confié qu’il aurait été incapable d’organiser comme elle ce camp d’été.
Le thé est prêt à six heures du matin
C’est comme si les enfants participant au camp passaient leurs vacances chez leurs grand-mères : ils mangent énormément de bonbons et passent leurs journées à jouer, sauf quand un programme est organisé. Après le petit-déjeuner, les 22 enfants quittent immédiatement leurs tables pour aller dans la cours de récréation, tandis que les dames commencent à nettoyer les restes de nourriture. Le jeu le plus populaire c’est le trampoline, qui a été cédé gratuitement par une fondation.

Tout le monde fait la queue pour pouvoir l’utiliser, car seuls six enfants peuvent s’en servir en même temps. Ceux qui ne sautent pas peuvent jouer au football ou bien jouer à des jeux de société dans le hangar. Les grand-mères nous disent qu’il n’y a pas d’enfants turbulents. Tandis que Margó et Mária rangent la cuisine, Erzsébet prend en charge les gamins qui viennent tous la voir pour pouvoir aussi profiter du trampoline.
« Je suis tellement heureuse quand les enfants me font la fête quand ils me croisent dans la rue »
Le camp est ouvert de huit heures du matin à trois heures de l’après-midi, mais Madame Ferenc Szamejev – dit « tata Marika » – arrive tous les jours à six heures pour préparer douze litres de thé, qui auront ainsi le temps de refroidir avant que les enfants arrivent. Mária a 73 ans, elle est à la retraite, mais elle dit qu’elle n’est pas du genre à rester les bras croisés chez elle. Elle connait Margó depuis des années et ça fait quatre ans qu’elle a été la voir pour lui proposer ses services au sein du camp. Depuis ce temps, elle n’a jamais manqué un seul été ici.

« Je suis venue avec plaisir, parce que mes petits-enfants vivent en partie ici et en partie à l’étranger, du coup ça me permet de pallier un peu leur absence. J’aime être active, aider. Alors quoi, je devrais rester assise chez moi ? Non, ce n’est pas mon genre. Je suis tellement heureuse quand les enfants me font la fête quand ils me croisent dans la rue, criant « tata Marika ». C’est ma meilleure récompense », nous raconte Mária en retenant ses larmes. Comme toutes les autres grand-mères de substitution, les enfants l’appellent « mamie », mais une attention particulière est portée au fait que ces derniers ne s’attachent pas trop, car sinon les adieux sont trop difficiles à la fin de la semaine.
La plupart de ces grand-mères de substitution sont issues du cercle d’amies de Margó, mais aussi du club de personnes âgées. Quant à Madame József Fekete, c’est son fils qui a attiré son attention sur l’existence du camp. Erzsébet – de son prénom – a également l’âge d’être à la retraite, mais elle travaille encore à mi-temps comme assistante du médecin du centre thermal. Vu qu’elle a déjà quatre petits-enfants, elle s’est proposée de bon cœur pour aider à l’organisation.

Ils auront au moins à dîner à la maison
Plusieurs programmes non-obligatoires sont proposés pour les enfants le matin comme l’après-midi. Lors de notre visite, c’était des policiers et des ambulanciers qui tenaient une petite conférence sur les risques d’accidents estivaux. Ils ont ensuite posé des questions aux enfants, sans se rendre compte tout de suite que Margó leur soufflait la bonne réponse depuis le fond de l’estrade. A la fin de la présentation, les enfants ont pu s’essayer à la réanimation, mais aussi regarder de près la voiture de police.


On leur a également déjà organisé des séances de pétrissage de pâtes, durant lesquelles les grand-mères s’occupaient de la préparation de base tandis que les enfants s’essayaient à faire des petites boules. Après avoir mis les brioches au four, les enfants ont pu récupérer le reste de pâte pour le ramener chez eux. Les petits ont aussi appris la couture, le crochet, la broderie ; ils ont pu participer à une séance de gymnastique à laquelle ont aussi pris part les grand-mères. La cerise sur le gâteau a été Molly, un chien d’aveugle ramené par le propriétaire de l’animalerie pour faire une petite démonstration.

« J’aurais aimé que des gens s’occupent d’eux sans pour autant prendre tout leur temps. Ici on ne fait pas école, ce sont les jeux et les enfants qui sont au centre de tout », explique Margó, avec qui nous avons du mal à échanger à chaque fois plus d’une phrase, tant elle est prise par l’organisation et les sollicitations incessantes.
Il est difficile de prendre les enfants à part pendant qu’ils jouent, mais nous parvenons néanmoins à parler avec quelques uns d’entre eux, entre deux sauts de trampoline. Ils nous disent qu’ils sont beaucoup attachés au camp, qu’ils aiment venir ici mais que le moment du repas n’est pas bien, car trop ennuyant.
Au-delà du fait que le camp des grand-mères de substitution est gratuit, les enfants dans le besoin ne repartent jamais chez eux les mains vides. Avant son ouverture, les grand-mères ont amassé beaucoup de vêtements pour eux, tandis que Margó tient à ce que la nourriture qui leur est préparée n’aille pas à la poubelle. Pour Erzsébet, « Margó connait la situation sociale de chaque enfant et s’il reste un peu de brioche, du pain, alors elle le donne à ceux qui en manquent le plus. Dans ces moments-là, les enfants sont contents car ils auront de quoi dîner à la maison ».

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