La Hongrie a (entr)ouvert ses portes à 1 300 réfugiés l’année dernière. Une information révélée malencontreusement qui est bien embarrassante pour Viktor Orbán, le pourfendeur de l’immigration et du multiculturalisme.
Quand les Hongrois découvrent que leur pays accueille des réfugiés – « Envahisseurs musulmans », « poison migratoire », « migrants–terroristes »… Noyé dans le flot de cette rhétorique xénophobe entendue sur les bords du Danube ces trois dernières années, les Hongrois étaient loin de s’imaginer que, dans le même temps, leur gouvernement (entre)ouvrait les portes du pays à des demandeurs d’asile afghans, irakiens et syriens. La Hongrie a pourtant bel et bien accordé une protection internationale à 508 personnes en 2015, 432 en 2016 et 1 291 l’année dernière.
C’est un sous-secrétaire d’Etat qui a fait cette confidence, plus tôt ce mois de janvier, dans le journal The Times of Malta, expliquant que c’est par soucis de sécurité à l’égard des réfugiés que son gouvernement taisait cette information. Elle n’avait du reste rien de secret puisque les chiffres étaient consultables tout ce temps sur les sites internet du Bureau de l’Immigration et du Bureau des statistiques. Mais le gouvernement et ses puissants relais médiatiques s’étaient bien gardées de mettre la lumière dessus, pour la simple raison que Viktor Orbán a fait de la question migratoire l’alpha et l’oméga de son mandat et de sa stratégie électorale ultra-droitière pour les élections législatives en avril.
Viktor Orbán a fait de la question migratoire l’alpha et l’oméga de son mandat et de sa stratégie électorale ultra-droitière pour les élections législatives en avril.
Orbán sommé de s’expliquer
Il n’en fallait pas plus aux adversaires du Fidesz pour saisir cette trop belle opportunité d’attaquer le pourfendeur de l’immigration et du multiculturalisme, ainsi pris en flagrant délit de duplicité. Le parti d’extrême-droite Jobbik – qui prône une politique d’immigration encore plus dure que celle du Fidesz -a été le plus prompt à réagir : « Au cours des trois dernières années, Viktor Orbán a généré une hystérie collective dans la société hongroise sur la question des migrations, dépensant 71 millions d’euros pour une campagne référendaire et une consultation nationale contre l’installation forcée des migrants. Et il fait aujourd’hui comme si de rien n’était ! ».
« Viktor Orbán a généré une hystérie collective dans la société hongroise »
Mais les opposants du Fidesz ont ajouté à leurs critiques une bonne dose de mauvaise foi. En effet, le Jobbik comme le Parti socialiste (MSzP) ont volontairement amalgamé le plan de la Commission européenne et le système d’asile hongrois. Car il se trouve que, par le plus grand des hasards, 1 300, c’est le nombre exact de demandeurs d’asile que la Hongrie s’obstine à refuser d’accueillir via le système des quotas européens de relocalisation depuis la Grèce et l’Italie. « Le gouvernement qui prétend se battre contre la réinstallation européenne des demandeurs d’asile a secrètement relocalisé des réfugiés, loin des yeux de l’opinion publique », s’est offusqué – mais à tort – le parti socialiste (MSzP).
Ces deux principaux adversaires, le Jobbik (extrême-droite) et le Parti socialiste, veulent sommer le premier ministre de s’expliquer lors d’une session parlementaire spéciale, laquelle devrait se dérouler au mois de février.
Une loi « Stop Soros » pour détourner l’attention ?
Quoiqu’il en soit, quotas ou non, 1 300 réfugiés ont bel et bien trouvé un toit en Hongrie l’an dernier. Comme a par exemple dû le concéder face aux journalistes le maire Fidesz de Miskolc, la troisième ville du pays. S’il avait lu le kit de communication de crise envoyé aux élus du Fidesz – ironise la chaîne d’info HirTV – il aurait su leur répliquer que 90% de ces réfugiés ont de toute façon déjà fui la Hongrie et son système d’asile en lambeaux. Ce qui du reste est vrai car, comme le souligne l’ONG Comité Helsinki pour Le Courrier d’Europe centrale, « le gouvernement ayant annulé toute sorte d’aides, la plupart de ces réfugiés seraient condamnés à la rue et à la misère en Hongrie ».
Le Fidesz se trouve en fâcheuse posture, car sa communication avait dépassé de loin le cadre des quotas européens, Viktor Orbán allant jusqu’à encourager publiquement des maires à s’opposer à l’accueil de familles de réfugiés pourtant protégés par la Hongrie. Sans doute dans le but de mettre fin à ce rare moment de flottement, son gouvernement a dévoilé jeudi dernier un projet déjà évoqué et qu’il conservait dans ses tiroirs : un paquet de lois destinées à lutter contre les organisations « qui menacent la sécurité de la Hongrie en organisant l’immigration clandestine ». Il s’agit d’une nouvelle législation abondamment promue par le pouvoir sous le nom accrocheur de paquet « Stop Soros ! ». Celui-ci prévoit de taxer une partie des fonds étrangers qui arrivent dans leurs caisses pour les réinvestir dans la protection des frontières, ou encore de bannir les militants des ONG des espaces frontaliers, voire de tout le territoire hongrois s’ils sont étrangers. Ces organisations incriminées ont rétorqué que cela « n’atteint pas des « partisans de l’immigration clandestine » mais des associations et des fondations qui jouent un rôle social important ».
Photo : Juillet 2015 dans le département de Csongrád (@Le Courrier d’Europe centrale).