De nombreuses manifestations ont été organisées hier soir pour soutenir la grève des enseignants polonais, démarrée lundi dernier. Un comité a été constitué ce jeudi afin d’alimenter un « fonds de grève » en faveur des personnels mobilisés. Plus de deux millions de złotys ont été collectés en trois jours.
Plus de deux millions de złotys ont été collectés depuis jeudi par un comité de soutien aux enseignants polonais en grève, a dévoilé le site d’information Polityka. Cette somme (près de 530.000 euros) va continuer d’être abondée puis sera versée sur un « fonds de grève » constitué par le Syndicat des enseignants (ZNP) pour les personnels non syndiqués.
Paula et Marcin Bruszewscy ont versé 108000 złotys (25000 euros) au fonds de grève, soit 18 années d’allocation familiale pour leur deuxième enfant. « Nous avons décidé de dépenser cet argent car nous ne pouvions imaginer un meilleur investissement dans l’avenir de nos filles que le soutien à des enseignants soucieux de l’éducation du XXIe siècle. Chers enseignants, n’abandonnez pas, nous sommes avec vous ! », ont-ils notamment écrit sur Facebook.
« Si nous voulons être une société solidaire, soutenons-nous les uns les autres », « Ma famille va aider, je sais que chaque centime compte, et le Polonais peut le faire », « La grève des enseignants devrait être poursuivie. Les gens paient des impôts et s’attendent à ce que l’État fonctionne efficacement », ont rédigé de leurs côtés de nombreux lecteurs d’OKO.press, après un appel à témoignage. « Chers enseignants ! Je vous ai soutenus et je continuerai à vous soutenir », a déclaré pour sa part l’ancien président de la république Lech Wałęsa, auteur d’un don d’un millier de złotys (250 euros).
La réglementation polonaise sur le droit de grève est particulièrement restrictive : l’employeur ne verse en effet que les cotisations de retraite et de santé, mais suspend la rémunération durant la période de cessation de travail. Selon le président du syndicat ZNP Sławomir Broniarz, les enseignants qui protestent perdraient ainsi environ 100 złotys (25 euros) par jour de grève.
Si les syndicats disposent déjà d’une cagnotte pour leurs adhérents, la grève pourrait en revanche avoir à terme un coût particulièrement élevé pour les autres, surtout si elle dure dans le temps. Pour amortir cet impact, plusieurs municipalités tenues par l’opposition avaient annoncé au début du mois mettre en place des mesures pour compenser ce manque à gagner.
#WspieramyNauczycieli
Le comité de soutien aux enseignants en grève a organisé hier soir de nombreuses manifestation de solidarité sous le slogan #WspieramyNauczycieli (« nous soutenons les profs ») dans plusieurs villes du pays.
Le mouvement de cessation de travail entamé lundi de dernier semble, de façon générale, rencontrer un écho favorable au sein de la société polonaise. Selon les résultats d’un sondage Kantara révélés ce matin par Gazeta Wyborcza, la grève est appuyée par une nette majorité de citoyens – 53% -, tandis que 43% s’y opposent. 57% des Polonais sont par ailleurs favorables à une augmentation de 30% de la rémunération des enseignants.
De nombreuses personnalités du monde culturel et universitaire ont également pris position en faveur des grévistes. Les organisateurs du comité de soutien ont reçu la bénédiction du réalisateur Paweł Pawlikowski, de la réalisatrice Monika Strzępka, de l’écrivaine Olga Tokarczuk ou de scientifiques de renom comme l’historien Andrzej Friszke, le physicien Łukasz Turski, l’historienne Maria Janion, l’essayiste Marcin Wicha, la philosophe Halina Bortnowska ou encore le linguiste Jerzy Bralczyk.
Demande de revalorisation salariale
Avec une croissance moyenne de 3,3 % par an depuis 2013, un taux de chômage passé de 10 à moins de 5 % sur la même période et une augmentation du salaire moyen de 17 %, l’économie polonaise semble bien se porter. Malgré cela, les enseignants et les infirmières émargent autour de 2 400 złotys (554 euros) quand le salaire minimum est de 2 000 złotys et le salaire moyen dans le secteur privé au-dessus de 4 000 złotys brut, y compris pour des postes soumis à des contraintes horaires moins lourdes.
Les chiffres de l’OCDE confirment que, parmi les pays de cette organisation, seuls les profs hongrois, tchèques, slovaques et lituaniens ont des rémunérations inférieures à eux. Pour compenser ces inégalités criantes, les syndicats enseignants – ZNP et FZZ – réclament une revalorisation salariale d’au moins 1 000 złotys.
La chaîne de télévision publique TVP Info a beau faire valoir que « plus de la moitié des écoles ne sont pas en grève », la grève nationale des enseignants qui a débuté lundi matin est massive. Selon les données du ministère de l’Éducation, 48,5 % des établissements scolaires de la maternelle au secondaire avaient gardé portes closes lundi à mi-journée. Le syndicat des enseignants ZNP estime que ces chiffres sont minorés et parle lui de 80% d’établissements en grève et de 600 000 enseignants.
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