La Hongrie et l’Allemagne étaient réunies lundi à Sopron lors du 30e anniversaire du pique-nique paneuropéen, symbole de l’ouverture du rideau de fer et prélude à la réunification allemande.
La chancelière allemande n’avait plus mis les pieds en Hongrie depuis plus de quatre ans. Sa dernière visite à Budapest remonte au mois de février 2015 et sa relation avec Viktor Orbán était alors déjà fortement entamée. La veille, plusieurs milliers de manifestants hongrois avaient pressés la dirigeante allemande d’agir contre les errements démocratiques de son homologue. Puis, le déclenchement de la crise migratoire dans les mois suivants avait durablement abîmé les relations hungaro-allemandes, le gouvernement hongrois tenant la chancelière pour responsable de l’afflux de migrants en Europe.
Mais la crise migratoire est derrière et il n’y avait plus l’ombre d’une polémique en vue ce lundi à Sopron, pour célébrer l’ouverture du rideau de fer par la Hongrie il y a trente ans lors du « pique-nique paneuropéen ». La frontière entre la Hongrie et l’Autriche avait été symboliquement ouverte le temps de quelques heures lors de cet évènement le 19 août 1989, permettant à un peu plus de six cents citoyens de l’Allemagne de l’Est de « passer à l’Ouest ».
Le pique-nique paneuropéen, « une sérieuse fissure de plus dans le Mur de Berlin »
Une « relation spéciale » entre la Hongrie et l’Allemagne, née de « nos défaites communes au XXe siècle ».
La chancelière allemande et le Premier ministre hongrois se sont réunis lundi matin à Sopron, la ville frontalière avec l’Autriche, en s’inscrivant dans les pas de leur mentor politique à tous les deux, Helmut Kohl. L’ancien chancelier a en effet toujours valorisé le rôle de la Hongrie dans la réunification allemande et la fin de l’ordre bipolaire. « Le sol sur lequel repose la porte de Brandebourg est hongrois », avait-il déclaré le jour de la réunification allemande.
Angela Merkel, l’Est-allemande, et Viktor Orbán, ont assisté à une messe et pris la parole au sein de l’église évangélique de Sopron, suivie d’une rencontre bilatérale et d’une conférence de presse. Viktor Orbán a déclaré que les Hongrois soutenaient encore plus la réunification de l’Allemagne que les Allemands eux-mêmes, puisque les Hongrois avaient toujours su qu’une Allemagne unie était le seul moyen pour la Hongrie d’accéder un jour à l’OTAN et à l’UE. Il a évoqué la « relation spéciale » entre la Hongrie et l’Allemagne, née de « nos défaites communes au XXe siècle » et rappelé la « douleur infinie » de la déportation des Allemands de Sopron après la seconde guerre mondiale. En guise de conclusion, Viktor Orbán a affirmé que « l’Europe a été réunie parce que nous y avons cru, et cette unité de l’Est et l’Ouest sera préservée si nous continuons d’y croire ».
Une critique inoffensive de la politique migratoire hongroise
Comme la veille lors de sa visioconférence hebdomadaire, Angela Merkel a remercié la Hongrie pour son rôle dans la réunification allemande. « Les Allemands se souviennent avec une grande reconnaissance de ce que la Hongrie a fait pour surmonter leur division », a-t-elle déclaré lors de sa prise de parole dans l’église. Le pique-nique est devenu, selon elle, un symbole de l’aspiration à la liberté et signifie que cette liberté ne peut être réalisée qu’ensemble. Elle a adressé sa reconnaissance aux garde-frontières hongrois qui n’ont pas tiré sur les réfugiés Est-Allemands qui tentaient de fuir en Autriche.
Alors que l’ombre des barbelés qui se dressent depuis 2015 à la frontière méridionale de la Hongrie, pour barrer la route aux migrants en provenance du Moyen-Orient, planait quelque peu sur les commémorations, Angela Merkel a adressé une légère critique au gouvernement hongrois : « parfois nous devons dépasser nos propres ombres pour assumer nos responsabilités communes envers l’Europe et le monde. Les réfugiés venant de zones de guerre, cherchant refuge ici, nous rappellent l’importance de lutter contre les raisons qui les ont poussés à fuir ».
Viktor Orbán balaie ainsi la contradiction entre l’ouverture du rideau de fer en 1989 et la construction d’une clôture en 2015 : en se verrouillant contre les migrants, la Hongrie protège l’espace de libre-circulation de Schengen. « L’ouverture des frontières de 1989 et la protection de ces frontières aujourd’hui sont les deux faces d’une même pièce. Nous nous battions pour la liberté de l’Europe et maintenant nous protégeons cette liberté », expliquait-il dès 2016 devant le parlement allemand.