Le Groupe de Visegrád élargi pour l’occasion à l’Autriche est rassemblé ce jeudi à Budapest, sans doute pour peser de tout son poids en faveur d’une politique migratoire européenne intransigeante, en amont du Conseil européen des 28-29 juin.
« Un pour tous et tous pour un !« . Réunis ce jeudi dans le grand Bazar au bord du Danube sous le château de Buda, les quatre premiers ministres ne feront probablement pas mentir le slogan du « V4 » affiché dans les rues de la capitale hongroise. Peter Pellegrini le Slovaque, Viktor Orbán le Hongrois, Mateusz Morawiecki le Polonais et Andrej Babiš le Tchèque, ont l’intention de faire peser leur alliance de tout son poids lors du Conseil européen des 28 et 29 juin, qui s’annonce crucial pour la politique migratoire européenne. Le chancelier autrichien Sebastian Kurz, coalisé avec le FPÖ d’extrême-droite, sera lui aussi de la partie.
De Prague à Bratislava et de Varsovie à Budapest, il y a consensus pour considérer l’immigration d’origine extra-européenne comme un risque sécuritaire ; le multiculturalisme comme un modèle ouest-Européen qui a failli et qui leur est imposé par d’anciens pays coupables d’avoir colonisé ; et les quotas de répartition des demandeurs d’asile comme une atteinte à leur souveraineté nationale. Selon elles, les frontières extérieures de l’Union européenne doivent être étanches et la gestion des demandeurs d’asile doit se régler en dehors du territoire européen.
Opposants de la première heure à la politique migratoire de Berlin, le désormais fameux « Groupe de Visegrád » voit enfin son heure venir. L’arrivée de formations nationalistes au pouvoir en Autriche à l’automne dernier et en Italie au printemps a changé la donne. L’axe de pays hostiles à l’immigration – que leur tête de file, Viktor Orbán, appelle de ses vœux depuis des mois – prend forme de l’Italie à l’Europe centrale en passant par l’Autriche et la Bavière. C’est d’ailleurs le Bavarois de la CSU, l’actuel ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer, soutien inconditionnel de l’intransigeance de la Hongrie et de la clôture « anti-migrants » qu’elle dressée à sa frontière méridionale, qui pourrait porter l’estocade contre la chancelière allemande, jugée trop laxiste.
Orbán, fils spirituel de Kohl ?
Le bras de fer qui se joue au Parti populaire européen (PPE) entre une ligne Merkel et une ligne Orbán pourrait tourner à l’avantage de ce dernier. Lors d’une interview télévisée le 10 juin, la chancelière a fait une concession lourde de sens en déclarant que « la Hongrie a une frontière européenne avec la Serbie, c’est pourquoi, d’une certaine façon, elle fait le travail pour nous« . L’on a également appris mercredi qu’Angela Merkel recevra le dirigeant hongrois au début du mois de juillet à Berlin, lors d’un voyage officiel de trois jours en Allemagne.
Ce revirement qui se dessine à Berlin est une véritable claque pour les détracteurs européens de Viktor Orbán, mais encore plus pour ses opposants en Hongrie. Ceux-ci attendaient désespérément de la chancelière allemande qu’elle désavoue la politique nationaliste et autoritaire en vigueur à Budapest, en excluant le Fidesz du PPE. Son chef de groupe au parlement européen, Manfred Weber, avait pourtant mis en garde le Fidesz contre l’adoption d’une législation s’en prenant aux organisations civiles – telle qu’Amnesty International – qui viennent en aide aux demandeurs d’asile. Ce qui n’a pas empêché le parlement hongrois de voter ce mercredi cette loi très controversée et critiquée notamment par l’ONU, qui criminalise l’aide aux demandeurs d’asile et prévoit des peines allant jusqu’à un an d’emprisonnement.
Très contesté jusqu’au sein de la plus grande formation européenne mais sûr de son fait, Viktor Orbán s’est même payer le luxe de menacer le PPE de prendre la tête d’un nouveau mouvement paneuropéen anti-immigration pour les élections européennes l’an prochain, si celui-ci faisait le choix d’un « front anti-populiste« , au lieu d’une « renaissance démocrate chrétienne« . « Nul doute que nous aurions un grand succès en 2019″, a-t-il affirmé. C’était lors d’un hommage rendu samedi 16 juin à Helmut Kohl, dont il était très proche. Celui qui se pose en héritier européen de l’ancien chancelier allemand pourrait bien contribuer à avoir la peau de la chancelière actuelle…
Ndlr : Cet article a été publié par le même auteur le 21 juin dans le journal La Libre Belgique sous un titre différent.
Le gouvernement de Kurz en Autriche, du sur-mesure pour Orbán