Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a dénoncé une « chasse aux sorcières » contre la Pologne lors du sommet européen de deux jours, marqué par le conflit ouvert entre Varsovie et les institutions européennes.
Une « chasse aux sorcières politique est en cours en Europe contre la Pologne mais la justice est du côté des Polonais », a déclaré le Premier ministre Viktor Orbán aux journalistes à son arrivée au sommet de l’UE à Bruxelles jeudi.
L’UE n’a aucun droit dans les domaines où les pays n’ont pas transféré d’autorité à l’UE, a-t-il déclaré, ajoutant que ces questions appartiennent aux constitutions et aux tribunaux nationaux de la Pologne et d’autres États membres. « Une expansion rampante des sphères d’autorité se poursuit et elle doit être arrêtée. Les Polonais ont eu le courage de lancer ce combat. Nous sommes à leurs côtés », a déclaré Orbán.
Le même jour, Gergely Gulyás, chef du cabinet du Premier ministre a attaqué la politique de l’UE sur l’énergie et les migrants et s’est rangé du côté de la Pologne dans son différend avec la Commission européenne.
Concernant la décision de la Cour constitutionnelle polonaise selon laquelle la constitution du pays a préséance sur le droit de l’UE, Gulyás a déclaré que les différends sur le droit national et européen n’étaient pas nouveaux et que la primauté du droit de l’UE n’est pas inscrite dans les traités.
Selon lui, les Cours constitutionnelles française, tchèque et espagnole avaient précédemment décidé que le droit de l’UE doit être en harmonie avec la souveraineté nationale et que l’identité constitutionnelle nationale ne peut être limitée. L’« attaque contre les Polonais » est une preuve évidente d’un deux poids deux mesures en Europe et que seules les personnes qui représentent une position fédéraliste peuvent s’exprimer, a-t-il déclaré.
Samedi 23 octobre, jour de fête nationale en Hongrie, de plusieurs centaines à plusieurs milliers de Polonais, partisans du PiS, sont attendus à Budapest pour applaudir le discours de Viktor Orbán. Leur voyage en train et en bus est organisé par le club des lecteurs du magazine d’extrême-droite Gazeta Polska. Nul doute que le dirigeant hongrois ne manquera pas de faire honneur au bon vieux dicton selon lequel « le Polonais et le Hongrois sont deux bons amis, à l’épée comme au verre ».
Une version centre-européenne de l’État de droit ?
Les nationaux-conservateurs polonais et hongrois défendent même l’idée qu’il existe un État de droit à la sauce centre-européenne. « La confusion conceptuelle autour de l’État de droit montre que la voix de la région d’Europe centrale est encore peu audible », estime la ministre hongroise de la Justice, Judit Varga.
Pour y remédier, les deux pays ont annoncé, il y a un an, la création d’un Institut de droit comparé et d’un réseau universitaire, chargés de « présenter une alternative nationale, conservatrice et chrétienne-démocrate crédible à la direction libérale et fédéraliste ».
Concrètement, il s’agit de fournir des munitions juridiques aux deux gouvernements, sur des sujets tels que la protection des familles, l’application des droits fondamentaux en Europe, ou encore la place des minorités.
Après une rencontre avec son homologue polonais fin septembre 2020 à Varsovie, le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó, s’est montré moins diplomate : l’objectif de la manœuvre est de passer au crible les pratiques dans les autres pays de l’Union pour débusquer d’éventuels « deux poids deux mesures ». « Le but, a-t-il déclaré, c’est d’arrêter des pris pour des imbéciles. On a servi de punching-ball à certains politiciens d’Europe occidentale depuis trop longtemps ».