Une rencontre entre Orbán et Poutine à Moscou qui sentait très fort le gaz

Augmenter les livraisons de gaz à la Hongrie « ne devrait pas poser de problème », a déclaré Vladimir Poutine lors de sa rencontre avec Viktor Orbán, mardi à Moscou, sur fond de crise diplomatique internationale.

Capture d’écran d’une vidéo de la conférence de presse le 1er février 2022 à Moscou.

En pleine tempête internationale causée par les manœuvres militaires agressives de la Russie aux frontières ukrainiennes, Viktor Orbán a réussi à obtenir ce pour quoi il était venu, mardi 1er février à Moscou : un deal gazier qui va lui permettre de poursuivre sa politique énergétique de bas tarifs, son cheval de bataille pour les élections législatives du 3 avril.

Cette 12e rencontre depuis 2010 entre les dirigeant hongrois et russe n’a pas dérogé à la règle : précédée de vives critiques internationales, Orbán et Poutine se sont appliqués à mettre en avant les relations bilatérales russo-hongroises, meilleures que jamais selon le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó.

L’objectif premier de la visite affiché par la partie hongroise : obtenir des livraisons de gaz naturel plus généreuses encore que celles négociées au mois de septembre.

Le 1er octobre 2021, Gazprom a commencé à fournir du gaz à la Hongrie dans le cadre d’un contrat à long terme, signé le 27 septembre, via le gazoduc Balkan Stream (une extension du Turkish Stream) qui contourne l’Ukraine, ce qui avait provoqué la fureur de cette dernière.

Nous voulons augmenter d’1 milliard supplémentaire les 4,5 milliards de mètres cubes de gaz provenant de Russie chaque année que le gouvernement a conclu dans un contrat de 2021, pour créer une réserve de gaz plus musclée, a expliqué Orbán.

« Cela ne devrait pas poser de problème », lui a répondu Vladimir Poutine lors de la conférence à l’issue de discussions qui ont duré cinq heures. Les deux parties pourraient parvenir à un accord final en avril, selon Telex.

Orbán, qui s’est dit bien décidé à remporter les prochaines élections du 3 avril et à rester au pouvoir (« Honnêtement, je n’ai pas l’intention de partir »), avait ces échéances en tête : sans gaz russe, impossible de maintenir des prix de l’énergie actuels, qui sont parmi les plus bas en Europe, a-t-il développé.

Ces contrats à long terme permettent désormais à Budapest d’acheter du gaz russe à un prix imbattable, a déclaré Vladimir Poutine. « Aujourd’hui, la Hongrie achète du gaz russe cinq fois moins cher que le prix du marché en Europe », a-t-il affirmé.

D’autres projets bilatéraux

Outre le gaz, il était aussi question de plusieurs autres projets de coopération entre les deux pays : la construction de deux nouveaux réacteurs nucléaires de technologie russe à la centrale hongroise de Paks est imminente ; les Russes sont sur le coup pour participer à construire et financer une ligne ferroviaire traversant la Hongrie pour acheminer le fret chinois ; il est question de produire sur le sol hongrois les vaccins anti-Covid-19 Sputnik V (que la Hongrie est seule à inoculer dans l’UE) ; et un astronaute Hongrois devrait même être envoyé dans la Station Spatiale Internationale en 2025 via un projet de coopération spatiale russo-hongrois, quarante-cinq ans après le triomphe de Bertalan Farkas avec la mission Soyuz 36 !

L’Ukraine en dessert

Naturellement, les deux dirigeants n’ont pas pu faire complètement oublier le contexte de crise internationale provoqué par les manœuvres militaires agressives de la Russie aux frontières ukrainiennes.

Moscou attend de Washington qu’elle s’engage à ne pas étendre l’OTAN à l’Ukraine. Mais dans ses demandes formulées en décembre, le Kremlin exige aussi le retrait des troupes et des armes de l’OTAN des anciens pays du Pacte de Varsovie – dont la Hongrie – qui ont rejoint l’Alliance atlantique à partir de 1999.

Se disant « en mission de paix », Orbán a prôné le dialogue. « Chaque fois qu’il y a eu un conflit entre l’Est et l’Ouest, l’Europe centrale a toujours été perdante. […] Les Hongrois – et les centre-Européens en général – ont intérêt à ce que les tensions entre l’Est et l’Ouest s’apaisent, et à faire tout leur possible pour réduire ces tensions et empêcher un retour à la guerre froide ».

Toutefois, le Hongrois a raté son numéro d’équilibriste, tombant du côté de la Russie, lorsqu’il a considéré que « le monde entier a pu prendre connaissance des demandes de la Russie, et il est clair que la réponse apportée n’est pas satisfaisante ».

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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