Barbara Nowacka, figure de l’opposition de gauche et fondatrice du parti « Initiative Pologne », veut mettre fin aux « ingérences » de l’Église catholique dans la vie politique, et ambitionne rien moins que de séparer l’Église et l’État pour faire de la Pologne un État laïc.
Barbara Nowacka a choisi une date très symbolique, le 6 janvier, jour de l’Épiphanie, un jour férié en Pologne durant lequel on célèbre les Mages, pour faire son annonce lors d’une conférence de presse organisée devant la Diète. La célèbre militante pour le droit à l’avortement et fondatrice du parti de gauche Initiative Pologne (Inicjatywa Polska) va déposer à la Diète un projet de loi stipulant la séparation réelle de l’Église et de L’État en Pologne, une « première étape », selon elle, vers la création d’un État laïc.
Le projet de loi constitue, comme l’explique Barbara Nowacka, une réponse « aux nombreuses tentatives de l’Église catholique d’ingérence dans la vie politique ». Déjà au début du mois de décembre, elle avait critiqué le gouvernement et le Droit et Justice, mené à la baguette selon elle par l’Église et encore plus par l’influent rédemptoriste Tadeusz Rydzyk et son empire médiatique. « Nous n’acceptons pas que l’Église écrive des lois et influence des hommes politiques », a-t-elle déclaré.
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Extraire la religion des écoles publiques
Adam Ostaszewski, co-auteur du projet de loi, a indiqué pour sa part que le texte concerne avant tout la place de l’éducation religieuse dans les écoles publiques. Il mettrait fin au financement des cours d’éducation religieuse par L’État, qui occupent les élèves quelques 800 heures par an, soit plus que les cours de biologie, de géographie ou d’histoire, et coûte au contribuable 1,4 milliards de złotys (325 millions d’euros).
Selon la législation proposée, les catéchistes seraient financés par des associations religieuses, les cours de religion se dérouleraient hors des horaires scolaires, et les enfants ayant terminé l’école primaire décideraient eux-mêmes sur une base individuelle de poursuivre ou non leur éducation religieuse dans le système scolaire. Pour les auteurs du projet, il s’agit de faire de l’école polonaise une école laïque.
Mais le projet de loi va encore plus loin : il prévoit également la liquidation du Fonds Ecclésiastique financé par le budget de L’État. En outre, les ecclésiastiques auraient à payer leurs assurances directement de leurs revenus, comme tout autre citoyen, alors que c’est L’État qui assure les prêtres et les religieux à l’heure actuelle. Adam Ostaszewski calcule au totale une économie de 2 milliards de złotys environ pour le budget de L’État (465 millions d’euros).
Bien entendu, Initiative Pologne n’a aucune chance de faire adopter son projet par la Diète, la chambre basse du Parlement, dominée par les cléricaux-conservateurs du PiS. Mais cette initiative inédite a pour but d’ouvrir un débat dans la société polonaise sur le rôle de l’Église et la place de la religion. En parallèle, une pétition a été lancée « pour un État laïc » afin de récolter le plus grand nombre de signatures d’ici au 20 février. La Diète serait obligée de se saisir de tout projet de loi d’initiative citoyenne soutenu par au moins cent mille personnes.
Une autre personnalité de l’opposition, Robert Biedroń, ancien maire de la ville de Słupsk et militant pour les droits des homosexuels, compte aussi inclure la séparation de l’Église et de l’État, dans le programme du parti qu’il a créé en septembre dernier.