Le Centre Universitaire Francophone (CUF) compte près de trente étudiants en 2020, regroupant une vingtaine de nationalités différentes. La promotion de la diversité des cultures est au cœur du centre d’études. Rencontre avec le directeur de formation, Péter Kruzslicz, qui nous éclaire sur l’histoire, l’actualité et le devenir du CUF.
Depuis longtemps, la Hongrie a des liens rapprochés avec la francophonie dans des domaines scientifiques variés. Déjà sous l’empire austro-hongrois, l’Université de Szeged promouvait une ouverture internationale afin de diffuser et d’enrichir des idées dans un contexte général d’échanges. De nombreux professeurs émérites hongrois ont enrichi cette tradition et ont utilisé le français comme instrument de réflexion. C’est ainsi que cette petite ville du sud devint petit à petit la capitale hongroise de la francophonie.
Après l’épisode communiste, plutôt opposé à l’étude des sciences politiques, humaines et sociales en général, la francophonie est revenue d’emblée dans ces domaines spécifiques. Le français y trouve en effet une légitimité importante en termes d’ouvrages et de références. L’idée de réouverture nationale après les années 90 a permis une revitalisation des liens francophones, notamment dans le domaine de l’enseignement. L’Université de Szeged a été particulièrement impliquée.
Un projet récemment concrétisé
Les facultés de lettres, d’histoire, de philosophie, de droit et de sciences politiques de Szeged proposaient déjà quelques formations enseignées en français. Mais c’est à partir de 2012 que l’on a réformé ce système pour la création d’un Centre Universitaire Francophone (CUF) regroupant toutes ces thématiques. Il était dans l’intérêt des étudiants qu’ils obtiennent un double diplôme : à la fois hongrois et français.
C’est alors qu’en 2013 le CUF est inauguré à Szeged avec le soutien du ministre hongrois des Affaires étrangères de l’époque, János Martonyi, de la commissaire ministérielle aux Affaires francophones, Katalin Novák, et de l’ambassadeur de Hongrie à Paris, László Trócsányi. Il s’agit d’ailleurs du seul centre universitaire francophone en Hongrie, à Budapest se trouvent des centres interdisciplinaires et culturels.
Une petite ville pour un grand centre universitaire
Dans ses propres locaux, le CUF réunit une équipe mixte d’une vingtaine d’enseignants-chercheurs, venus de Hongrie et d’ailleurs. La petite ville de Szeged est devenue un véritable pôle universitaire d’excellence grâce à son ouverture sur l’extérieur et à son important réseau de coopération.
Le ressenti des étudiants est globalement partagé, malgré la situation sanitaire et une année particulière. La ville est plaisante grâce à sa petite taille et comprend une multitude d’étudiants internationaux. « La rencontre des cultures est quotidienne ici ! » nous dit l’un des étudiants en master. « Szeged est une ville multiculturelle dans laquelle je suis amené à parler tous les jours trois langues. C’est très enrichissant ! », nous dit un autre.

L’aspect régional est de plus en plus développé au CUF, notamment dans le domaine de la recherche avec l’Université Catholique de Louvain. Des États d’Europe centrale ont également des projets communs, comme la Roumanie avec l’Universitae Babes-Bolyai de Cluj. Des tables rondes, des universités d’été et autres séminaires sont régulièrement organisés.
Près d’une vingtaine de nationalités
Avec Sciences Po Lille et l’Université Senghor d’Alexandrie, le CUF propose des doubles diplômes dans le domaine des sciences politiques. Les masters en études européennes et en développement Europe-Afrique comprennent actuellement plus de la moitié des étudiants. « Le double diplôme me permet d’élargir mon champ d’analyse et de gagner en temps dans l’apprentissage », témoigne un étudiant. Les formations proposées sont donc tournées vers des réflexions actuelles et diverses. A côté de ces deux masters interdisciplinaires, un troisième est actuellement en projet avec l’Université de Limoges.
Du Burkina Faso, à la Tunisie, en passant par le Tchad, le Togo ou encore la Jordanie et la Biélorussie, la diversité nationale des jeunes est véritablement singulière. Il y a presque autant d’étudiants que de nationalités. Des bourses d’études sont nombreuses et permettent aux étudiants de se rendre sur place.
En Hongrie, comme dans les autres pays d’Europe centrale, ce n’est plus une langue mise en avant dans le système scolaire secondaire.
La visibilité du CUF est réelle depuis quelques années, tandis que la sélection est rude tant au niveau académique que linguistique. « Nous avons parfois 250 demandes pour 30 places en master », nous apprend Péter Kruzslicz. Le niveau élevé de la langue française est en effet un prérequis pour être sélectionné à une des formations du CUF. Cela explique pourquoi tant d’étudiants de langue maternelle ou d’éducation française y étudient.
Uniquement trois étudiants non-francophones ont pu intégrer ce centre universitaire cette année. Parmi eux, seuls deux étudiants sont hongrois. Une réalité que déplore Péter Kruzslicz, « il y a de moins en moins de francophones en Hongrie », dit-il. Or, il avoue ne pas pouvoir reculer devant le niveau de langue qu’exige le CUF dans ses formations. « Comme ce centre universitaire n’a pas pour vocation de promouvoir la langue française en tant que telle, mais d’enseigner en français, les étudiants doivent parler couramment la langue », poursuit-t-il. En Hongrie, comme dans les autres pays d’Europe centrale, ce n’est plus une langue mise en avant dans le système scolaire secondaire. L’anglais est largement privilégié dans toutes les filières, ce qui pénalise les jeunes qui souhaitent se tourner vers des formations en français, et ce, même pour une licence.
Malgré tout, le CUF reste attractif pour les étudiants internationaux. Selon un sondage, la plupart se destinent ensuite au secteur tertiaire, d’autres à des fonctions publiques et quelques-uns envisagent de poursuivre leurs études en doctorat. Même si cette année fut bouleversée pour des raisons sanitaires, ils ont pu suivre les cours en visioconférence. Ils sont d’ailleurs en train de terminer leurs derniers examens et entameront prochainement le semestre printanier, tandis que l’Université de Szeged est à son tour menacée par une restructuration.