En plein cœur de la capitale polonaise, un centre équestre pas comme les autres accueille les enfants en situation de handicap pour toutes sortes d’activités. Immersion dans un endroit peu commun, où chevaux et alpagas sont les thérapeutes.
(Varsovie, reportage) – L’endroit se trouve le long de la Vistule, à seulement dix minutes du tramway. La « Fondation pour les enfants » (Fundacja Pociechom) y propose des thérapies pour les enfants en situation de handicap. Située dans le quartier de Praga-Północ, l’un des plus modestes de Varsovie, c’est un endroit où tout est fait pour se sentir bien, nous explique Paweł Kołodziej, le fils du créateur de la fondation.
16 chevaux et 4 alpagas sont les sympathiques locataires de ces lieux qui accueillent des enfants en situation de handicap, qu’il s’agisse d’autisme, du syndrome d’Asperger, de Down, etc., pour des séances d’hippothérapies et d’alpacothérapie, avec respectivement le cheval et l’alpaga comme médiateur. Ce sont des thérapies accompagnatrices, qui doivent être combinées à d’autres et à un suivi médical. Chaque approche est différente en fonction des handicaps et des enfants, mais toutes visent la confiance en soi, souligne Paweł : « les alpagas sont très peureux, donc le moindre contact doit se faire dans le calme, ce qui demande beaucoup de concentration pour la moindre caresse, mais l’enfant est alors directement récompensé ».

Chaque geste est une victoire pour ces enfants, certains étant effrayés à la simple idée de se tenir à côté d’un tel animal. Paweł raconte l’histoire de ce jeune garçon arrivé en novembre dernier et qui a réussi à monter sur son cheval il y a quelques semaines. Sur le temps long, ces petites victoires se répercutent sur le comportement des enfants, qui devenus adultes agissent de façon bien plus apaisée. « Si vous me demandez si ça fonctionne, je répondrais oui, mais doucement, avec du temps et surtout combiné avec d’autres thérapies », sourit le jeune homme.
« Il peut juste s’agir de faire un puzzle dans l’enclos des alpagas » – Paweł, employé de la structure.
Chacun de ces animaux ont leurs particularités et n’ont pas été choisis au hasard. Les alpagas, par exemple, sont tous des mâles, moins caractériels que les femelles. On ne peut pas monter sur leur dos parce qu’ils sont trop fragiles, mais aussi moins impressionnants. « Il peut juste s’agir de faire un puzzle dans l’enclos des alpagas », comme cette jeune adolescente que nous croisons avec sa thérapeute, entourées d’Hector et Loczek, deux alpagas de l’établissement qui s’avancent vers nous à la recherche de friandises.
Pour ce qui est des chevaux, le dressage prend un peu plus de temps et ne correspond pas à tous les animaux : sur les 16 présents dans l’écurie, seuls 4 sont utilisés pour l’hippothérapie. Comme Rani, petite ponette baie qui a le matin même effectué une séance avec les enfants d’une école spécialisée. Les autres sont utilisés pour les cours classiques que le centre équestre dispense également, autant par choix économique que par volonté, comme l’explique Paweł qui croit sincèrement que « monter à cheval est bon pour tout le monde ! ». A condition d’avoir un bon cheval comme l’est Dinar, « le premier cheval que tous les enfants montent lorsqu’ils viennent ici », le meilleur professeur selon le jeune homme qui ne peut se rappeler un souvenir d’enfance sans le vieux cheval à ses côtés. En effet, lorsqu’une personne est sur le dos d’un cheval, 95 % de ses muscles fonctionnent et cette stimulation musculaire ne peut être ressentie qu’en pratiquant l’équitation. C’est la vraie différence entre l’alpacothérapie et l’hippothérapie.

Le seul établissement varsovien de ce type
La Fundacja Pociechom est le seul établissement varsovien à proposer un suivi de ce type et gratuit grâce à des programmes financés par le Fond d’Etat pour la Réadaptation des Personnes Handicapées qui œuvre pour l’insertion des personnes en situation de handicap dans la vie active. Ce Fond d’Etat finance des séances hebdomadaires de thérapies diverses pour accroitre l’indépendance (physique, psychique, sociale) des enfants en situation de handicap.
En fonction des besoins du bénéficiaire, la famille et la fondation se mettent d’accord pour proposer des thérapies adaptées parmi l’éventail proposé par l’établissement : hippothérapie, alpacothérapie, orthophonie, thérapie EEG-Biofeedback, méthode Good Start, thérapies sensorielles… C’est le cas de Lana, 9 ans qui vient ce jeudi, comme toutes les semaines depuis 3 ans avec sa maman pour suivre des séances d’hippothérapie et de thérapies sensorielles. Cette large palette permet d’accompagner au mieux l’enfant comme l’explique Paweł : « travailler avec des enfants handicapés requiert de s’adapter en permanence, de se demander ce dont l’enfant a besoin. Si on commence avec un cheval, mais que l’on se rend compte que les alpagas sont mieux pour l’enfant, alors on change ! ».
« Lorsque nous sommes arrivés, il n’y avait quasiment rien, qu’un endroit pour monter à cheval, nous avons tout construit de nos mains ».
Après des études de droit, le jeune homme a finalement rejoint cette année l’équipe de la fondation, composée de cinq thérapeutes et deux palefreniers, pour son plus grand bonheur. Il raconte avec passion l’évolution du centre équestre depuis son installation dans le quartier de Praga-Północ, en 2009 : « lorsque nous sommes arrivés, il n’y avait quasiment rien, qu’un endroit pour monter à cheval, nous avons tout construit de nos mains ». En 11 ans, deux écuries sont sorties de terre, plusieurs bâtiments pour accueillir les thérapies d’intérieur, mais aussi un terrain de jeux pour les enfants, un chapiteau pour monter à cheval lorsque la météo polonaise n’est pas clémente ou encore des espaces de repos, sorte de tables de pique-nique abritées par des auvents en bois. Une évolution qui doit beaucoup à l’investissement de volontaires ainsi que des employés, comme Ola, monitrices d’hippothérapie qui travaille à la fondation depuis 13 ans.

Un nouveau bâtiment, cofinancé par l’Union européenne et le gouvernement polonais, est d’ailleurs en construction, qui permettra d’accueillir plus d’enfants et dans de meilleures conditions. En plus de ces programmes de thérapie, la fondation a également mis en place d’autres projets : l’installation de ruches ou encore le Klub Młodzieżowy Podkowa, un programme social pour venir en aide aux enfants défavorisés du quartier varsovien. Le tout marqué par une forte sensibilité écologiste puisque le centre équestre est entouré de zones protégées, ce qui a permis le financement par le Fond Régional pour la Protection de l’Environnement et la Gestion de l’Eau, de panneaux explicatifs rédigés en polonais et en braille, sur les différentes espèces de plantes qui poussent autour du centre équestre.
Une ambition qui ne semble avoir qu’une seule limite : l’argent. En effet, si la fondation reçoit la majeure partie de ses revenues via les aides et les cours classiques, cela ne suffit pas pour s’agrandir, surtout avec une activité réduite de 30 % à 40 % à cause des mesures liées à la pandémie de Covid-19. S’il est possible en Pologne de soutenir une cause en reversant 1 % des impôts à un organisme, ce type de financement représente une part minime des revenus de la structure. « On ne parle pas assez de ce type de fondations en Pologne. Avec une plus grande visibilité, nous pourrions recevoir plus d’argent et accueillir plus d’enfants », dit Paweł. Pour autant, l’équipe ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : le père de Paweł, qui a fondé l’établissement, Piotr Kołodziej, envisage de doubler l’activité à un horizon de cinq ans.