Le public boude un des théâtres municipaux de Budapest, le Új Színház, un an après sa reprise en main par une personnalité proche de l’extrême-droite hongroise.

Face à l’indignation suscitée par la nomination de György Dörner à la direction artistique du Új Színház, par le maire de Budapest István Tarlós, ce dernier l’avait promis : nous tirerons un premier bilan dans un an et réviserons notre choix en conséquence. Force est de constater qu’à l’heure du bilan, le compte n’y est pas. En 2012, la fréquentation du théâtre a diminué d’un tiers, soit 20 000 spectateurs de moins.
Il semble bien que la polémique qui a suivi la nomination de Dörner au début de l’année 2011 et sa réputation sulfureuse soient responsables de ce « désamour ». A l’époque, les critiques en Hongrie et à l’étranger avaient été très vives à l’encontre du maire de Budapest et du gouvernement hongrois.
György Dörner se considère comme un « radical national ». S’il a plusieurs fois été vu participant aux événements du parti parlementaire Jobbik, il n’en est pas membre. Son extrême-droite à lui, c’est celle de la génération précédente, celle de feu Istvan Csurka et de son Parti de la Justice (le MIEP), fondé en 1993 et disparu aux élections de 2002. « Au fond de mon cœur j’aimerais que le MIEP vive et fleurisse… » – avait-t-il confié dans un article de Heti Valasz, peu avant les élections de 2010.
Une pièce particulièrement controversée de l’écrivain dramaturge d’Istvan Csurka (le même qui avait fondé le MIEP) qui devait être jouée à la rentrée de septembre dernier a finalement été déprogrammée après une longue polémique à l’été 2012 ; « A hatodik koporsó », une pièce qui traite du traumatisme de Trianon à grands renforts de considérations antisémites. Même le maire de Budapest avait préconisé son annulation. Mais on ne joue pas que des pièces marquées par le sceau du nationalisme au Új Színház, entre programmations de pièces pour enfants, de comédies populaires, parsemées de pièces plus « soft » écrites par István Csurka.
Le quotidien de gauche Népszava rappelle aussi – fort à propos – que le Új Színház profite de subventions municipales beaucoup plus généreuses que les autres théâtres de Budapest : 10.000 HUF par ticket vendu, contre 5.000 HUF pour les autres (les revenus de la vente de ces billets ne comptent que pour 11% du budget total du théâtre).
La fin du théâtre de « tapettes » ?
Décidément, la droite hongroise a toutes les peines du monde à reprendre en main le domaine de la culture, trop longtemps restée chasse gardée de la gauche libérale et cosmopolite, selon son analyse. Son projet de créer une « culture nationale » est vouée à l’échec, se heurtant autant à la difficulté d’une telle entreprise (à son impossibilité ?) qu’à l’incompétence de ses instigateurs.
La semaine dernière, un scandale a éclaté dans le milieu du théâtre : dans une émission télévisée datée du mois d’avril, Imre Kerényi, le commissaire du 1er ministre en charge de la culture, s’était félicité du fait que le metteur en scène Attila Vidnyánszky, nommé récemment à la tête du théâtre national à la place de Róbert Alföldi allait pouvoir mettre fin au théâtre de « tapettes » (« buzi », en hongrois). « […] il [Attila Vidnyánszky] va créer un Théâtre National qui aura du succès comme celui d’Alföldi, mais qui ne parlera pas des tapettes, mais de l’amour, de l’amitié, et de la fidélité« . Vidnyánszky – présent sur le plateau et qui avait accueilli cette remarque insensée par une moue dubitative – a présenté ses excuses pour son manque de réaction, mais plusieurs semaines plus tard, une fois le scandale éclaté.
Un éditorialiste du Magyar Nemzet – très proche du gouvernement Orban – a considéré les propos de Kerényi d' »inacceptables pour toute personne qui souscrit aux principes de base de la dignité humaine« . Ce qui signifie certainement que Kerényi ne bénéficie plus du soutien du gouvernement hongrois, comme l’a remarqué le blog Hungarian Spectrum.
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