Trump & Duda – Deux présidents en campagne qui se font la courte échelle

Mercredi 24 juin, quatre jours avant le premier tour de l’élection présidentielle en Pologne, Andrzej Duda s’est rendu à Washington pour poser au côté de Donald Trump. Ce dernier lui a promis l’envoi d’un petit contingent de Marines de l’US Army.

Deux présidents en campagne, le 24 juin à Washington. Photo : service de presse de la présidence polonaise.

« Nous déplacerons probablement des troupes de l’Allemagne vers la Pologne », a annoncé Donald Trump, à l’occasion d’une courte rencontre avec le président polonais mercredi. Andrzej Duda a actionné le bon levier : 60 % des Polonais interrogés sont en faveur d’une hausse du nombre de soldats américains sur leur territoire, selon un récent sondage. Quelques heures auparavant, Duda avait manifesté son souhait de maintenir une forte présence nord-atlantique en Europe, au cours d’un appel avec Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN.

Peut-on parler d’un coup d’éclat électoral de Duda ? Dans trois jours, il affrontera dans les urnes dix candidats qui prétendent au poste de président. En s’employant de la sorte sur la scène internationale, il se positionne en leader et il mobilise un thème qui fait largement consensus en Pologne. Difficile pour ses opposants de contester le motif de la visite de Duda : la présence de l’OTAN est soutenue par plus de la moitié des partisans de Trzaskowski, Hołownia et Biedroń, ses trois principaux adversaires.

Avant la rencontre, l’opposition en Pologne s’est alors inquiétée de l’imprévisibilité de Donald Trump, le député européen Sikorski (PO) déclarant : « La visite du président Duda aux États-Unis est très courageuse, car presque tous les interlocuteurs de Donald Trump le regrettent plus tard ». Le candidat Rafał Trzaskowski (PO) s’est lui préoccupé de la volonté de Trump de « transférer des forces nucléaires » sur le sol polonais, une hypothétique décision qui n’a toutefois pas été annoncée.

L’attention s’est aussi focalisée sur l’Allemagne, puisque les mille soldats en partance pour la Pologne sont actuellement stationnés sur le sol du voisin allemand, dans un pays auquel les Polonais réclament encore des dédommagements liés à la Seconde Guerre mondiale.

De son côté, la visite de Duda permet à Trump de punir l’Allemagne, avec laquelle il est en conflit sur de nombreux points, comme la construction du gazoduc Nord Stream 2. Le président américain a affirmé : « nous allons envoyer des troupes supplémentaires et la Pologne va payer pour cela […], l’Allemagne devrait payer 2 % et elle paie à peine 1 % », s’indignant de la « délinquance » allemande.

« Je crois qu’il a des élections à venir, et je crois qu’elles vont lui réussir », a déclaré le président américain en désignant son homologue. Preuve de l’excellente entente entre les deux présidents, la délégation de Duda est la première à être accueillie par Trump depuis le début de la crise sanitaire. Au total, ils se sont déjà rencontrés douze fois : pour Duda, « cela montre l’énorme intérêt pour l’Europe centrale de la part du président et des autorités américaines ».

L’intérêt de Trump pour cette région est économique et stratégique. D’une part, il envisage une forte coopération énergétique en « approvisionnant la Pologne en gaz naturel liquéfié américain » et en « s’associant pour développer le secteur nucléaire civil polonais ». D’autre part, cette rencontre vise à éloigner l’Europe centrale de l’aire d’influence de la Russie en lui promettant une protection énergétique et militaire. Un journaliste a d’ailleurs remarqué le timing de cette rencontre, qui a lieu le même jour que la parade militaire annuelle à Moscou.

Pour Duda, cette rencontre est « gagnant-gagnant ». Le président polonais espère récolter de précieuses voix pour le scrutin imminent. Il en aussi profité pour remercier les autorités américaines pour la rénovation de la statue de Tadeusz Kosciuzsko, dégradée en marge du mouvement « Black Lives Matter ». Trump, lui, pose ses pions en Europe centrale, et grapille des voix chez les Américains d’origine polonaise qui habituellement votent davantage pour les Démocrates, en vue des élections de novembre. En somme, il s’agit d’un coup de main réciproque entre deux présidents-candidats.

Mathieu Besson

Mathieu Besson est étudiant à Sciences Po Lyon où il suit un cursus spécialisé sur la Russie contemporaine et l'aire post-soviétique.

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