Tchéquie : bras de fer syndical chez l’automobilier Škoda

Les employés tchèques de Škoda menacent la direction d’une grève illimitée s’ils n’obtiennent pas de hausse conséquente de leurs salaires. Alors que la Tchéquie fait face à une pénurie de main d’œuvre, les syndicats du pays sont plus que jamais en position de force dans les négociations.

Le dialogue est en train de s’envenimer entre la direction et les employés de Škoda en République tchèque. En pleine négociations sur les salaires, les propositions de l’employeur de les augmenter à 14% sur 27 mois (6% par an) ont été accueillies comme une provocation de la part des syndicats. Le plus puissant d’entre eux, Kovo, menace le constructeur automobile d’une « grève illimitée » dans les trois usines du pays : Mladá Boleslav, Kvasiny et Vrchlabí.

« Il semble que l’entreprise, ou plutôt sa direction, vit sur une autre planète ces dernières semaines, et ne semble pas avoir entendu la demande de Kovo. Nous répétons donc pour eux : les syndicats Kovo exigent une hausse des salaires à deux chiffres pour les employés », a rappelé l’hebdomadaire de l’organisation ouvrière. Hier, les syndicats ont qualifié de « blague » la proposition d’une première augmentation de 4.3% à effet immédiat pour les 23000 employés de Mladá Boleslav. A terme, les syndicats aimeraient augmenter les salaires de 18%.

Au-delà de la question salariale, l’autre contentieux porte sur l’épineuse question des heures de travail. Pour l’instant, Škoda conditionne l’augmentation des salaires à une augmentation de la production, notamment en faisant travailler le samedi, ce que les syndicats refusent catégoriquement. La production a augmenté de près d’un million à 1,200,000 voitures dans l’usine de Mladá Boleslav et le travail du samedi permettrait de produire annuellement 75,000 voitures de plus.

Selon plusieurs sources, Škoda n’aimerait pas nouer un cassus belli sur le travail du samedi et compte se replier sur la seule négociation salariale en cours. Cependant, vu l’appétit des syndicats, celle-ci pourrait être limitée à 12 mois, avec la contrainte d’une nouvelle renégociation l’année prochaine. Un compromis pourrait être conclu autour d’une hausse en-deçà des revendications syndicales, mais assortie de quelques primes. Quoi qu’il en soit, le rapport de force est encore d’actualité dans la mesure où la menace de grève n’est pas tombée.

Les écarts salariaux Est-Ouest en ligne de mire

Si les salariés tchèques de Škoda gagnent sensiblement plus que leurs compatriotes, leurs revenus de 1600 euros mensuels restent pourtant bien en-dessous de ceux leurs collègues allemands (plus de 3000 euros). Cet écart est d’autant plus difficile à vivre que la République tchèque est la voisine immédiate de la riche Bavière et que le groupe Volkswagen auquel appartient Škoda se porte très bien.

Par ailleurs, en Tchéquie la croissance économique va bon train (4.5% en 2017) et le chômage a atteint son plus bas niveau depuis 1997 (à 3.7%). En terme de chômage, le pays est même première de la classe au sein de l’Union européenne. La pénurie de main-d’oeuvre est criante dans tout le pays et cela force quelques employeurs à augmenter les salaires. Pourtant, dans l’ensemble ceux-ci ont peu bougé dans les dernières années, entre 2 et 4% annuellement. Plus optimiste, la Chambre du commerce estime que les salaires ont été réévalués à plus de 7% en 2017 et prévoit une hausse de 9% en 2018.

Si la hausse des salaires ne suit pas le niveau de croissance économique, c’est entre autres à cause de la faiblesse structurelle du mouvement syndical qui, en plus de faire face aux défis de l’économie moderne, porte encore en Europe centrale le stigmate de l’ancien régime communiste. Malgré cela, les temps changent, tel que le montre l’assurance des travailleurs de Škoda en Tchéquie, qui suivent exemple de leurs voisins de Volkswagen en Slovaquie ou de Tesco en Hongrie.

Chez Tesco, « la plus importante grève en Hongrie depuis 1991 »

Adrien Beauduin

Correspondant basé à Prague

Journaliste indépendant et doctorant en politique tchèque et polonaise à l'Université d'Europe centrale (Budapest/Vienne) et au Centre français de recherche en sciences sociales (Prague). Par le passé, il a étudié les sciences politiques et les affaires européennes à la School of Slavonic and East European Studies (Londres), à l'Université Charles (Prague) et au Collège d'Europe (Varsovie).

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