Après sept années de rebondissements et quatre mois de procès, la justice tchèque a prononcé un premier verdict en faveur de l’ex-premier ministre Andrej Babiš dans l’affaire du « Nid de cigogne », dans laquelle il était accusé de détournement de fonds européens.

« NON COUPABLE ! Je suis très content que nous ayons une justice indépendante et le tribunal a confirmé ce que je répète depuis le début. Je suis innocent et je n’ai rien fait d’illégal », a jubilé Babiš sur Twitter dès l’annonce du verdict lundi matin. Son ex-conseillère Jana Nagyová, qui était la seconde accusée, a aussi été innocentée par la justice. Le procureur pourrait faire appel du verdict et envoyer l’affaire à la Cour supérieure de Prague.
Les deux accusés ne risquaient qu’une amende et une peine de prison avec sursis, mais il est certain qu’une condamnation n’aurait pas aidé l’ex-premier ministre, qui est en pleine course électorale pour les présidentielles, dont le premier tour aura lieu vendredi et samedi 13 et 14 janvier. Déjà, les audiences étaient venues entacher sa campagne électorale, même si l’accusé avait tenté de les utiliser pour se présenter en victime du système. En septembre, il avait notamment qualifié son procès de « premier procès politique depuis la révolution [de 1989] ».
« Que chacun prononce son propre verdict […] dans les urnes »
Du côté des membres du gouvernement, le verdict a été commenté en termes laconiques avec des expressions de respect envers la décision de la justice. « Le verdict d’une cour indépendante est à respecter », a commenté le premier ministre Petr Fiala (ODS, droite), tout en appelant au vote, soulignant que la politique se jouait dans les urnes et non pas dans les cours de justice. Le ministre de l’Intérieur Vít Rakušan (STAN, centre) a aussi appelé les citoyens à respecter la justice mais non sans ajouter : « Et que chacun prononce son propre verdict, par exemple dans les urnes. »
« Pandora Papers » : Andrej Babiš, ses sociétés offshores, sa villa sur la Côte d’Azur
Après l’annonce du verdict, le juge Jan Šott a commencé à lire un long argumentaire dans lequel il pesait les arguments du procureur et de la défense. S’il a émis de forts doutes sur les déclarations d’Andrej Babiš et de sa co-accusée – qui niaient avoir maquillé le projet hôtelier « Nid de cigogne » en petite et moyenne entreprise pour pouvoir toucher deux millions d’euros en fonds européens en 2008 -, il a aussi jugé qu’il n’était pas certain que cela avait pour but de frauder les fonds de l’Union européenne.
L’affaire du « Nid de cigogne » secoue la scène politique tchèque depuis 2016, quand des révélations sur ce projet et ces machinations financières avaient émergé dans les médias. Le scandale avait mené en 2017 à une crise gouvernementale entre Andrej Babiš, alors ministre des Finances, et ses partenaires sociaux-démocrates (ČSSD). Babiš avait alors démissionné mais il avait remporté les élections de 2017, et les sociaux-démocrates et les communistes (KSČM) l’avaient porté à la tête du nouveau gouvernement.
A la conquête du Château de Prague
Le verdict vient à point pour Andrej Babiš, qui tente de conquérir le Château de Prague, siège du président. Les derniers sondages montrent qu’il est au coude-à-coude avec deux candidats issus de la société civile : l’ex-général Petr Pavel et l’ex-rectrice Danuše Nerudová. Avec son noyau dur électoral de 25-30 %, Babiš a longtemps été considéré par les sondeurs comme un participant garanti au second tour, mais la montée de Nerudová était venue brouiller les cartes dans les dernières semaines et dessinait un possible second tour Pavel-Nerudová.
Le verdict de la cour pourrait donc donner à Babiš les quelques voix nécessaires pour passer au second tour et surtout, il pourrait augmenter ses chances au second tour, là où tous les sondages le donnent largement perdant, que ce soit contre Pavel ou contre Nerudová. Si Babiš réussit à convaincre les électeurs que le verdict prouve qu’il était la victime d’un complot des élites, et s’il réussit à associer son ou sa rival.e à ces élites, alors il pourrait bien réaliser le tour de force de devenir président.