Près d’une centaine de militants écolos est menacée d’énormes amendes pour avoir occupé une mine de charbon dans le cadre d’une action menée l’été dernier contre les énergies fossiles dans le nord de la Bohême. Au moment où la cause écologiste gagne du terrain en République tchèque.
Quelque 91 activistes écologistes ont reçu par la poste des demandes de dédommagement envoyée par la Compagnie des Mines de Bohême du Nord, qui elle appartient au géant énergétique ČEZ contrôlé par l’État tchèque. La compagnie minière s’en prend à eux pour avoir bloqué une des mines du nord du pays, au mois de juillet 2018. Après avoir dû payer jusqu’à 600 euros par personne pour avoir refusé d’obtempérer aux ordres de la police lors de l’occupation de la mine, les activistes se voient maintenant réclamer la somme totale de 24 000 euros. Selon la mine, c’est le coût engendré par cette action de désobéissance civile qui avait duré quelques heures.
Pour les militants écologistes, qui dénoncent une « liquidation financière », cette attaque juridique « montre que les actions directes non-violentes sont un outil efficace qui fait réellement peur aux institutions ». Ils y voient une collusion entre l’État et l’industrie, puisque l’État tchèque est actionnaire majoritaire de la mine. Selon une des membres du groupe, Klára Aubrechtová, citée par Denik Referendum, « il s’agit clairement d’un effort concerté pour faire taire les protestations qui pointent du doigt les dégâts causés par l’industrie du charbon ». Ils soulignent l’ironie de la situation, entre eux qui se trouvent poursuivis pour leurs actions tandis que l’industrie du charbon, elle, n’est pas tenue pour responsable des retombées néfastes de ses activités.
En juillet 2018, pour la seconde année consécutive, les environnementalistes organisaient dans le nord de la Tchéquie un « camp climatique » pour attirer l’attention de la société sur la pollution causée par les mines de charbon et les centrales électriques du nord du pays. Plusieurs milliers d’activistes de plusieurs pays avaient rejoint le groupe « Nous sommes les limites » (Limity jsme my) et avaient participé, entre autres, à une action directe visant à paralyser une mine pour une journée. Ils avaient alors réussi à déjouer l’impressionnant déploiement policier et près d’une centaine d’entre eux étaient parvenus jusqu’au fond de la mine, occupant même un des énormes excavateurs.

Forte mobilisation lors de la marche mondiale
Ces menaces financières sur les militants arrivent au moment où la Tchéquie connaît un regain de militantisme écologiste. Le 15 mars dernier, lors de la marche mondiale contre le réchauffement climatique, la plus grande manifestation environnementaliste de l’histoire tchèque s’est déroulée à Prague. Lycéens et étudiants ont mené la charge et ont pressé la classe politique d’agir. En réaction, le ministre de l’Environnement avait accepté de discuter du sujet à la Chambre des Représentants le 27 mars, mais la moitié des députés ont préféré quitter la salle… Déçus, les écoliers et étudiants ont donc annoncé leur intention de reprendre la rue les 3 et 24 mai prochains.
Comme le souligne le mouvement environnementaliste, la Tchéquie est le cinquième pollueur d’Europe per capita. De plus, l’industrie du charbon ne vise pas simplement à fournir le pays en électricité, mais plutôt à l’exporter vers les pays voisins, ce qui profite avant tout à quelques oligarques, connus comme les « barons du charbon ». En effet, ceux-ci possèdent de vieilles centrales d’électricité qui engrangent d’importants profits. Ce sont ces centrales que le mouvement « Nous sommes les limites » compte viser cette année. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que le coût de la pollution en termes sanitaires et environnementaux représentait 6 % du PIB tchèque en 2016. Le Centre pour l’environnement et la santé estime de son côté entre 10 et 12 000 le nombre de morts prématurées causées chaque année par la mauvaise qualité de l’air dans le pays.
Importante mobilisation des écologistes contre le charbon en République tchèque