Anna Mezgerová compte parmi les figures de proue du mouvement international ‘Fridays for Future’ en République tchèque. Cette collégienne tchèque de 15 ans nous raconte son engagement écologiste contre le changement climatique.
On dit de la société tchèque qu’elle est endormie et les élections européennes ce week-end ne devraient pas faire mentir cette affirmation. Pourtant, une partie de la jeunesse s’est mobilisée le 15 mars dernier pour former la plus grande manifestation écologiste de l’histoire de la Tchéquie. Plusieurs milliers de jeunes sont descendus dans les rues à Prague et dans une dizaine d’autres villes pour presser leurs représentants politiques d’agir contre le changement climatique. Ce vendredi, ils se mobiliseront à nouveau dans le cadre d’une journée de grève mondiale pour le climat.
Comment est-ce que votre initiative a vu le jour ?
Anna Mezgerová : Trois personnes de différents coins du pays ont été inspirées par l’adolescente suédoise Greta Thunberg et ont décidé de se joindre aux grèves qui avaient lieu un peu partout dans le monde.
Comment avez-vous commencé à vous engager et d’où vous vient cet intérêt pour la lutte contre les changements climatiques ?
Depuis que je suis toute petite, je suis dans les scouts et j’allais à la campagne chaque week-end avec ma famille et donc la nature est très importante pour moi. Quand j’ai appris que le mouvement ‘Fridays for Future’ (Vendredis pour le futur) avait vu le jour en Tchéquie, je suis directement allée au premier événement pour y adhérer.
Quelles sont les menaces qui pèsent sur la Tchéquie à cause du réchauffement climatique ?
Il s’agit avant tout de la sècheresse. Les agriculteurs ne sont pas encore remis de la sécheresse de l’année dernière que déjà ils doivent s’attaquer à celle de cette année, qui pourrait bien être pire ! Si nous n’agissons pas dès maintenant, les champs et les lacs vont s’assécher et la Tchéquie perdra de nombreuses ressources : l’électricité des centrales hydro-électriques, les pâturages pour le bétail, etc.
Quelle a été la réaction de vos camarades de classe ? Les jeunes de votre âge se sentent-ils concernés par la défense de l’environnement ?
Je suis encore à l’école et les réactions ne sont pas nombreuses. Soit ça n’intéresse pas les gens, ou bien la plupart soutiennent l’idée. Mais de toute mon école, je suis la seule qui s’engage dans le mouvement de grèves.
Vous n’allez donc pas à l’école les jours de grève. Comment est-ce que vos professeurs, l’administration de l’école et vos parents voient ça ?
Au début, ils n’étaient pas d’accord. Ils pensaient que ce n’était qu’un prétexte pour faire l’école buissonnière. Mais quand ils ont vu ce que je fais en dehors de l’école, quand ils ont su tout le temps que j’y consacres tous les jours, ils ont commencé à me soutenir et je leur en suis vraiment reconnaissante. Il y a des profs qui ne sont pas d’accord, mais c’est une minorité et j’essaie de ne pas y prêter attention.
« C’est bien joli de discuter des changements climatiques à la Chambre des représentants, mais si la majorité des députés quittent la salle pendant la discussion et que la séance n’est même pas menée à son terme… »
La première grève remonte à mars et beaucoup ont été surpris par l’ampleur de la mobilisation. Vous aussi ?
À vrai dire, oui. Je ne savais pas combien de gens étaient conscients de la crise et j’ai été touchée quand j’ai vu autant de gens arriver au rassemblement. Chaque écolier qui était dans la rue est conscient de ce qui se passe, que nous sommes menacés, et qu’il faut faire quelque chose.
Comment jugez-vous la réaction du gouvernement et des élites politiques ?
Je pourrai juger au moment où des décisions nécessaires seront prises. Mais pour le moment…cela ne se passe pas. C’est bien joli de discuter des changements climatiques à la Chambre des représentants, mais si la majorité des députés quittent la salle pendant la discussion et que la séance n’est même pas menée à son terme…
Lors de la deuxième grève du 3 mai vous n’ayez pas réussi à attirer plus de monde…
Ce jour-là de nombreux élèves avaient des examens un peu partout en Tchéquie, donc ça a influencé le nombre de grévistes. Et puis le mauvais temps n’a pas aidé. Nous avons quand même rassemblé plus de deux mille personnes à Prague et des centaines d’autres partout en Tchéquie, donc je ne crois pas du tout que ce soit négatif.
Quels sont les prochaines étapes pour votre lutte ? Pensez-vous qu’il serait approprié d’employer des moyens plus radicaux, sur le modèle du groupe ‘Extinction Rebellion’ en Grande-Bretagne, qui a organisé des grandes opérations de désobéissance civile ?
Évidemment, nous allons continuer à faire grève, mais en tant que ‘Vendredis pour le Futur’, nous n’allons pas organiser d’actions de désobéissance civile. Personnellement, je soutiens totalement ce que fait ‘Extinction Rebellion’ et je suis contente qu’une branche de ce mouvement ait été établie en Tchéquie. Je crois que c’est nécessaire.
Propos rapportés par Andre Kapsas.