Slovaquie : l’extrême-droite impose un débat parlementaire sur l’interdiction de l’IVG

Le parti d’extrême-droite ĽSNS a déposé une proposition de loi visant à interdire l’interruption volontaire de grossesse en Slovaquie. Le texte sera soumis au vote des députés en juin prochain.

Le député Marian Kotleba (« Notre Slovaquie », ĽSNS) a déposé mi-mai une proposition de loi visant à restreindre drastiquement la possibilité d’avorter en Slovaquie. Le parti d’extrême-droite aimerait limiter l’interruption de grossesse aux motifs médicaux (risques mortels pour la mère) et aux cas de viols, afin de « limiter les avortements de confort » et relancer la natalité du pays. Ces restrictions concerneraient également les femmes étrangères sur territoire slovaque.

« Il y a énormément de mères qui se font avorter pour des raisons de carrière, de promotion personnelle, de confort, de maintien de leur ligne ou encore pour prolonger de façon irraisonnée leur jeunesse », argumente ainsi le parti fasciste slovaque. Selon le ĽSNS, les conditions économiques et sociales de la mère ou des parents ne sont pas non plus des raisons valables pour avorter, dans la mesure où de nombreux ménages slovaques pourraient adopter ces enfants.

Ambiguïté de la coalition au pouvoir

Le président du Parti social-démocrate au pouvoir, l’ancien Premier ministre Robert Fico (Smer-SD), a déclaré que la proposition de loi était inconstitutionnelle et a soutenu le cadre législatif actuel favorable au libre choix des femmes. Le groupe parlementaire du Smer-SD pourrait néanmoins ne pas donner de consignes de vote à ses députés.

Le Parti national slovaque (SNS, nationaliste), également membre de la majorité n’a pas non plus précisé ses intentions à l’issue du débat parlementaire. Au sein de la coalition au pouvoir, seul le parti ethnique hongrois Most-Híd s’est clairement opposé à l’initiative de l’extrême-droite. « De par ses valeurs, Most-Híd ne soutient pas la proposition de loi du parti d’extrême-droite de Marian Kotleba et ne compte pas changer de position », a déclaré la porte-parole du parti Klárá Debnár au quotidien Új szó.

Du côté de la droite conservatrice, les partis Sme rodina (« Nous sommes une famille ») et OĽaNO (« Les gens ordinaires ») ont également déclaré vouloir laisser la liberté de vote à leurs députés. Parmi les partis d’opposition,  seul les partis libéral SaS (« Liberté et Solidarité ») et chrétien-démocrate KDH se sont explicitement prononcés contre la restriction de l’avortement.

Les députés se prononceront en juin

Lors de la session parlementaire qui s’est tenue ces lundi et mardi à Bratislava, les débats se sont éternisés en raison du nombre et de la longueur des prises de parole. L’Assemblée slovaque a ainsi décidé de reporter le vote final au mois de juin. Les partisans de Milan Kotleba ont critiqué ce choix et s’en sont également pris aux nombreux parlementaires qui n’ont pas pris part au débat.

Plusieurs députés de la majorité et de l’opposition sont montés au front contre la proposition de loi du ĽSNS, soulignant les opinions racistes et négationnistes du parti fasciste. Mais l’attaque de Kotleba contre le droit à l’avortement a aussi trouvé un accueil favorable chez les autres parlementaires, que ce soit au sein du groupe social-démocrate (Marián Kéry) ou chez les conservateurs modérés de Sme rodina et OĽaNO.

La conférence slovaque des évêques n’a pas souhaité se positionner sur le texte du ĽSNS, le porte-parole du clergé catholique Martin Kramara expliquant que l’Église ne partageait  pas la façon dont le parti de Milan Kotleba défendait la vie. De nombreuses organisations chrétiennes se sont au contraire clairement ralliées à la proposition du ĽSNS, au point d’appeler l’ensemble des députés conservateurs à approuver le texte.

Des attaques répétées contre un héritage de la période communiste

En Slovaquie, l’interruption volontaire de grossesse est un héritage de la période communiste. La loi sur l’avortement promulguée en 1986 a pourtant subi de nombreuses attaques des milieux conservateurs dans les années 1990 et 2000. Comme le rappelle un article du Figaro en date 4 décembre 2007, « le libre choix des femmes a été de facto limité au début des années 2000, quand la coalition gouvernementale formée par les libéraux, les chrétiens démocrates et les nationalistes hongrois a accordé aux médecins une « clause de conscience » leur permettant de refuser certains actes contraires à leur éthique. » 

Contrairement aux arguments avancés par Milan Kotleba, le recours à l’avortement est en nette diminution en Slovaquie. On dénombrait environ 19 000 avortements dans le pays en 1998, contre 6500 en 2016.

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